Fontanille : La dentelle du Puy : 160 ans de savoir-faire et d'histoire

Le fonctionnement d'une usine de 49 salariés. Une usine qui conçoit et fabrique du ruban et de la dentelle élastique en ayant une structure un peu différente de ce qu'on peut avoir l'habitude de connaître. Et pour cause : Fontanille a bien failli mourir il y a quelques années. En 2012, après une liquidation judiciaire, les salariés ont été licenciés et l'entreprise, telle que l'on connue les 70 employés de l'époque, ferme le rideau. Un savoir-faire de moins en moins prisé, amplifié par une crise financière mondiale de 2008-2009. Le milieu de la dentelle perd ses clients et fournisseurs, les usines ferment l’une après l’autre, Fontanille n'y échappe malheureusement pas.

Tout risquer pour sauver Fontanille

La reprise de Fontanille n’a pas été un long fleuve tranquille. Aujourd'hui, si elle survit encore, c’est grâce à la création de la Scop (Société coopérative et participative). À l'annonce de la fermeture, il a été difficile de se relever. "On vivait un choc, on venait de se faire licencier, ça a été très très difficile", confiait le PDG de la Scop, Rolland Arnaud. Alors reprendre l'entreprise telle qu'elle n'était pas une possibilité. "L'entreprise était finie". Mais un tout autre choix a été fait. Le 23 novembre 2012, Fontanille SA devient alors Fontanille Scop avec le soutien d'une quarantaine de salariés qui ont pris le risque d’investir toutes leurs indemnités de licenciement pour devenir copropriétaires d’une nouvelle entreprise, le nouveau principe de la Scop. 

En 2012 donc, après avoir misé très gros, 830.000 euros d'investissement dont 60 % issues des primes de licenciements, Fontanille renaît de ses cendres. Le PDG sera Rolland Arnaud, ancien employé de l'entreprise depuis plus de 20 ans. "Je connaissais tous les rouages de l'entreprise". Il est réélu depuis 2012 par les sociétaires. 

"Personne n'y croyait, on nous disait que c'était de la folie"

Dans les années 2010, le concept de Scop n'était pas encore bien dans les mœurs. Alors quand Rolland Arnaud et les 40 salariés qui ont tout risqué, ont présenté le projet de Scop, il a été difficile de croire en un avenir. "C'était un projet en 2012 ou personne n'y croyait, on nous disait que c'était de la folie. On a relevé le défi et aujourd'hui, c'est une entreprise qui va bien  ", lançait Rolland Arnaud devant les Sénateurs.

Après 150 ans de savoir faire, impossible pour eux de laisser tomber la dentelle du Puy. "Parce qu'on y croit, c'est la Dentelle du Puy, c'est très rare et il faut la préserver". Aujourd'hui, le PDG, élu et réélu depuis 11 ans aborde du parcours de la Scop avec fierté :" Bien sûr que je suis fier, la fierté, c'est un mot important". Je ne crois pas à la fatalité : on a voulu se battre et on y est arrivé".

Un défi risqué, mais réussi en vue de la belle évolution des chiffres depuis sa reprise.  3.2 millions de Chiffres d'Affaires en 2012. 5.5 millions aujourd'hui. Avec une valeur de la dentelle qui a doublé, passant de 30 centimes le mètre à aujourd'hui plus de 80 centimes. Six embauches en 2023. 48 employés. 

Car depuis la création de la Scop, la fabrication, autrefois spécialisée dans la lingerie, s'est diversifiée avec trois grands domaines de productions : 

• Le Médical (qui représente 80% de la fabrication, numéro 1 en France et en Italie, aujourd'hui dans la majorité des pharmacies de France (plus de 80%).
• La mode et la lingerie (produits de luxe, velours, élastique, dentelle au fuseau)
• L'industrie (des bandes élastiques dans des entreprises comme Michelin ou des gaines dans l'aéronautique pour Airbus)

Un savoir-faire d'excellence 100 % Français et altiligérien

Rolland Arnaud insiste, le but recherché est de viser l'excellence. "Si on n'est pas excellent, si on est moyen, on disparaît. Ici, c'est une culture de l'excellence". Alors ce savoir-faire est reconnu à niveau national et international. Une dentelle 100 % made in France avec des matières premières venues d'Israël, d'Italie et d'Allemagne. Une production qui se veut 100% verticale, c'est-à-dire produite de A à Z dans les locaux ponots. De l'ourdinage du fil, au conditionnement en passant par le tissage.

Une manutention unique en France, avec des techniques ancestrales. La dentelle aux fuseaux a fait la renommée de Fontanille depuis des décennies et est l’activité la plus ancienne de la société. L’atelier fuseaux comporte plus de 60 métiers qui fonctionnent grâce à la technique du jacquard : des cartes perforées permettant la sélection et le trajet des fuseaux. Ces métiers centenaires produisent entre 2 et 3 mètres à l’heure.

"Le DIM UP, bas autofixant, a d'ailleurs été inventé par Fontanille", le rappelle le PDG. Fontanille est même "leader européen" dans le domaine médical avec les bas de contentions. Parmi les produits finis, 25 à 27 % finissent en exportation, une grande partie en Italie. Les clients conquis en grande partie par le savoir-faire français, et la traçabilité du produit. Un produit 100% Français et altiligérien. 

Une volonté de démarche écoresponsable. 

Certifié ISO 14.001 (norme de référence accordée aux organisations qui contribuent aux Objectifs de Développement Durable), l'entreprise a à cœur une démarche écologique. "On n'a pas attendu d'être certifié pour faire des choses, il faut agir dès le début". Il y a 4 ans, la Scop a investi dans un générateur de vapeur qui fait une économie de 400.000 tonnes de CO2. Un impact à la fois écologique et économique. "Quand on est dirigeant, on se doit de prendre en compte le volet environnement". 

De plus, l'emblème de la Scop Fontanille est une abeille. Et cela n'a pas été choisi par hasard. " Les abeilles sont en train de disparaître et Fontanille aussi a failli disparaître. Alors, il faut en prendre soin". L'abeille représente donc le miel, l'environnement et la femme, nous explique le PDG. Dans la cour de l'usine, il y a même quatre ruches, où le miel est récolté dans l'année et offert aux associés. " Quand je regarde mes ruches, je réfléchis à comment on peut prendre soin de la planète."

Prochainement, la Scop réfléchit à investir dans une chaudière biomasse ou en géothermie.