Un film de Franck Dubosc en avant-première au Ciné Dyke du Puy
La véritable histoire du... Jeu de l’Oiseau
560 ans. C’est le nombre d’années écoulées avant que l’évènement n’adopte le nom du Roi de l’Oiseau en 1986. Du premier lancé de flèche en 1426 dans la cité ponote à la fête populaire d'aujourd’hui, c’est une véritable histoire humaine où se mêle l’arrogance, l’ivresse, la jalousie et la toute-puissance d’une Confrérie.
En temps normal, ce sont aujourd’hui près de 6 000 festivaliers qui se drapent plus ou moins fidèlement avec des habits « Renaissance » durant les quatre jours du Roi de l’Oiseau au Puy-en-Velay. Sur ce même sol où des litres d’hypocras sont partagés depuis 1986 à chaque mois de septembre, les mêmes litres de vin étaient tout aussi descendus au 15ème siècle, date à laquelle naquit... le Jeu de l’Oiseau. Un rendez-vous bien différent du nôtre.
« Effectivement, c’était un concours de tir à la cible qui désignait un roi », rappelle l’historienne et romancière altiligérienne Florence Roche en citant l’ethnographe Pierre François Aleil ("Haute-Loire", encyclopédie Bonneton, édition Bonneton, 2001). « Mais le Jeu de l’oiseau, comme on l’appelait à l’époque, n’avait rien à voir avec notre Roi de l’Oiseau actuel ». D’après ses recherches, cette compétition semble avoir débuté en 1426, année de la fondation d’une confrérie à la fois puissante, respectée, mais également très crainte de la population : la confrérie des archers devenue ensuite celle des arquebusiers.
L’alcool, première pierre du Jeu de l’Oiseau
« Cette confrérie avait la lourde charge de défendre la ville du Puy-en-Velay, explique Florence Roche. Derrière les remparts qui entouraient la cité, les hommes surveillaient les allées et venues des gens et des visiteurs, armés de leurs arquebuses ou de leurs arcs ». Le problème est que, du fait de leur statut de protecteurs de la ville et de ses habitants, ils s’enivraient souvent, s’octroyant une attitude déplacée envers le petit peuple dépendant alors de leurs compétences martiales.
Ainsi, pour contenir ou détourner cette posture, il fut décidé d’établir un concours seulement réservé aux membres de cette confrérie et qu’à eux seuls. « Dans le Roi de l’Oiseau du 20ème et 21ème siècles, tout personnage interprété, noble, bourgeois, manant et autre peut s’essayer à l’arc, souligne Florence Roche. Chose qui était impensable il y a six siècles ».
D’où vient cette passion (et ce choix tactique durant les conflits médiévaux) pour les arcs et les flèches ? L'artiste Pierre-Emmanuel Dequest y répond
« De la guerre de 100 ans !, explique Pierre-Emmanuel Dequest, illustrateur de renom, passionné d’histoire et comparse de Florence Roche dans la création de la BD sur l’histoire de la Haute-Loire récemment éditée. Et plus précisément de la bataille d’Azincourt qui se déroula le 25 octobre 1415 dans l'actuel département du Pas-de-Calais. Ce jour-là, les troupes françaises, fortes d’environ 10 000 hommes, se pressent pour barrer l’ascension de l’armée anglaise qui compte 8 000 soldats dans ce morceau de France devenue anglais depuis 1347. »
Durant cette bataille d’ampleur, les troupes françaises maculèrent de leur sang le sol boueux de la clairière entre Azincourt et Tramecourt. Pourquoi une telle leçon alors que l’armée anglaise était bien plus lésée en nombre que les Français ? « Car le roi d’Angleterre Henri V avait parié sur la tactique de l’archerie plutôt que de la cavalerie ou de l’infanterie. »
« 2,5 millions de flèches ont été décochées »
Pierre Emmanuel Dequest lance alors un chiffre sidérant : « Ce jour-là, le 25 octobre 1415, 2,5 millions de flèches ont été décochées, et ceci majoritairement par les forces anglaises ! Les Français ont été littéralement martelés par les flèches de frênes qui arrivaient de toute part, tirées par des archers aguerris et dotés d’arcs d’une qualité exceptionnelle ».
D’après Pierre Emmanuel Dequest, les arcs outre-Manche étaient extrêmement puissants et solides, élaborés dans du bois d’If qui possède des propriétés de flexion et de résistance sans pareil.
« Un Jeu de l’Oiseau à l’honneur de Dieu et de la Vierge »
Le jeu, qui consistait à viser un oiseau de chiffon, s’ancre officiellement vers 1525. Étienne de Médicis, chroniqueur en ce temps, précise que « le roi des harquebusiers (orthographe de l’auteur, NDLR) demande, cette année-là, la constitution d’un Jeu de l’Oiseau à l’honneur de Dieu et de la Vierge Marie advocate (orthographe de l’auteur, NDLR) du Puy et de leur patronne, la glorieuse pucelle Sainte-Barbe ». Étienne de Médicis écrit aussi le passage suivant : « Et que cet exercice détourne les harquebusiers de mille autres passions et dissolutions ». Autrement dit, que cette compétition les freine un temps dans leur consommation de vin, d’arrogance et de violence.
S'immerger directement dans l'Histoire avec les auteurs
Si vous souhaitez rencontrer l'historienne/romancière Florence Roche et l'illustrateur Pierre-Emmanuel Dequest, ils dédicacent la BD "La Haute-Loire, une terre d'Histoire" :
Le 3 octobre de 14 à 18h en mairie d'Yssingeaux
Le 6 octobre à partir de 14h à Brioude à la librairie Vercingétorix.
Le 9 octobre à la librairie laïque du Puy-en-Velay.
Le 4 décembre à la Fnac du Puy.
« Il était logé, nourri gratuitement et exempté d’impôt par la ville pendant un an »
Florence Roche, s’inspirant de ces pépites historiques piochées au fil des ouvrages, décrit alors les exigences de la confrérie des arquebusiers. « Celui qui remportait ce concours du Jeu de l’Oiseau devenait alors le Roi. Il recevait la somme de 10 livres tournois pour l’aider dans ses nouvelles responsabilités. Il était logé gratuitement et exempté d’impôt par la ville pendant un an ». Mais pas que.
Durant une année, le vainqueur pouvait porter l’épée au côté comme les chevaliers, assister à la procession de la Fête Dieu au rang des consuls. « Les clefs de la cité lui étaient confiées et il était le porte-parole lors des réceptions », ajoute encore l’historienne romancière. Il devenait commandeur d’une compagnie d’arquebusiers qu’il s’engageait à diriger d’une main de fer et devait offrir au peuple boissons et collations.
La Révolution française, pourfendeuse du Jeu
Pendant 264 ans, de 1525 à 1789, il y eut 264 concours du Jeu de l’Oiseau et autant de Rois. Mais la Révolution française mit un terme à la coutume. Et il fallut attendre 197 ans avant que la ville anicienne retrouve un concours d’archerie en son cœur. En 1986, le maire de l’époque, Bernard Jammes, souhaite que la cité ponote soit le lieu d’une grande fête populaire et profane qui ferait échos aux traditions passées ici même. Le Jeu du Roi de l’oiseau lui fut alors soufflé à l’oreille par l’historien Jean Arsac et aussitôt reconstitué par la fine lame du metteur en scène ponot Jean-Louis Roqueplan.
Une histoire de jalousie qui pique
Toujours d’après les recherches de Florence Roche, la place du Roi de l’Oiseau était très enviée car elle donnait une charge honorifique de grande importance. Les conséquences ? La jalousie de ceux n’appartenant pas à la confrérie des arquebusiers. « Mais le 6 juin 1729, le Seigneur de Polignac, las de voir les mêmes s’octroyer le droit de participer au Jeu, fit tirer son laquais nommé « Languedoc », partage l’historienne. Pour la première fois depuis que le Jeu fut inventé, une personne autre qu’un arquebusier y prit part. Et de surcroît, il parvint à toucher l’oiseau en plein cœur ».
Le peuple, contrarié par cet outrage à la tradition, replaça un nouvel oiseau de chiffon. Le lendemain, Marssau 1er, consul de son titre, abattit à son tour la cible. Et c’est ainsi que la primauté des arquebusiers sur le Jeu de l’Oiseau s’acheva.
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