Les écrans sont dans notre quotidien. Aujourd'hui, avec la société actuelle, il est difficile de s'en passer. Au travail, dans les transports, dans la rue, et surtout à la maison. Sauf que pour les plus petits, ces écrans peuvent être un véritable danger.
La télévision comme "solution"
En moyenne, les enfants âgés de deux ans passent près d'une heure par jour devant un écran, selon une étude menée entre 2013 et 2017 et publiée fin avril par Santé publique France. Un chiffre qui augmente d'année en année. Il est de 1h20 à trois ans et demi et 1 h 34 pour les enfants de cinq ans et demi. L'étude révèle même quelques disparités régionales. Ainsi, le temps d'écran quotidien pour les enfants de cinq ans et demi, le temps d'écran quotidien, est de 1 h 43 dans les Hauts-de-France contre 1 h 13 pour ceux qui vivent en Auvergne-Rhône-Alpes.
Et si on pense en priorité aux tablettes et téléphones, ce ne sont pas eux les véritables coupables. C'est la télévision qui reste l'écran principal visionné par les enfants, directement ou indirectement.
Est-ce que mettre un dessin animé, c'est acheter la "paix" ?
"C'est sûr, c'est un peu la facilité, avoue Émilie, mais ça permet de souffler un peu, c'est un temps calme où ils se posent vraiment". Si cette maman a conscience des recommandations et des possibles effets néfastes, elle explique qu'il est difficile d'interdire complètement les écrans dans notre société actuelle. "On évite, on minimise au maximum les écrans, mais on ne peut pas les interdire, ce serait hypocrite. Aujourd'hui, tout est fait pour qu'on ait des écrans. Nous, on a notre téléphone, nos ordinateurs. Et eux n'auraient pas le droit et nous regarderaient. C'est impossible."
"On a l'impression d'enlever une partie d'eux"
Émilie s'étonne de l'aisance de ses enfants pour utiliser les écrans. "C'est comme inné chez eux, ils savent directement comment ça fonctionne. Et ils savent très bien ce qu'ils veulent. Quand ils rentrent de l'école, ils ne perdent pas de temps pour réclamer leurs 30 minutes". Peppa Pig, Pat Patrouille, Zig et Sharko...Des dessins animés qui attirent de nombreux enfants, parfois très tôt. Et lorsqu'il faut retirer les écrans, c'est le drame. Une frustration s'installe petit à petit chez eux. "On sent qu'ils sont plus tendus, qu'ils sont en manque, on a l'impression d'enlever une partie d'eux."
Le choix de ne pas avoir de télévision
Chez Nicolas, à Brives-Charensac, la télévision n'est pas un risque pour ses deux enfants de 5 et 8 ans car il a choisi de ne plus avoir de poste de télévision chez lui, depuis 15 ans. Assez surprenant quand on connait sa profession de journaliste. Pour ces enfants, pas de risque d'avoir un écran permanent qui tourne en fond, seul l'ordinateur familial sert pour regarder les séries Netflix.
Et ses enfants l'ont bien compris. Pas d'écrans en semaine, seul le mardi soir (n'ayant pas école le mercredi) ou le vendredi soir sont autorisés. 45 minutes sont autorisées à ses bambins pour regarder leurs dessins animés préférés, parfois divertissants et parfois plus pédagogiques. "Ils aiment beaucoup Il était une fois la vie, ça les divertit et leur apprend aussi des choses". Et quand on évoque les réseaux sociaux, la réponse est sans équivoque : "Surement pas !"
Le Haut Conseil de la santé publique et l'Académie nationale de médecine préconisent "de ne pas exposer les enfants de moins de trois ans aux écrans".
"La maladie des écrans"
Stéphanie Dauver, pédopsychiatre, a alerté il y a quelques jours auprès d'Ouest France sur les conséquences néfastes des écrans chez les jeunes enfants. Elle appelle ça "la maladie des écrans". Elle alertait sur les symptômes provoqués par la surconsommation.
Des effets, qu' Anne-Lise Ducanda, médecin en PMI (Protection Maternelle et Infantile), fondatrice du collectif CoSe, Collectif Surexposition Ecrans et autrice de l'ouvrage "Les tout petits face aux écrans", a elle aussi constaté.
Elle sera présente au Puy-en-Velay vendredi 2 juin lors d'une conférence sur la fascination des images organisé par Présence Philosophique au Puy. Pour elle, le constat est clair :
"Les enfants surexposés ont des troubles qui ressemblent à de l'autisme". Anne-Lise Ducanda
Des impacts sur les capacités cognitives
Anne-Lise Ducanda parle d’autisme « virtuel », de signes cliniques similaires en tout point à l’autisme, mais qui n'en est pas. Comme toutes les addictions, celle-ci peut développer différents troubles. On peut notamment évoquer des difficultés d’apprentissage, d’attention, de concentration. Petit à petit, les écrans peuvent toucher leurs capacités cognitives, comme la mémoire, le développement du langage, l’apprentissage de la lecture et des mathématiques.
Comment limiter la surexposition des plus jeunes ?
Il serait possible de détecter la “maladie des écrans” chez les plus jeunes enfants. Plusieurs symptômes peuvent interpeller en cas de surconsommation. Par exemple, la sensation de vide, de tristesse et de frustration, voire un comportement agressif, lorsqu’il n’est pas possible d’accéder à un écran. Le manque d’intérêt pour d’autres activités que celles passées sur écran ou encore le repli sur soi.
Et s'il est parfois difficile pour les parents de réguler, par peur de créer un conflit ou un caprice, de nombreuses applications permettent d’évaluer le temps passé sur les réseaux sociaux et sur Internet. Les plateformes développent, elles aussi, des outils pour mesurer sa consommation, comme TikTok, qui signale au bout d'un certain moment à l'aide d'une vidéo que l'utilisateur "scrolle" depuis un moment.
De plus, des logiciels de contrôle parental permettent de limiter le temps d’écran comme sur iPhone. Sur smartphone, on peut aussi regarder notre temps d'écran moyen dans les réglages.
11 recommandations pour réguler les écrans chez les enfants et les jeunes : (Appuyer sur + pour dérouler)
- Interdire l’usage seul des écrans avant 3 ans lorsque les conditions d’une interaction parentale ne sont pas réunies.
- Déconseiller quel que soit l’âge de l’enfant et de l’adolescent, la présence d’écran(s) dans la chambre.
- Interdire les écrans 3D pour les enfants âgés de moins de 5 ans.
- Favoriser le sommeil en éteignant les écrans au moins 1h avant l’endormissement.
- À partir de 6 ans, fixer ensemble une limite de temps d’écran autorisé.
- Respecter les âges autorisant le visionnage de films ou l’utilisation de jeux vidéo (âge minimum noté sur les produits).
- Accompagner les enfants dans le choix des programmes et jeux vidéo.
- Faire un planning d’utilisation des médias (temps, lieux, rythmes) afin de consacrer du temps aux autres activités, dont, si possible, 2 heures d’activités quotidiennes en extérieur.
- Rappeler aux parents et aux encadrants qu’ils ne doivent pas être accaparés par les écrans en présence des enfants : les adultes doivent montrer l’exemple et être disponibles.
- Être capable de repérer les signes d’alerte d’un usage problématique des écrans : somnolence, isolement, baisse des performances scolaires, repas isolé, troubles anxieux, violence et agressivité ; et rester attentif à la survenue de troubles tels que fatigue visuelle, maux de tête.
- Demander de l’aide si on se sent dépassé : NetEcoute.fr ou e-enfance.org au 3018, le numéro vert national destiné aux enfants et adolescents victimes de violences numériques (cyber-harcèlement).
Source : « Avis relatif aux effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans », Haut Conseil de la santé publique, 12 décembre 2019
Des propositions de loi pour prévenir la surexposition
La proposition de loi de prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, portée par la députée Renaissance du Loiret Caroline Janvier, a été débattue à l'Assemblée nationale le 6 mars dernier.
Elle a été adoptée à l’unanimité et doit désormais être examinée au Sénat. Le texte prévoit ainsi la mise en œuvre d'une "politique de prévention des risques liés à l'exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de six ans". Ainsi, professionnels de santé, du secteur médico-social et de la petite enfance pourraient recevoir une formation spécifique sur ces risques. De plus, des messages de prévention pourraient être diffusés à la télévision sur le modèle du fameux "Manger bouger".