Vivre dans un camion : « Pour la liberté et l’indépendance »

Nous allons les appeler Tom et Romane. Lui a 30 ans et elle, 29. Quant au petit Léo, il attaque sa seconde année de vie. S’ils ont souhaité que les prénoms soient changés, c’est que les clichés ont encore la vie dure. « Beaucoup imaginent que les personnes vivant dans un camion sont des gens à la marge, des drogués parcourant le pays à la recherche de festival techno, des punks à chien, incapables d’éduquer correctement un enfant, souffle Romane. Pourtant, nous vivons comme tout le monde si ce n’est que nous avons, en plus, une sensation et une réalité de liberté infinies ».

Depuis quatre années, leur maison est un camion de 8,6 tonnes. Il est actuellement installé dans les hauteurs du bassin ponot, à mi-chemin entre le travail d’artisan de Tom et celui d’artiste de Romane. À l’intérieur, près de 17 m² assure tout le confort pour le couple et leur garçon.

Si discrets soient-ils pour éviter toute sorte de discriminations encore tenaces de nos jours, ils ont bien voulu décrire les avantages et les inconvénients de ce choix de vie, un choix qui semble d’ailleurs faire de plus en plus d’adeptes.

Pouvez-vous nous présenter votre maison ?

Tom : « Déjà, ça fait environ 7 ans que j’ai choisi de vivre ainsi. Je connais Romane depuis 4 ans et nous habitons dans ce camion depuis. Il est équipé avec tout ce qu’il y a partout ailleurs. Une chambre au rez-de-chaussée pour Léo, la nôtre au-dessus, une cuisine avec un évier, un frigo, un four, une table de cuisson, un espace sanitaire et beaucoup de rangements ».

Mais comment faites-vous pour l’eau et l’électricité ?

Tom : « Sur le toit, il y a des panneaux solaires avec des convertisseurs et des batteries. Nous n’avons pas une grosse installation, 700 watts générés, mais ça suffit largement à notre consommation. Nous avons pourtant un ordinateur, le frigo, une platine vinyle, la lumière et bien d’autres choses encore ».

Romane : « Pour l’eau, le camion est équipé d’une cuve de 300 litres ce qui nous permet de bien anticiper. Nous la remplissons chez des copains ou, par exemple, dans les cimetières avec l’accord des gardiens. À chaque fois que nous avons procédé ainsi, jamais nous n’avons eu de refus ».

« Notre salon, il est petit à l’intérieur mais infini à l’extérieur avec, comme salle de télévision, le paysage, les gens, la mer, la montagne....La vie, quoi ! » Tom et Romane

Comment ça se passe pour s’installer quelque part ?

Tom : « En général, on stationne chez quelqu’un que l’on connaît. Mais lorsque nous bougeons, nous faisons en sorte de ne gêner personne. On ne s’arrête pas au milieu d’un chemin ou au milieu d’un pré pas encore fauché. Et toujours avec l’accord du propriétaire ».

Quels sont, selon vous, les avantages de ce mode de vie ?

Romane : « Demain matin, on peut se réveiller au bord de la mer ou devant une montagne. En fait, ce n’est pas forcément une vie de bohème, car nous travaillons à plein temps tous les deux et dans un endroit fixe. Mais c’est une vie de liberté et d’indépendance. Quand on veut prendre l’air ailleurs, on tourne la clé du camion et on part ».

Elle ajoute : « Et surtout, pas de facture d’eau et d’électricité, pas de loyer, pas de taxe foncière...Toutes ces charges qui étouffent celles et ceux sédentarisés n’ont pas lieu chez nous ».

« Comme tout camion, il fait vite chaud en temps de canicule. Notre solution a été de s’exiler à Saint-Front, à Fay-sur-Lignon ou encore à Boussoulet. Au gré de la météo, tu peux rejoindre des endroits plus adéquats ». Romane

N’existent-ils pas des inconvénients par rapport à une habitation classique ?

Tom : « Bien sûr que si. La mécanique en premier. Il n’y a pas beaucoup de soucis, mais quand ça arrive, ça peut vite être très cher. Il vaut mieux être un peu bricoleur sur le sujet. L’achat des pneus est également une forte dépense ».

Il poursuit : « L’un des plus gros budget reste le carburant. En faisant attention, on tourne entre 18 et 20 litres au cent. Dernièrement, nous sommes partis dans les pays basques pendant trois semaines. Nous avons dépensé 2 000 euros de gasoil. Mais rien pour le loyer et le reste. Prendre une location de vacance coûterait bien plus cher, au final ».

« Entre un 15 m² à Paris et notre 15 m² à nous, il n'y a pas photo. À Paris, tu paies le prix du camion tous les mois ! Tu n’as pas de dehors, pas de jardin, rien, juste des charges ». Tom

Comment est pris le fait de vivre dans un camion ? Avez-vous déjà été confrontés à des remontrances ?

Romane : « Deux visions différentes ! Les uns vont dire que nous avons tout à fait raison et qu’on a eu le courage de vouloir échapper aux emmerdes de la vie courante. Les seconds vont être horrifiés par ce mode de vie, nous réduisant à des parents irresponsables. Je pense que ce sont des critiques injustifiées et rétrogrades ! »

Et que répondez-vous à ces gens ?

Romane : « Qu’ils ont une vie parfaite, enfermés dans leur appart à finir à découvert tous les mois ! Pour ma part, ça ne m’est pas arrivé depuis que je vis dans un camion. J’ai un salaire normal, mais un pouvoir d’achat très conséquent, allégé de tous ces poids financiers ».

« Pour le courrier, nous le faisons envoyer chez nos parents respectifs. Car la loi française oblige quiconque à posséder une adresse précise ». Romane

Que conseillerez-vous à quelqu’un encore indécis sur ce choix de vie non-conventionnel ?

Tom : « Que, pour moi, la vie dans un camion est top. Mais, à cause de cette mode qui explose, les prix des camions explosent tout autant. J’ai acheté mon véhicule moins de 3 000 euros il y a sept ans. Aujourd’hui, le même approcherait les 10 000 euros ».

Romane : « Je souhaite à tout le monde de vivre comme nous. Tu es plus libre et bien plus serein. Tu n’as pas de voisin si tu n’en veux pas. Tu as une montagne, une forêt, un lac, si tu le veux. Vivre ainsi, c’est la liberté absolue. Vraiment ».

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