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Pédocriminalité à l’Église (1 sur 2) : « Il ne fallait en parler à personne »
Un long article scindé en deux parties. La première publiée ce matin est le témoignage aussi fort que dramatique de Christian *, 57 ans, sa vie détruite après 1 an et demi d’abus quand il avait 8 ans. Son bourreau, un prêtre du diocèse ponot. « C’est l’Église et toute son architecture construite sur des dogmes abjects que je vomis », partage-t-il.
La seconde partie, mise en ligne à midi, relate entre autres comment le diocèse du Puy-en-Velay s’est investi pour indemniser les victimes de son territoire.
Christian * a aujourd’hui 57 ans. Il habite depuis presque toujours à proximité de la Statue de la Vierge au Puy. Quand il regarde cette effigie à la gloire de l’Église et de la religion catholique, il ne peut s’empêcher de serrer les dents, formant d’innombrables stries de colère sur son visage fatigué.
« Je n’ai pas de haine, commence-t-il avec une voix presque inaudible. Je n’ai plus de haine à vrai dire. Plus envers cette personne qui m’a fait ce mal pendant des mois. Mais je maudis au plus profond de mon cœur et de mes tripes l’hypocrisie de l’Église. Sa façon de minimiser les actes. Ses moyens hallucinants pour cacher les choses, les camoufler pendant des décennies. »
Il souffle encore : « Je hais l’Église pour avoir fait croire à leurs représentants qu’une poignée de prières suffisait à les absoudre de leurs actions aussi répugnantes soient-elles, aussi immorales, aussi violentes. Je hais l’Église pour tout ça. Car, finalement, ce n’est pas la faute de cet homme d’avoir abusé de moi et peut-être d’autres. C’est cette institution poussiéreuse, sclérosée dans des principes incompréhensibles comme le célibat et bien d’autres choses contre nature, le véritable coupable ».
« On récitait aussi des prières que nous ne comprenions pas vraiment »
À l’âge de 8 ans, Christian fait comme beaucoup de ses copains. Le « catéch ». « Je ne savais pas ce que c’était vraiment mais je voulais suivre mes amis de l’époque, raconte-t-il. Pourtant, ma famille n’était pas vraiment croyante. Seulement, mes grands-parents étaient fiers de me voir suivre une éducation chrétienne. Ça me suffisait ».
Au début, selon Christian, tout se déroulait bien. « Celui qui nous accueillait nous lisait des histoires sur la vie de Jésus et des apôtres, se rappelle-t-il. On récitait aussi des prières que nous ne comprenions pas vraiment. Je me souviens même de cette fois où j’ai mangé un ostie pour la première fois. Pendant des dizaines de minutes, j’ai tenté de le décoller de mon palais. J’ai dû attendre d’arriver chez moi et boire un grand verre d’eau pour l’enlever ».
« Que tout ce qu’il demandait était ce que Dieu demandait »
Et le diable fit son entrée. « Parfois, pendant les cours de catéchisme, un prêtre venait nous voir pour compléter les paroles de l’animateur. Il s’asseyait devant nous et expliquait la vie d’un saint ou le texte d’un Évangile. Il répondait à nos questions aussi. Il insistait toujours sur l’importance de la parole de Dieu, que c’était cette parole qu’il fallait suivre et pas une autre ».
Christian lâche alors les yeux brillants : « Il nous disait qu’il était un ambassadeur de Dieu et que sa parole était donc directement inspirée par Dieu. Que c’était la Vérité. Et que tout ce qu’il demandait était ce que Dieu demandait. Moi, à 8 ou 9 ans, je croyais ce qu’on me disait. C’était un prêtre, très grand, avec un visage anguleux d’après mes souvenirs. Mais peut-être ai-je ce souvenir, car j’étais petit à cette époque. Et impressionné ».
Christian, après deux longues aspirations sur sa cigarette roulée, déroule un peu plus ce fragment de vie : « Il nous répétait sans cesse que nous serions des bons garçons si nous écoutions la voix du Seigneur. Qu’Il nous surveillait constamment. Qu’Il nous jugeait. Et qu’Il nous ferait une place dans son Royaume si on ne s’opposait pas à sa parole ».
« Un après-midi, le prêtre a voulu que je reste après le cours de catéchisme »
Et le diable passa à l’acte. « Quelle naïveté quand j’y pense !, lance Christian. Comment ai-je pu croire à tout ça ! J’étais sacrément con en ce temps ! » Ou ingénu comme tous les enfants du monde. « Un après-midi, le prêtre a voulu que je reste après le cours de catéchisme, chuchote Christian. Étrangement, il me semble avoir ressenti de la fierté à ce moment-là. Mes copains me regardaient en partant. Eux aussi devaient peut-être se demander pourquoi un envoyé de Dieu s’intéressait à moi et pas eux. Peut-être ».
« Parce que le fait d’avoir été choisi par Dieu était si rare qu’il ne fallait en parler à personne »
Avec ses doigts jaunis par la nicotine, Christian se roule un énième mégot aussitôt sa clope écrasée dans le cendrier en forme de grenouille. Et il reprend sa part d’ombre : « Nous étions face à face. Très proches. Ses genoux touchaient les miens. Il a commencé à répéter ce même discours sur la parole de Dieu, son jugement, son amour et sa colère. Je me rappelle son visage souriant quand il m’a affirmé que Dieu m’avait choisi pour l’accompagner dans ses attentes. Que c’était un honneur unique ».
Sa voix se voile et vacille : « Et que parce que le fait d’avoir été choisi par Dieu était si rare qu’il ne fallait en parler à personne. Même pas à ses parents ou ses copains. À personne d’autre qu’à Dieu. Et donc au prêtre ».
L’horreur en robe de soutane
Caresses demandées. Caresses subies. Baisers et soupirs. Attouchements. Humiliation. Salive mêlée. Peau à peau. Odeur. Sueur. Douleurs et souffrances. Ces mots se tordent dans la bouche de Christian en un flot discontinu, en un ruisseau de barbelés, pour décrire cette période qui a duré un an et demi toujours dans cette même pièce de « catéch ». Une fois par semaine.
« Il y avait un crucifix au-dessus de la porte d’entrée et un brin de gui tout sec accroché en dessous, se perd Christian dans sa mémoire. Les murs étaient blanc-chaux avec des grains qui dépassaient sur la surface. Je me rappelle que j’aimais bien passer la main dessus pour ressentir les picotements sur ma paume. Je me souviens aussi de cette grande armoire sombre qui nous faisait tous un peu peur, coincée dans un angle, et qui renfermait des bibles et des bougies ».
Il regarde le dehors de sa fenêtre et confie sans se retourner : « C’est fou de se souvenir de ce genre de détails. Mais peut-être que je m’accrochais à ça pour me persuader que tout était normal ».
« J’étais un môme. J’étais un enfant »
Et le diable disparut. « Lors d’un cours, le prêtre n’est pas venu, murmure Christian. Et puis le cours suivant non plus. Et on l’a jamais revu. Aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il lui est arrivé. Et je n’ai jamais cherché en fait. » Christian a aux alentours de 10 ans à cette époque. Il arrêtera le catéchisme quelques semaines après. Mais il gardera le silence.
« Je savais qu’il y avait quelque chose de pas normal dans ce que m’avait fait subir ce monstre. Mais je ne savais pas quoi exactement. J’étais encore sous le coup de son lavage de cerveau avec les fameuses attentes de Dieu. J’étais un môme. J’étais un enfant. Et Dieu avait fait de moi un Élu selon le prêtre ».
« Mon calvaire n’a pas duré un an et demi. Il a duré toute ma vie »
Dix ans. Il a fallu une décennie pour que la conscience de Christian déchire ce rideau de sainteté pour voir les immondices cachées derrière. « Ce n’est qu’adulte que j’ai compris ce que j’avais réellement enduré. Ça a été un véritable traumatisme ! Et plusieurs fois j’ai voulu en finir. Me foutre en l’air une bonne fois pour toute. Mais j’ai traversé les années et la vie. Avec cette histoire au fond de mon cerveau qui ne me lâchera jamais plus ».
Il ajoute : « Encore une fois, ce n’est pas à l’homme que j’en veux. C’est l’Église et toute son architecture construite sur des dogmes abjects que je vomis ». Pour terminer en ces maux : « Mon calvaire n’a pas duré un an et demi. Il a duré toute ma vie. Comme toutes les victimes de l’Église ».
Christian a décidé de ne pas toquer à la porte de l’Inirr, ni au diocèse du Puy-en-Velay. Il ne souhaite pas avoir à faire avec qui que ce soit, de près ou de loin, appartenant à l’Église. D’autre part, il caractérise la réparation financière octroyée par l’Église comme un moyen de s’excuser de faits inexcusables.
Christian * : Le nom a été changé par souhait d’anonymat
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5 commentaires
L'abjection des religions ... On pourrait aussi parler des politiques qui ont soutenu aveuglément les morales religieuses en s'assurant que leurs ouailles restent bien crédules et ne parlent pas. LR et Christine Boutin pour les dérives sectaires catholiques et LFI pour les intégrismes venus d'ailleurs.
Quel article ! Quelle force de l'écriture. Elle écorche, elle déchire, elle pourfend. On passe des larmes au dégoût le plus profond. Bouh ! bien vu.
Contrairement à la victime, je pense que le violeur est l'unique responsable de ses actes. L'Eglise n'a fait que cacher ses crimes, c'est odieux mais connu. Le prêtre est sans doute entré dans les ordres pour assouvir sa pédophilie. On ne devient pas pédophile à cause du célibat imposé. Tout les prêtres ne sont pas des malades criminels. L'agresseur est personnellement responsable. Il est bien connu aussi que pendant des siècles, des hommes ont rejoint des monastères ou prononcé des voeux pour cacher leur homosexualité et l'assouvir (de nombreux moines étaient homosexuels).
Tout à fait d'accord avec Mi .
J'ajouterais à ce sinistre palmarès les utopies qui dérivent toujours ,elles aussi, vers des tyrannies criminelles .Pas seulement dans le roman " 1984 ".
Comme quoi aucune religion n'est bonne!, les unes violent garçons et fillettes, les autres mutilent, les autres égorgent!. Je suis athée et je maudis toutes ces religions et ceux qui les pratiquent et les détournent pour satisfaire leurs travers sadiques.
hm 17/01/2021 09h39 Comme quoi aucune religion n'est bonne!, les unes violent garçons et fillettes, les autres mutilent, les autres égorgent!. Je suis athée et je maudis toutes ces religions et ceux qui les pratiquent et les détournent pour satisfaire leurs travers sadiques.