Pénurie de carburant : « Ce qu’il se passe est très grave pour nous »

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 12/10/2022 à 06:00

C’est le cri d’alerte d’une infirmière libérale qui parle au nom de toute la profession soignante. Le manque de carburant affecte de plus en plus les tournées médicales et l’organisation des cabinets en Haute-Loire. « Au bout de la chaîne, c’est nos patients qui vont directement en subir les conséquences ».

Elle s’appelle Laura. Elle est infirmière libérale sur le bassin ponot. Par déontologie, elle a souhaité que son nom ne soit pas renseigné afin de ne pas faire de publicité pour les deux cabinets où elle exerce. « Je veux juste parler au nom des infirmières, des aides-soignantes, des auxiliaires de vie, des structures, de tous les professionnels de santé qui sillonnent tous les jours le département pour s’occuper de leurs patients », insiste-t-elle.

Elle continue : « Il faut que les gens saisissent l’urgence de la situation. Ce qu’il se passe est très grave pour nous. Depuis quelques jours, comme tous les gens qui utilisent une voiture, nous sommes confrontés à la pénurie de carburant. Aujourd’hui, l’inquiétude s’est transformée en une véritable angoisse. Et demain, si rien ne change, nous serons dans une position dramatique. Ceux qui vont payer au final, c’est votre grand-mère, votre grand-père, votre papa atteint d’un cancer sous chimiothérapie, votre maman sous dialyse péritonéale, votre femme, votre mari, vous-même ».

« C’est aujourd’hui qu’il faut des solutions. Pas dans deux jours. Maintenant ! »

Laura effectue environ 150 km par jour lors de sa tournée en campagne dans le secteur de Saint-Christophe-sur-Dolaizon. Le plein de sa Clio diesel lui assure 4 jours de mobilité. Quand son esprit était seulement concentré sur les soins et traitements à appliquer pour ses patients il y a encore quelques semaines, une nouvelle charge mentale noie de plus en plus son quotidien.

« La peur de devoir pousser notre voiture pour finir la tournée occupe toutes nos pensées, explique-t-elle. Nous ne sommes plus sereins d'aller travailler par manque d'essence. Qu'allons nous faire de nos patients dépendants dont nos passages sont vitaux ? L'urgence c'est maintenant. Il ne faut pas attendre que ce soit une urgence dépassée. C’est aujourd’hui qu’il faut des solutions. Pas dans deux jours. Maintenant ! »

« Si, par manque de carburant, nous sommes obligés un jour d’alléger nos tournées en sélectionnant tel ou tel patient, certains d’entre eux vont se mettre en danger en prenant eux-mêmes leur médicament ou en assurant tout seul leur traitement. Si un drame survient dans ce contexte, qui sera responsable ? » Laura, infirmière libérale

« Comme tout le monde, je suis allée à différentes heures de la journée pour faire le plein »

Des solutions, ils ont bien tenté d’en mettre en place avec des consœurs et confrères. Un pansement sur une fracture ouverte. « On a essayé de s’organiser en se prêtant les voitures mais on ne peut pas tenir ainsi dans le temps, se désole Laura. Comme tout le monde, je suis allée à différentes heures de la journée pour faire le plein. Parfois, je trouve du gasoil au bout d’une ou deux heures d’attente, un temps perdu qui déstructure profondément ma tournée auprès des patients. Je suis allée tard le soir pour être au devant de pompes vides. Et tôt le matin mais dans des stations pas encore achalandées ». Laura, dépitée, déplore alors : « Nous sommes de plus en plus coincés ».

Confier aux hôpitaux les patients à domicile

Déplacer tous les patients totalement dépendants des soignants libéraux dans les différents hôpitaux du département ? « Inconcevable même si nous l’avions évoqué entre collègues, souffle Laura. Il serait impossible de les accueillir faute de lits disponibles. C’est numériquement et humainement irréalisable ».

Des créneaux horaires dans les stations pour les soignants ?

Face aux impasses qui se multiplient d’autant plus rapidement que la pénurie s’intensifie, les infirmiers ont toqué à la porte de la préfecture. « Le Secrétaire général nous a certifié entendre et comprendre notre inquiétude, confie Laura. Il nous a dit que les services de la préfecture surveillaient de près les livraisons de carburants. Il a également parlé d’une éventuelle mise en place de créneaux horaires définis pour les professionnels de santé intervenant à domicile ».

Mais...« Il nous a aussi prévenu que cette solution était mise en réserve tant que l’on trouverait encore du carburant. Ce qui est complément aberrant ! Car, à ce moment-là, nous serons aussi bloqués que qui que ce soit dans le département. »

Pas de réponse de la préfecture

Nous avons contacté les services de la préfecture de la Haute-Loire pour aborder le sujet mais aucune personne n'a répondu à nos sollicitations.

« Si rien ne change, nous courrons vers une vraie catastrophe qui touchera tout le monde, de près ou de loin »

D’après Laura, elle et ses consœurs/confrères avaient proposé aux services de l’État une autre solution qui apparaît facile à mettre en application.
« Pourquoi ne pas réserver un passage prioritaire sur une pompe à carburant dans les stations services pour les détenteurs de la carte professionnelle de santé ?, amène-t-elle. Nous sommes conscients que cela s’apparenterait à une sorte de passe-droit. Mais comment faire autrement ? Comment faire pour que nos patients soient soignés correctement et à l’heure ? »

D'un ton aussi grave que la problématique mise en lumière, elle avertit : « Si rien ne change, nous courrons vers une vraie catastrophe qui touchera tout le monde, de près ou de loin ».

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1 commentaire

mer 12/10/2022 - 17:22

La pénurie est provoquée par ceux qui se ruent à la pompe pour remplir au cas où. Pourquoi la consommation augmente de 30% en période de dite pénurie ? Certaines stations en ont mais au prix fort ! Accorder des passes droits à certains plus qu'à d'autres me parait illégitime sans compter les abus, le caducet servira aussi à approvisionner toute la famille... au détriment de ceux qui n'auraient pas ce privilege. Rassurez vous grace aux abus l'état va pouvoir instaurer un Pass Carburant et personne ne s'y opposera en raison de la situation !

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