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Village AFPA : "un regroupement pour mutualiser les compétences"
L’AFPA ? C’est un long métrage qui aurait pu s’appeler « Le Phoenix ». Destinée à une fin cinglante il y a deux ans, l’entité a su rebondir et envisager un autre scénario pour continuer sa route. Pendant ses portes ouvertes, elle a exposé ses nouveaux acteurs, son nouveau décor et l’écriture de sa nouvelle histoire.
Auparavant Afpa (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), le centre du Puy a entamé sa mue pour se diversifier, prenant alors l'appellation "Village Afpa" depuis son plan de réorganisation d'octobre 2018 et les scénarios en dents de scie qui en ont découlé. C'est ainsi que l'Afpa s'est doté d'une nouvelle offre pour se développer : la Manufacture.
Pour Nathalie Malatrait, directrice du centre Afpa du Puy-en-Velay, « c'est une transformation de notre centre de formation en un village de l’Afpa, tiers lieu de l’insertion sociale et professionnelle. On est un ensemble de partenariats pour promouvoir une offre nouvelle. »
La Manufacture, un espace de coworking artisanal et participatif
D'après Dominique-Lise Blandin, chargée de communication à l’Afpa du Puy : "La Manufacture, c’est une offre créée par l’Afpa en partenariat avec Make ici, un réseau de manufactures solidaire et collaboratif en France. Elle a ouvert ses portes en juin 2020. On accueille aujourd’hui 13 artisans résidents, dans les métiers du bois, du métal, de la mécanique, des matériaux souples (cuir, textile) et de la fabrication numérique. Nous avons 2 300m2 d’ateliers partagés."
Pour y entrer, le principe est simple : en échange d’un abonnement mensuel de 350€ HT (420€ TTC), les personnes peuvent venir s’y installer en résidence, qui devient alors leur lieu de travail. Leur accès à la Manufacture est possible 7j./7 et 24h/24 grâce à une clé qui leur est confié. Chacun dispose alors d'un établi et peut profiter des espaces de rangement, ainsi que des machines professionnelles, traditionnelles et numériques, dans tous les corps de métier.
"Le grand plus de ce lieu, c’est tout l’esprit réseau et communauté qui est en train de se créer. Des interactions constantes se mettent en place entre les artisans, avec des échanges de savoir-faire et de compétences. Les artisans qui travaillent le bois s’allient avec ceux qui travaillent le métal pour faire des créations communes." Dominique-Lise Blandin
Si la Manufacture est "un produit Afpa", comme le définit Dominique-Lise Blandin, c'est à la suite de la fermeture "presque actée" de l’Afpa en 2018 qui a engendré la création d'un tel projet alternatif. La Manufacture, qui a permis le maintien du centre Afpa, est le résultat d'une transformation nécessaire. "Maintenant, on ne parle plus de centre de formation, mais de village Afpa, dans lequel on a une offre de formation et dans laquelle on a cette offre dédiée à l’entreprenariat. On est donc toujours sur cette branche de l’insertion par la formation et l’entreprenariat. C’est devenu complémentaire.", développe la chargée de communication de l'Afpa.
Des passerelles ont également été mises en place entre les stagiaires en formation, dès qu’ils peuvent venir directement au contact des professionnels de la Manufacture pour échanger sur la réalité du métier. Et si toutes leurs formations se font sur place, elles sont aussi proposées en alternance. "Car beaucoup de contacts d’entreprises souhaitent recruter, en menuiserie par exemple, et nous recherchons des stagiaires ou alternants dans les métiers du bâtiment pour qu'ils se lancent et créent leur avenir.", conclut-elle.
Associer l'Afpa et la Manufacture pour apporter une formation de complémentarité
Pour Patrick Louvet, responsable des ateliers de la Manufacture, cette dernière a été "mise en place il y a un an, avec un menuisier et un ferronnier/serrurier qui ont poussé la porte pour ouvrir. Passer de l’Afpa à « village Afpa », ca change tout. Nous sommes partis d’une offre où il n’y avait que de la formation à une offre totalement ouverte aux besoins du territoire et des autoentrepreneurs."
Quant à la formation professionnelle pour adulte, champ d'action principal car "originel" de l'Afpa, celui-ci "a encore tout à fait sa place, parce que nous avons encore des plateaux techniques Afpa. Et sur la manufacture, on va mettre toute une offre de formation qui correspond aux besoins.", poursuit celui qui, avant la création de la Manufacture, était employé à l’Afpa en tant que formateur sur la conduite routière. Une évolution importante donc, pour un changement de métier radical.
"Si j’ai besoin d‘une formation en électricité, en plomberie ou dans le métal par exemple, on va venir adosser à toute cette offre de manufacture des programmes de formations pour acquérir de nouvelles compétences." Patrick Louvet
L'objectif pour la suite ? Trouver plus de résidents et développer de nouvelles compétences pour tout le monde et de nouveaux pôles. Car si Patrick Louvet annonce une limite maximale de résidents potentiels dans la Manufacture, aux alentours d’une centaine de personnes, il estime une capacité idéale d'une soixantaine d’artisans résidant sur les différents pôles.
Parmi les résidents, Vincent Benoit est menuisier ébéniste indépendant. Lui qui vient de se réinsérer dans la région, il y a un peu moins d'un an, après avoir vécu une bonne dizaine d'années en Angleterre, souhaitait relancer une boîte sur le territoire. "Je suis rentré à la manufacture en janvier 2021. J’avais entendu parler de la transformation Afpa en village Afpa par le bouche-à-oreille. Cette Manufacture, c’est un énorme tremplin, surtout pour des menuisiers.
La mutualisation de compétences, ici, on la ressent complètement. L’idée, si j’ai un chantier important, ce serait de demander à certains résidents ici de faire ça ensemble." Vincent Benoit
Le fait d’avoir le parc machines ici est très attrayant. L'objectif serait de passer quelques années ici pour pouvoir ensuite m’installer en solo. Mais il faut voir surtout comment ça se passe dans les prochaines années.", confie-t-il.
Les deux premiers résidents de la Manufacture, qui sont-ils ?
- Sébastien Favey, 33 ans, menuisier et 1er résident de la Manufacture :
"Je suis arrivé le 1er mai 2019. J’avais entendu parler de ce projet via une ancienne salariée de l’Afpa. C’était un projet que j’avais déjà eu, monter un atelier partagé mais j’avais pas les épaules. Ca demande beaucoup de subventions, donc c’était plutôt un projet parfait pour l’Afpa qui est habitué à ce genre de recherches. Du coup, j’étais dans le groupe-test et j’ai réussi. Maintenant, je suis bien, c’est quelque chose qui me plaît. « J’ai été formé à l’Afpa en pose de menuiserie, et après, j’ai bossé de mon côté dans le privé. Beaucoup de clients me demandaient de fabriquer, mais j’avais pas de machines, je pouvais pas non plus investir dedans. Du coup, c’est parfait ici. Alors, quand on est arrivé à la Manufacture, il y avait beaucoup moins de machines, on a fait rentrer une CNC (Commande numérique par calculateur) assez grande, de 3x1,5m, une graveuse découpe laser, des imprimantes 3D, d’autres machines à bois stationnaires (scies à panneaux, raboteuses…) et encore d’autres choses à l’atelier ferraille. Ca commence à biens ‘étoffer, mais on va sûrement continuer à faire entrer d’autres choses et espérer du monde, maintenant. « Ca permet d’ouvrir des portes pour le marché du travail. Quand on arrive chez un patron et qu’on sait déjà se servir d’une raboteuse, par exemple, ca parle un peu plus.""La crise sanitaire ne m’a affecté plus que ça, c’est plutôt la crise des matériaux qui fait mal en ce moment. Elle est un peu liée au Covid oui, mais c’est vrai que c’est surtout ça qui est compliqué en ce moment. Trouver de l’OSB, par exemple, c’est vraiment dur. »
« Pour moi, la suite, c’est de rester ici. Je suis très investi dans la manufacture, je prends énormément de temps perso pour aider ici, parce que c’est un projet que je voulais faire à la base et qui me tient à coeur. Donc je vais continuer comme ça, mes chantiers en parallèle. Et pour la suite de la manufacture, il faut entrer du monde, faut que les gens viennent, c’est ouvert tout le temps. J’ai découvert des gens ici avec qui on a lancé des projets en commun. Il y a pas mal d’artisans qui sont tout seul, dans leur coin, et pour qui c’est compliqué. C’était mon cas. Là, on arrive à être à plusieurs et à avancer beaucoup plus vite. Et puis, on a pas que des locaux, on a les machines, un Manitou, un camion partagé et d’autres encore. On a un réseau de coworking, Link, sur lequel on pointe. C’est top."
- Gregoire Tschaen, ferronnier soudeur à Faire et des fers :
"Je me suis lancé à mon compte en avril 2020 en ferronerie et soudure, donc le travail du métal, et aussi maintenance. Je suis arrivé au départ avec Sébastien Favey, début mai. J’ai poussé la porte l’atelier anciennement mécanique qu’on a transformé en atelier métal. Il y a eu un gros boulot d’aménagement, d’installation de machinerie. Ca fait un an que je suis résident ici, je venais juste de lancer mon entreprise. Bosser tout seul, c’est chiant. Et puis, le bois et le métal, c’est devenu une mode de les travailler ensemble, pour les meubles par exemple. Aussi, la Manufacture nous a ouvert un paquet de chantiers, parce qu’ils démarchent pour nous. Ca m’a ouvert un potentiel de chantiers vraiment intéressant."
Pour la directrice Nathalie Malatrait, celle-ci « ne fait pas de distinction Afpa / village Afpa. Nous travaillons dans un village de l’Afpa qui intègre des activités traditionnelles et classiques de l’Afpa (formation et accompagnement) et des partenaires qui viennent s’installer sur nos sites de manière pérenne (résidence, location) et qui travaillent ensemble, aussi avec nos stagiaires.". Avant de poursuivre : "L’idée, c’est bien de créer des interactions entre tous ces habitants du village. Avoir des résidents sur la Manufacture, c’est une plus-value pour nos stagiaires pour découvrir une autre manière de travailler. Si je fais une formation de menuisier à l’Afpa, c’est pas forcément pour travailler dans une menuiserie du coin, mais je peux aussi me projeter dans une activité indépendante, qui correspond peut-être plus à mon mode de vie."
Deux stagiaires de l'Afpa en reconversion professionnelle
- Mehdi Baik, 29 ans, est stagiaire en plomberie depuis janvier 2021. Auparavant militaire, il a souhaité se réorienter vers les métiers du bâtiment, un métier très demandeur. Et travailler vite, un avantage pour celui "qui ne souhaite vraiment pas retourner à l'école". "On ne pourra pas nous remplacer par des machines", confie-t-il.
- Matthieu Martinez, 32 ans, est également stagiaire plombier (Installation thermique sanitaire). Lui aussi est en reconversion professionnelle, après avoir touché à tout, notamment comme magasinier cariste et chauffeur de poids lourds. "J'ai intégré le stage de l'Afpa en janvier 2021. Et j'ai choisi de m'orienter vers la plomberie après avoir fait un bilan de compétences personnel complet. Entre l'élimination de métiers qui ne me plairaient pas, les secteurs qui recrutent, la possibilité de stabilité et d'avenir, mon choix s'est tourné ici".
Quant à la question d'une complémentarité entre l'Afpa et la Manufacture, "les résidents de la manufacture peuvent être des intervenants de qualité dans le cadre des formations, soit sous forme de témoignages, soit pour des parties techniques. L’enjeu, c’est que toutes ces activités s’imbriquent pour apporter une plus-value pour chacun des acteurs et apporter une offre nouvelle, sous d’autres formes, pour le territoire.", développe finalement la directrice.
« Ce lieu de formation Afpa, il est construit en forme de miroir de la Manufacture, avec des espaces communs partagés entre les différentes formations, des espaces pour travailler. » Nathalie Malatrait
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