Un accident de la route et un incendie pour Noël en Haute-Loire
Décès du formateur forestier : qui est responsable ?
Mardi 2 février s’est tenue une audience au Tribunal du Puy concernant la mort de Yoann Bérodot, formateur forestier à Saugues. Après une 7ème séance en justice, tous les intéressés attendaient enfin un verdict. En vain. Il faudra patienter jusqu’au mardi 23 février pour connaître l’issue finale.
Mardi 22 septembre 2016, un groupe de 7 stagiaires de la formation adulte du CFPPA (Centre de Formation Professionnelle Adulte) de Saugues effectue un chantier pédagogique de bûcheronnage dans les bois du lieu-dit Chirac (43 Chanteuges). Ils sont encadrés par leur formateur, Yoan Bérodot. Un des stagiaires (âgé de 22 ans à l’époque) coupe un pin maritime de 29 mètres. L’arbre s’effondre sur le formateur qui travaille à 22 mètres de là. Le choc est fatal pour l’homme de 33 ans. Les secours n’ont pas pu le réanimer.
Il y a un mois, la juge d’instruction avait rendu son ordonnance : L’EPLEFPA de Brioude-Bonnefont dont dépend le CFFPA de Saugues est donc renvoyé devant le Tribunal Judiciaire pour homicide involontaire par personne morale pour la 7ème fois. Le jeune stagiaire est convoqué également.
« Je ne pense pas avoir commis d’erreur »
« J’ai voulu faire cette formation pour un brevet professionnel sur 8 mois de formation, explique le prévenu. Le professeur nous formait sur la théorie et sur la pratique. J’ai exercé comme bûcheron chez un professionnel mais je n’avais pas le diplôme. » Le juge Samlal Nizar demande : « Ce jour-là, le bois était-il propre ? » Question à laquelle le trentenaire répond : « Oui. Il manquait un stagiaire. Les groupes se forment habituellement par affinités. Je ne me souviens pas des consignes à l’arrivée sur le chantier. Nous étions en groupe, 3 dans mon groupe. Chacun à son tour on coupait les arbres. Les arbres font 60/70 cm de diamètre. J’étais concentré sur mon abattage. Il faut déterminer la direction de la chute puis couper le cœur de l’arbre. Je ne pense pas avoir commis d’erreur. »
Ce à quoi le Président Samlal Nizar assène cette affirmation : « Vos collègues ne semblent pas d’accord avec ça ».
Juste faire son travail dans les règle de l’art et de sécurité
L’arbre tombe. Un collègue a réussi à se dégager du lieu pour éviter le choc mais le professeur reste dessous. Les élèves se ruent pour tenter de dégager le professeur et alerter les secours qu’ils attendent ensuite au bord de la route. Le prévenu reprend finalement : « Je reconnais avoir fait des erreurs techniques dans l’exercice de la découpe de l’arbre ».
D’après le rapport lu par le président de tribunal, Yoann Bérodot n’avait pas donné d’exigence de productivité. Juste faire son travail dans les règle de l’art et de sécurité. Pour ne pas arranger le sort du mis en cause, Samlal Nizar partage les ressentis des autres stagiaires quant à l’attitude du prévenu. Il est décrit comme étant « speed », désirant aller toujours plus vite.
« Mais nom d’un chien ! C’est le travail de l’employeur de veiller à la sécurité ! »
L’expert estime que le chantier était de trop petite taille pour que les sécurités soient assurées. Les techniques d’abattage n’étaient pas adéquates. « Vous sentez vous responsable de ce qu’il s’est passé ? », demande le président. « Je ne me souviens pas », répond son interlocuteur avec une voix effacée.
Après une pause de séance, c’est alors au tour Me Weyl, Avocat des parties civiles, de s’exprimer : « Je déplore que l’apprenti soit le bouc émissaire. La question ne se pose pas de savoir si l’accident pouvait avoir lieu mais de ce qu’il fallait faire pour l’éviter ». Il appuie : « Chantier mal conçu, mal adapté, dans l’urgence…Mais nom d’un chien ! C’est le travail de l’employeur de veiller à la sécurité ! Et si c’était un de ses élèves qui avait été écrasé ? La sécurité du chantier reposait sur l’employeur ! Si on s’était donné la peine, le donneur d’ordre aurait été devant ce tribunal ! Nom d’un chien ! C’était le désordre car on s’en remettait au professeur pour en plus trouver les chantiers. Les responsables sont responsables de l’absence de convention. Il faut que justice soit rendue aux enseignants. Pour que ça ne se renouvelle pas. »
« À aucun moment le prévenu ne se pose la question d’alerter ses camarades »
« La malchance ? C’est difficile à entendre quand on a perdu son père, son compagnon, son fils, intervient Anne-Marie Teyssier, seconde avocate des parties civiles. Il avait le souci de la sécurité de ses élèves. Et aujourd’hui il est difficile d’entendre que c’est la faute à pas de chance. Les erreurs techniques ont été mises en avant mais à aucun moment le prévenu ne se pose la question d’alerter ses camarades. Il ne respecte pas les consignes. On doit prévenir avant d’attaquer la coupe mais tous disent qu’il ne les a pas prévenus ! »
Elle continue : « Sa compagne suscite notre admiration car elle est forte et ne cherche pas un coupable. Une simple absence de signature sur une fiche de chantier prive une petite fille de son papa. Je demande renvoi sur intérêts civils car il est difficile de chiffrer ce soir. »
« Je requiers 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple pour le stagiaire »
Le procureur, Nicolas Rigot Muller, prend alors la parole. « Homicide involontaire. Le danger est connu en matière de travail forestier. Nous le voyons chaque année. Je considère que le prévenu n’a pas respecté les consignes de sécurité. Les éléments caractérisent une faute. 2ème erreur, il n’a pas prévenu les autres quand il abattait l’arbre. Vous noterez également que l’ancien employeur avait signalé qu’il n’était pas prudent. L’intérêt de faire signer un directeur permet une meilleure adéquation entre le chantier et la sécurité. Je requiers 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple pour le stagiaire et 10.000€ d’amende pour l’EPLEFPA de Brioude-Bonnefont .»
« La vérité doit ressortir de votre audience »
À 18h40, l’avocate Joëlle Diez passe à la barre pour défendre les intérêts de l’EPL. « Je ne peux pas laisser dire que ses responsables, qui reçoivent plus de 600 apprenants chaque année, n’ont eu que faire de la sécurité des chantiers. Après de nombreuses procédures extirpées par les syndicats, nous sommes renvoyés devant vous aujourd’hui. La vérité doit ressortir de votre audience. La technique du perçage à cœur utilisée par le stagiaire de l’époque n’était pas adaptée. Le perçage à cœur n’a pas été franc et la tronçonneuse a mal travaillé. Malgré l’utilisation du coin d’abattage, l’arbre a dévié dans sa chute. Et il n’a pas prévenu les autres ».
« Il est déjà bien assez puni ».
Enfin, Laurent Pierot, défenseur du jeune prévenu conclut : « Les travaux de ce jour ont été réalisés dans une toute petite parcelle avec beaucoup de monde sur site. Même un bûcheron tout seul dans les bois peut être dangereux. Mais alors quand ils sont plusieurs dans une petite parcelle ? M. le procureur a dit que l’arbre a été mal coupé. Est-ce une négligence de sa part ? Non, il vient d’arriver depuis 3 jours. Je demande d’entrer en voie de relaxe. » Il termine : « Il est déjà bien assez puni ».
À l’issue de cette audience qui s’est terminée aux alentours de 20 heures, le tribunal a déclaré mettre en délibéré le mardi 23 février à 14 heures.
G.R.
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1 commentaire
Bien qu'il soit difficile de porter un jugement sur un fait dont on n'en a pas été le témoin, mais il me semble que tout formateur que ce soit devrait être avant tout le garant de la sécurité quelle qu'en soit la formation dispensée et ce avant de débuter un chantier. Ensuite, on ne peut demander à qui que soit d'agir comme un pro lorsque l'on est en stage que depuis seulement 3 jours et de ce fait toutes les dispositions liées à la sécurité à la périphérie du chantier doivent être prises en conséquence. Ne connaissant ni de près ni de loin les protagonistes autour de cet accident dramatique, la lenteur de ia justice est encore une fois montrée du doigt, en remuant le couteau dans la plaie, 5 ans après le drame !! HONTEUX !!