Internet : Eldorado ou tueur de petits commerces?

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:44

Un rapport rendu public le 20 octobre dernier par le gouvernement classe Le Puy-en-Velay parmi les centre-villes en « déclin structurel de la commercialité » avec un peu plus de 15 % de pas de portes vides, la fourchette haute du classement. Les clients ont parfois une image vieillotte des commerces du centre-ville. Mais certains se mettent à la page en se lançant dans le commerce électronique. S’il est difficile d’évaluer la proportion d’entreprises de Haute-Loire qui s’y sont mises, un noyau dur de commerçants va de l’avant.

Un pionnier au bilan positif
Le magasin de chaussures de sport "Sport Loisirs", rue porte Aiguière en centre-ville du Puy-en-Velay, fait figure de pionnier. Ouvert en 1986 et repris pas la fille du couple fondateur, Stéphanie Anthouard, avec son conjoint, l’enseigne a ouvert son propre site de vente en ligne en mars 2009. Depuis, le chiffre d’affaires de l’entreprise a doublé. Et il est en voie de tripler. Aujourd’hui, l’activité Internet de Sport Loisirs représente plus de la moitié du chiffre d’affaires. La gérante Stéphanie Anthouard énumère tout ce qu’Internet a apporté à son commerce.

Le risque n’est-il pas que les clients négligent finalement de passer par la case boutique et achètent uniquement sur Internet ? Pour Stéphanie Anthouard, il ne faut pas en avoir peur.

----La part du lion
Sur Internet, les géants règnent en maîtres. Ils sont 0,1% à réaliser plus d'un million de transactions par an alors que 44% des sites marchands enregistrent moins de 100 ventes à l'année. Ces géants sont : Amazon, Cdiscount, Fnac, e-Bay et Voyages Sncf. Près d'un quart de leurs transactions sont réalisées sur mobiles ou tablettes.
-----En effet, les commerçants peuvent parfois être frustrés en voyant des clients essayer un produit en boutique, le prendre en photo, noter sa référence… puis l’acheter sur Internet. 52 % des cyberacheteurs se sont renseignés en magasin avant d’acheter sur Internet selon la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance). Mais l’inverse est encore plus important : 69 % des acheteurs en magasin se sont renseignés sur Internet avant d’acheter en magasin.

S'accrocher aux wagons des géants d'Internet
A Sport Loisirs, sur dix ventes en-ligne, environ deux sont réalisées directement sur le site propre du magasin. D’où l’intérêt d’être présent sur des places de marchés. Sport loisirs vend actuellement sur cinq d’entre elles (Amazon, e-Bay, Spartoo, Price Minister, Cdiscount) et en développe trois autres actuellement (Go Sport, La Redoute et Label Park). On peut même ne fonctionner qu’ainsi, sans posséder son propre site Internet. Stéphanie Anthouard compare les deux canaux de vente.

Quand elle s’est lancée sur Internet, personne n’y croyait, même son entourage. Certains commerçants lui ont-ils dit qu’elle allait tuer le commerce de proximité ?

Faire des émules
Si elle ne fait pas de prosélytisme, Stéphanie Anthouard répond volontiers aux commerçants qui l’interrogent sur le e-commerce. C’était le cas d’Hacène Djerdi. Le propriétaire, entre autres, de la maroquinerie Lika, rue Chaussade, en centre-ville du Puy, a ouvert son propre site Internet début 2015. Depuis six mois, il est également présent sur deux places de marchés : Amazon et Cdiscount car ce sont les mieux référencées. Aujourd’hui, en France, les deux tiers des articles de maroquinerie sont vendus sur ces deux places de marchés. C’est dire l’absolue nécessité d’y être présent selon Hacène Djerdi.

Pour Sport Loisirs comme pour Lika, on retrouve les mêmes produits en-ligne qu’en boutique puisqu’à l’origine, l’objectif pour Stéphanie Anthouard  était de faire tourner le stock. Mais entre un sac à main vendu par la maroquinerie Lika sur Internet et dans la boutique, le prix est-il le même ?

Des embauches à la clé
La grande satisfaction de Stéphanie Anthouard c’est que l’activité Internet lui a permis de créer un poste, de prendre un apprenti et, aujourd'hui, elle a bon espoir de créer un nouveau poste à temps plein à moyen terme. Car se mettre à l’e-commerce c’est comme ouvrir une nouvelle boutique. Même si l’on peut démarrer en douceur et utiliser des outils de synchronisation pour gérer son stock sur différentes places de marché, l’activité est très chronophage, comme en témoigne Hacène Djerdi qui, lui-aussi, a embauché une personne à mi-temps.

Sport Loisirs s’est doté d’un équipement pour prendre des photos de bonne qualité de ses produits, un Scan cube (voir vidéo ci-dessous). Hacène Djerdi avait envisagé d'en acquérir un aussi. Mais finalement, il n’aura pas besoin de faire cette dépense grâce à la CCI qui a acquis un Scan cube (qui entrera en service prochainement). Car les e-consommateurs ne pouvant pas toucher les produits, ils ont besoin de les visualiser sous plusieurs angles, sur des photos de qualité. Ces clichés sont primordiaux pour susciter la confiance et l'envie des clients.

 
Se faire accompagner, c'est gratuit
Depuis 2004, tout dirigeant d’entreprise peut s’adresser à la Chambre de commerce et d'industrie de Haute-Loire pour un accompagnement dans le domaine du numérique. Ces services sont gratuits (à moins que l’intervention d’un prestataire extérieur soit nécessaire), comme l’explique Cédric Masclaux, conseiller numérique à la CCI.

Depuis mars 2016, la CCI a créé un club restreint de e-commerçants. Ils étaient sept membres au départ. Aujourd’hui, ils sont dix.

Quand un commerçant décide de se lancer dans le e-commerce, sans chances de réussite dépendront de plusieurs facteurs.

Alors Internet peut-il sauver les commerces du centre-ville du Puy et leurs quelque 15 % de pas de portes vides ? Hacène Djerdi est plus nuancé.

Parfois le e-commerce réserve également des surprises. Hacène Djerdi préparait son bordereau d’expédition quand le code postal lui a attiré l’oeil : une cliente de Rosières avait passé commande via Amazon. Il lui a donc glissé un petit mot disant qu’elle pouvait faire un saut en boutique si jamais elle voulait échanger le produit.

Annabel Walker

> Les chiffres nationaux du e-commerce en 2015
+14% de chiffre d'affaires en un an, pour un total de 64,9 milliards d'euros, dans un contexte de consommation toujours ralentie.
En 10 ans, les ventes sur Internet ont progressé de 675%.
35,5 millions de Français achètent sur Internet (+850 000 en un an). Ils représentent 78,3% des internautes.
Parmi eux, 6,6 millions ont déjà effectué un achat à partir de leur mobile.
Les ventes sur mobiles et tablettes ont augmenté de 40% en 2015 pour un total de 6,4 milliards d'euros.

Sport Loisir a gagné un Trophée de la CCI en 2012 dans la catégorie commerce.


Lors de l'édition 2016 des Trophées de la CCI, l'entreprise PKE, basée à Beauzac, a également été récompensée. Il s'agit d'un pure player, c'est-à-dire d'une entreprise présente uniquement sur Internet.

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