Loi sur la fin de vie : « Nous avons vécu sept jours de barbarie »

Par Nicolas Defay , Mise à jour le 16/05/2024 à 06:00

Cette semaine, les membres de la commission spéciale de l’Assemblée nationale vont plancher sur les 1 900 amendements composant le projet de loi sur l'euthanasie.
Zoomdici a recueilli le poignant témoignage d’un papa qui a vécu la mort de son fils dans le cadre des soins palliatifs en vigueur aujourd’hui. « Je n’ai pas de mots si ce n’est le calvaire de l’avoir vu s’éteindre si lentement, privé d’alimentation, jusqu’à ce que son petit cœur ne s’arrête de lui-même ».

Depuis ce lundi 13 mai et jusqu’à l’été 2025 au moins, les députés s’emparent d’un sujet sociétal et humain des plus sensibles, Celui d’adopter une loi, comme nos voisins suisses, belges ou hollandais, qui définirait précisément une « aide à mourir » avec l’application d’une solution létale.

Peut-on décider du jour de sa mort en cas de grave maladie incurable et dégénérative en l’organisant de façon légale et administrative ? Est-ce que la famille pourra décider de l’euthanasie d’un de ses membres en état d’inconscience totale même si ce dernier n’a pas informé son avis sur la question ? Pourra-t-on avoir accès à un produit mortel pour se donner la mort soi-même et à domicile à l’instar de ce qui est proposé en Suisse ? Quel soignant prendra la responsabilité d’appuyer sur la seringue ?…

Actuellement, l’euthanasie et le suicide assisté sont interdits

Aujourd’hui, en France, c’est la loi Claeys-Leonetti, mise en place en 2005 et modifiée en 2016, qui fixe les limites de l’accompagnement vers le dernier battement de cœur. Le texte interdit l’euthanasie et le suicide assisté, mais permet « une sédation profonde et continue jusqu’au décès ». Mais parce que les mentalités bougent, parce que le sujet devient de moins en moins tabou, et parce que des cas à l’instar de Vincent Lambert secouent profondément les esprits, la législation se doit de s’adapter.

À la suite d'un accident de la route en 2008, Vincent Lambert, né en 1976, plonge dans un état végétatif chronique. Les membres de sa famille entrent alors en conflit pour les suites à donner. Plusieurs décisions de justice ont, coup sur coup, pendant six ans, suspendu puis validé l'arrêt des traitements sans que l'état du patient ne s'améliore. Vincent Lambert meurt le 11 juillet 2019 au CHU de Reims au bout de huit jours et demi après l'arrêt des traitements et de l'alimentation qui le maintenaient en vie.

Pour que ses souffrances s’arrêtent enfin

Christian et Marie*, habitant à Saint-Germain-Laprade, ont perdu leur fils à l’âge de huit ans. Leur petit bonhomme, né lourdement polyhandicapé, a reçu tous les soins et les accompagnements possibles durant sa courte vie. Mais, aussi pesante soit la décision qu’ils ont prise, après des jours de réflexion, de doutes, de peur et de culpabilité, ils ont donné la plus belle preuve d’amour qu’un papa et qu’une maman puissent offrir à leur enfant : que ses souffrances s’arrêtent enfin.

« Nous avons eu plusieurs réunions avec divers médecins de l’hôpital de Lyon en soins palliatifs, explique Christian. Ils nous ont expliqué l’évolution de la maladie de notre fils, des conséquences des soins palliatifs et de ce qu’ils avaient le droit de faire et de ne pas faire selon la loi ».

En Suisse, c’est le suicide assisté. La personne s’injecte elle-même le produit létal, à domicile si elle le souhaite. Mais cette mort planifiée a un prix : environ 9 000 francs suisses soit 9 300 euros

« Dans le cadre de la loi actuelle, on l’a laissé mourir de faim, lentement »

Le 7 février 2022, le premier acte médical en soins palliatifs est lancé pour le petit Eliot*. En ce sens, l’enfant n’est plus alimenté et seuls des soins anti-douleurs et de confort sont procédés. « Il recevait de la morphine et des sédatifs. Et les aide-soignantes effectuaient sa toilette », décrit son papa.

Il continue, la voix cassée par le chagrin : « Les trois premiers jours, l’arrêt de l’alimentation ne se percevait pas vraiment sur son corps. Mais à partir du quatrième jour, ce fut terrible. Nous n’arrivions plus à le reconnaître tant il paraissait fondre comme neige au soleil. Son calvaire a duré sept jours ! »

Il souffle alors : « Ce n’était pas de l’aide à mourir à ce moment-là. C’était de la barbarie ! Dans le cadre de la loi actuelle, on l’a laissé mourir de faim, lentement, sans même savoir s’il souffrait ou pas ».

« Les médecins nous répondaient que c’était à lui de choisir la fin de sa vie »

Christian, plus courageux que jamais pour partager son vécu, confie encore : « Ma femme et moi, nous disions aux médecins que ça n’allait pas assez vite, qu’il fallait qu’il soit libéré plus vite, qu’il devait souffrir et que nous n’en pouvions plus de le voir dépérir ainsi, à petit feu. Les médecins nous répondaient que c’était à lui de choisir la fin de sa vie, que c’est son organisme qui choisira quand son cœur s’arrêtera ».

« Ce temps d’attente est simplement inhumain »

Entre deux sanglots, Christian déroule son histoire à la fois tragique et teintée d’un amour infini : « Attendre quoi ? La fin était inéluctable de toute façon. Attendre quoi ? Que l’on s’imprègne de toutes ces images traumatisantes de notre enfant pendant ces sept jours d’agonie ? »

Les dents serrées, il persiste : « Ce temps de soins palliatifs, ce fut de la barbarie pour nous tous. Chaque seconde qui passe dans ces instants-là, on lutte contre notre propre volonté à ne pas faire machine arrière, on lutte contre la culpabilité qui nous ronge. On lutte pour notre enfant à le laisser partir. Ce temps d’attente est simplement inhumain ». Le petit Eliot a finalement éteint sa lumière de vie le 14 février 2022.

Un combat pour l’amour

« Oui, je suis évidemment pour que le suicide assisté soit mis en place rapidement, répond Christian à la grande question qui sera débattue à l’Assemblée Nationale. Bien entendu, cette nouvelle loi devra être très encadrée et définir précisément qui pourra bénéficier de l’euthanasie, qui pourra administrer le produit létal et dans quelles conditions ».

Il ajoute aussi : « Il faudrait également développer le soutien aux familles pour les préparer à ça, au fait de perdre quelqu’un dans un contexte de mort programmée. »

Christian termine avec des derniers mots : « Quand notre fils s’en est allé, nous lui avons fait la promesse que notre combat à présent serait de faire évoluer la loi sur la fin de vie. Pour tout l’amour que nous a donné notre bonhomme, pour tout l’amour que nous lui avons donné, nous allons tout faire en ce sens. »

* : Pour un souhait d'anonymat, les prénoms ont été changés

 

 

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1 commentaire

jeu 16/05/2024 - 12:13

La France est le pays de la LIBERTÉ,Sauf pour le choix de sa mort. L’Humain, au-delà de toute idéologie, doit pouvoir choisir Librement la manière de partir s’il est atteint d’un mal incurable. L’exemple évoqué dans cet article est édifiant. Comment peut-on accepter d’infliger une telle douleur à des parents désespérés de voir dépérir leur fils à petit feu, avec comme seule réponse médicale, que c’est ce petit être innocent qui choisira la fin de son calvaire, suite à une sédation des plus barbares. Qui peut prétendre aimer autrui, tout en le laissant affreusement souffrir jusqu’à ce que mort s’en suive. La liberté c’est de laisser chacun décider la manière de quitter dignement ce monde inhumain.Un docu peut faire réfléchir"Le choix de Jean"

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