Secteur de la Petite enfance : la couche est pleine

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 20/10/2023 à 04:00

Ce jeudi 19 octobre, des professionnels de la Petite enfance issus de toute la Haute-Loire se sont mobilisés devant la CAF du Puy-en-Velay. Pour une reconnaissance humaine, administrative et financière de leur métier, ces spécialistes ont entamé une grève nationale à l’initiative du collectif « Pas de bébés à la consigne ».

Chaque matin, nombre de mamans et de papas confient leur enfant à l’une des éducatrices de jeunes enfants ou l’auxiliaire diplômée CAP Petite enfance de la crèche. Et dès les premières secondes, la mission éducative commence.

Déjà, il faut gérer la séparation avec les parents. Ensuite, il faut mettre l’enfant en confiance en s’adaptant à sa sensibilité. Les secondes passent alors, les minutes, la journée où l’éducatrice et l’auxiliaire vont devoir le rassurer constamment, décrypter ses pleurs, ses attentes, ses angoisses, ses besoins. S’adapter à lui et l’interaction qu’il produit avec les autres enfants.

Sans oublier qu’il faudra le porter, lui donner le biberon, le laver, lui chantonner quelque chose pour qu’il s’endorme sans peur, surveiller les autres enfants, soigner les petits bobos, jouer avec lui tout en jouant avec un autre ou toute une ribambelle de camarades qui réclament autant d’attention.

Et arrivent enfin les dernières secondes quand les papas et les mamans reviennent. Là, il faudra gérer les émotions des retrouvailles, faire le bilan de chaque bébé devant chaque parent, certains inquiets, d’autres fatigués, d’autres souriants ou d’autres fermés. Et le lendemain, tout recommence.

"Pour un accueil qui respecte les professionnels et les enfants".
"Pour un accueil qui respecte les professionnels et les enfants". Photo par Nicolas Defay

« La Petite enfance est la base, le socle qui va influer sur le devenir l’enfant »

« Notre métier n’est pas que de jouer ou lire des histoires, explique Karine Béal Suc, éducatrice de jeunes enfants et directrice d’une crèche en Haute-Loire. Notre métier est d’aider l’enfant à grandir. Nous sommes ici pour les accompagner à leur développement et les ouvrir sur le monde ».

Elle ajoute : « La Petite enfance est la base, le socle qui va influer sur le devenir l’enfant. Si la base est bancale, les étages au-dessus le seront aussi. C’est pour cela que nous crions pour dire que nous sommes des spécialistes, des experts dans ce domaine et qu’il est nécessaire que le gouvernement le reconnaisse enfin ! »

« Je pense que le gouvernement n’a pas conscience de la colère et de la fatigue à l’œuvre »

Devant le siège de la Caisse d’Allocation Familiale du Puy-en-Velay ce jeudi 19 octobre, des professionnels de structures publiques et privées ont dressé en ce sens des banderoles pour signifier un ras-le-bol unanime.

« Je pense que le gouvernement n’a pas conscience de la colère et de la fatigue à l’œuvre dans notre corps de métier, continue Karine Béal Suc. Il y a une vraie urgence. Si nous demandons bien évidemment une augmentation générale des salaires et la reconnaissance des diplômes, il est indispensable d’augmenter les effectifs ».

Karine Béal Suc, porte-voix de la colère de la Petite enfance en Haute-Loire.
Karine Béal Suc, porte-voix de la colère de la Petite enfance en Haute-Loire. Photo par Nicolas Defay

« Vous vous retrouvez à gérer onze enfants toute seule »

Si, dans le pays merveilleux de la théorie, il y a un professionnel de la Petite enfance pour cinq enfants, le terrain est tout autre. « Actuellement, nous sommes sur un ratio d’un pro pour huit enfants qui marchent, ou un pour six enfants encore à quatre pattes, décrit Karine Béal Suc. Cela veut dire que si votre collègue donne le biberon à un enfant, vous vous retrouvez à gérer onze enfants toute seule ».

« Comme tout être humain, nous nous épuisons. Aujourd’hui, nous n’en pouvons plus »

À la question de savoir si ce manque d’effectif peut aboutir à une sorte de maltraitance involontaire, Karine Béal Suc répond : « Oui. Il ne peut en être autrement. Une professionnelle qui doit gérer onze enfants a toujours deux bras, deux jambes et un cerveau. Malgré tout l’amour qu’elle donnera sans retour aux enfants, il est malheureusement possible de se retrouver dans des situations très difficiles ».

Elle termine avec ces mots : « Nous sommes des êtres humains. Et comme tout être humain, nous nous épuisons. Aujourd’hui, nous n’en pouvons plus. Le temps de l'écoute par le ministère est révolu. Il faut à présent qu’Aurore Bergé, Ministre des Solidarités et des Familles, passe aux actions ! »

Suite à la mobilisation, une délégation a été invitée à rencontrer des responsables de la CAF du Puy-en-Velay pour qu’elle puisse exposer ses revendications et les faire remonter dans les hautes sphères du gouvernement.

Pendant des heures dans la journée, ces professionnels prennent soins de nos enfants.
Pendant des heures dans la journée, ces professionnels prennent soins de nos enfants. Photo par Nicolas Defay

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