Face à "la mort annoncée des communes", les maires endossent l'écharpe noire
Le Marché couvert au menu du Conseil municipal du Puy-en-Velay
Ambiance tendue dans la grande salle de la mairie Ponote. Ce jeudi 6 avril se tenait le rendez-vous mensuel des élus municipaux. La Délégation de Service Public (DSP) du Marché couvert est revenue hanter les bancs du conseil.
« Le choix final des Halles ponotes repose sur les conclusions d'un rapport d'analyse des offres et fait appel à un grand nombre de critères, ni pondérés ni hiérarchisés. Avec les Halles Ponotes, c'est le candidat qui présentait les propositions les moins avantageuses pour la collectivité d'un point de vue strictement financier, et un niveau de risque qualifié de fort, qui a été retenu. »
Cette critique acérée n’est pas d’Alexis Haon, candidat évincé de l’appel d’offre, mais est issue du très dense et sérieux rapport de la Chambre régionale des comptes, achevé le 22 mars 2023.
« Avez-vous déjà lu un rapport de la Chambre Régionale des Comptes aussi sévère que celui-ci ? »
Laurent Johanny, élu de l'opposition, fait en ce sens remarquer le jargon usité par les experts du rapport. « C'est un rapport habituel qui fait un état des lieux de la gestion de la ville par la municipalité, note-t-il. Mais les propos ne sont pas habituels. Avez-vous, Mr Le Maire, déjà lu un rapport de la Chambre Régionale des Comptes aussi sévère que celui-ci ? Les mots sont forts et accablants ».
Il assène : "Pendant des années, même depuis 2008 avec l'histoire de la Cuisine centrale, jamais vous n'avez pris en compte nos remarques et nos craintes sur maints dossiers. Et que voit-on dans ce rapport ? Les mêmes avertissements, les mêmes analyses et les mêmes termes que nous vous répétons depuis des années ! ».
Le rapport révèle plusieurs zones d’ombres
Le document de 78 pages passe en revue la gestion de la commune du Puy-en-Velay concernant les exercices de l’année 2015 jusqu'à aujourd'hui.à aujourd’hui. Parmi les nombreux sujets abordés, l’attribution de la DSP du marché couvert (Les Halles Ponotes) a ainsi focalisé toute l’attention de l’auditoire dans une atmosphère électrique. Le rapport met le doigt sur plusieurs zones d’ombres ou irrégularités.
Suite à un historique détaillé du marché alimentaire des années 1990 à 2020, date de sa fermeture pour vétusté, le document évoque la décision municipale d’adopter une Délégation de Service Public pour son exploitation.
« Vous ne prenez pas en considération nos alertes. Allez-vous croire à présent le Rapport de la Chambre Régionale des Comptes ? » Laurent Johanny
« Un montant de huit millions d’euros et une durée de 10 ans »
Après 35 consultations portant sur l’offre, neuf dossiers ont été retirés pour ne retenir au final que trois candidats : Deux locaux (Alexis Haon contre le duo Fourcade/Bayer) et un candidat d’envergure nationale à savoir la société Semaco. Les deux premiers seront choisis pour être les deux challengers de la DSP.
« Par délibération du 21 décembre 2021, elle a attribué le contrat de Délégation de Service Public pour l'exploitation de la halle alimentaire à la société « Les halles Ponotes » (Fourcade/Bayer) pour un montant de huit millions d’euros et une durée de 10 ans », rappelle encore le rapport de Chambre régionale.
« La procédure d'appel à la concurrence a été viciée »
À partir de là, l’expertise déterre plusieurs incohérences. S’appuyant sur des textes de loi, le rapport indique que la valeur estimée du contrat (8 millions d’euros) est bien supérieure au seuil européen pour sa mise en concurrence (environ 5,3 millions). Autrement dit, la municipalité du Puy aurait dû publier l’appel d’offre au Journal officiel de l’Union européenne et non pas seulement au Bulletin officiel des annonces des marchés publics. « En l'absence de cette publication, la procédure d'appel à la concurrence a été viciée », est-il noté dans le rapport.
Sur ce volet, Michel Chapuis se défend : « L'erreur incontestable d'évaluation de la délégation qui a été attribuée pour un montant de huit millions d’euros s'est révélée lors de la remise des offres, soit à un moment où la modification n'était plus possible, et sans réellement nuire à la mise en concurrence ».
"La définition du terme vicié signifie, selon Le Larousse, un acte juridique qui le rend nul. Ce mot employé par la Chambre Régionale des Comptes elle-même m'interroge fortement, Mr Le Maire " Laurent Johanny, élu de l'opposition.
Une redevance quatre fois supérieure pour la mairie de la part du candidat écarté
Autre loup mis en lumière, c’est le choix de la commission DSP pour le duo Fourcade/Bayer plutôt que la proposition d’Alexis Haon. « Le contrat conclu avec la société « Les Halles Ponotes » prévoit le versement d'une redevance au bénéfice de la commune délégante d'un montant cumulé de 178 594 € sur l'ensemble de la durée d'exploitation, de 10 ans, soulève la Chambre régionale. Alors que l'autre candidat (Alexis Haon) ayant formulé une offre et non retenu,« Les halles du marché couvert», s'engageait sur un montant de 708 466 € ».
Avant de résumer : « Avec les Halles Ponotes, c'est le candidat qui présentait les propositions les moins avantageuses pour la collectivité d'un point de vue strictement financier, (...) qui a été retenu. »
Sur le sujet, le maire Michel Chapuis s’exprime en ces termes : « Le critère du montant de la redevance n'a été nulle part présenté comme déterminant, et s'opposerait par nature à la qualité de l'offre et à la réussite du projet. Une analyse strictement financière circonscrite au seul montant de la redevance aurait présenté pour la ville un risque certain ».
« Il ne respectait pas le cahier des charges »
La municipalité du Puy a justifié sur le rapport son choix final pour départager les deux candidats. « Le chiffre d'affaire annoncé dans l'offre du candidat écarté reposant sur le marché de producteurs, était manifestement surévaluée pour ce type d'activité, en concurrençant le marché hebdomadaire du samedi matin, il ne respectait pas le cahier des charges », assure-t-elle.
Ce à quoi, le rapport souligne : « Le règlement de consultation n'interdit pas formellement une activité de marché de producteur au sein des halles, en plus et dans le même temps que le marché forain hebdomadaire ».
« La ville réaffirme que son choix est parfaitement étayé »
Enfin, Michel Chapuis explique l’option des Halles Ponotes également par ces analyses : « Le modèle économique présenté par le candidat non retenu pour arriver à un chiffre d'affaires de 8 760 412 €, repose en grande partie sur le Marché des producteurs. Or c’est manifestement surévalué pour ce type d'activité comme en atteste d'ailleurs la baisse actuelle de la consommation bio et circuits courts ».
« Dire que la consommation des produits bio est en déclin est juste hallucinant ». Laurent Johanny
le maire ajoute : « Inversement, le projet du candidat retenu s'inscrit, conformément au cahier des charges, dans l'écosystème local et en particulier en complémentarité et non en concurrence du marché hebdomadaire du Samedi. Les moyens consacrés à l'animation sont objectivement beaucoup plus conséquents et permettent de penser que les Halles constitueront un véritable outil de promotion et d'attractivité au cœur du centre historique ».
Pour conclure : « Dans ces conditions, la ville ne pouvait que douter de la solidité de l'offre et notamment la proposition de redevance et craignait un échec. Ainsi, la ville réaffirme que son choix est parfaitement étayé et de nature à préserver l'intérêt général et les intérêts de la collectivité ».
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3 commentaires
Mais non ils comptent surtout qu'on oublie la cour des comptes et surtout l'enquête du PNF, mais ou sommes nous au Puy avec des petits élus ou à Paris, pour qui se prennent-ils? Au final on va payer chères en impôts toute leur co......
Quand on lit les réponses faites aux remarques de la Chambre des comptes on se demande si on est au Puy en Velay ou au Puy des f... .
Face à une pareille diatribe j'essaie d'imaginer quelle serait l'attitude si les rôles étaient inversés. Les élus d'aujourd'hui, dans les sièges de l'opposition, qui découvriraient un tel rapport. Au fait il y a un conseiller municipal qui n'a pas parlé, il a pourtant été à la manoeuvre dans ce dossier me semble-t-il, son nom a été cité l'an dernier.