C'est une petite maison jaune pâle située sur une des places de l'ancien village de Mons au Puy-en-Velay. Les chats errants qui la quadrillent semblent veiller sur elle et sur ses résidents. Apres avoir été respectivement la petite école du village, avoir servi de base arrière à l'Institut-Médico-Educatif "Les Cévennes" situé juste à côté, elle accueille depuis deux ans maintenant, un lieu de vie un peu particulier, au sein duquel règnent l'entraide et la bonne humeur : Le Gem Autisme 43.
Un lieu de vie pour rompre l'isolement et promouvoir l'entraide
Initialement créés pour les personnes souffrant de troubles psychiques, les GEM (Groupes d'Entraide Mutuelle) ont été introduits en France par la loi Handicap du 11 février 2005. L'avant dernier plan national de prise en charge de l'autisme prévoyait quant à lui de généraliser ce type de structures en direction des personnes touchées par les troubles du spectre autistique (TSA) dans chaque département.
" Il ne s'agit pas d'un lieu de soins, mais d'un lieu de sociabilité et de pair-aidance"
Le GEM Autisme 43 a donc vu le jour en septembre 2021, porté par les PEP43 et soutenu par l'Agence Régionale de Santé : " Chaque GEM est piloté par une association et financé à 90% par l'ARS" tient à préciser Marie Legrand, l'une des trois salariés de la structure, responsable également du pôle associatif des PEP43.
Et de poursuivre : " Il ne s'agit absolument pas d'un lieu de soins, mais d'un lieu de sociabilité et de pair-aidance. Ici, nous n'avons pas d'autistes profonds, mais des personnes plus ou moins autonomes, qui viennent en bus ou en voiture pour rompre leur isolement. On n'y trouve donc ni psychiatre, ni psychologue ni aucun thérapeute. Sa raison d'être, c'est la promotion de l'autonomie pour les autistes sans déficience intellectuelle, par le biais de l'entraide-mutuelle. Les activités qui s'y déroulent, c'est eux-mêmes qui les choisissent en fonction de leur envie et de leurs besoins. Chacun, par son parcours, son expérience, ses traits de caractère contribue au fonctionnement démocratique et à la gestion de la structure tout en bénéficiant de l'aide des autres membres et avec l'appui d'un coordinateur salarié".
Une réponse au manque d'accompagnement pour les adultes autistes
Le GEM 43 compte aujourd'hui une trentaine d'adhérents. La moyenne d'âge est de 32 ans. Le plus âgé, Olivier, par ailleurs organiste de jazz hors-pair, a dépassé la soixantaine. La structure vient répondre à un vrai besoin sociétal, trop longtemps passé inaperçu, celui de la prise en charge des adultes autistes : l'offre d'accompagnement qui leur est proposée est effectivement bien moins développée et structurée que celle des mineurs.
" Beaucoup de jeunes adultes autistes sortent du système, à leur majorité, sans réelles solutions de suivi "
Pour Marie Legrand, il s'agit - là d'un réel problème auquel la mise en place des GEM aura apporté un début de solution : " Une fois leur majorité atteinte, beaucoup de jeunes adultes, concernés par les troubles du spectre autistique, quittent la structure qui les accueillait jusque-là. Pour pouvoir entrer dans la vie active et dans le milieu ordinaire, ils ont besoin d'un suivi plus ou moins appuyé dans de nombreux domaines, c'est ça notre ADN et notre raison d'être. Ils trouvent ici, au sein de notre petite communauté, tout l'étayage dont ils peuvent avoir besoin, et qui donc peut mieux les aider, que ceux qui ont traversé les mêmes difficultés qu'eux ? ".
Un nouveau nom et un nouveau logo pour l'association
"GEM Autisme 43" était un nom générique, sans doute trop administratif, en tout cas qui collait mal à la personnalité profonde de ce petit groupe de "neuro atypiques". Après deux ans d'existence et de développement de leur structure, l'envie de se construire une identité propre a fini par s'imposer parmi eux. Après plusieurs mois de débat et de travail, un nom et un nouveau logo ont fini par voir le jour.
" Nous sommes le Chat Typique, le Club Humain des Autistes du Territoire"
Et ils en sont fiers, d'après Stéphen, un des membres du club, qui nous explique avec un enthousiasme difficilement maitrisable, le pourquoi et le comment de ce nouveau nom et de ce nouveau logo : " En fait, ici, autour de ce lieu, il y a beaucoup de chats, on croirait qu'ils veillent sur nous. Alors on est parti du mot chat pour créer cet acronyme : nous sommes le Club Humain des Autistes du Territoire ! Notre logo, imaginé par un adhérent graphiste, représente le museau d'un chat. Il y a un puzzle bleu, parce qu'on aime tous les puzzles et que le bleu c'est la couleur de l'autisme. Et puis il y a une pièce aux couleurs de l'arc en ciel, c'est pour vous faire comprendre, que notre beauté vient de notre différence".
Le parcours du combattant des autistes
Stéphen a 23 ans. Pendant que Olivier, son ainé, improvise un solo d'orgue à partir d'une composition d'Al Jarreau, il accepte de revenir sur son histoire personnelle.
" Quand j'ai compris que je n'étais pas fou, mais juste un peu autiste, ça a été une vraie libération pour moi "
" J'ai eu un parcours scolaire catastrophique. J'étais traité d'immature, de fainéant et de bon à rien par tous les profs que j'ai côtoyés. Certains enseignants, malgré eux sans doute, j'avais l'impression qu'ils me torturaient. Ils faisaient aussi souffrir mes parents en leur disant qu'ils m'avaient mal éduqué. Ce qu'ils m'ont fait à moi, je pourrais leur pardonner, mais pas ce qu'ils ont fait à mes parents. Au collège, j'ai un peu commencé à être pris en charge par le système : on m'a d'abord diagnostiqué multi-dys (individu souffrant de plusieurs troubles cognitifs spécifiques et différenciés NDLR), mais je n'étais pas encore diagnostiqué autiste. A 18 ans, j'ai eu mon bac, et tout de suite après j'ai fait ma première tentative de suicide. J'avais un sentiment de profond mal-être, je me sentais différent des autres, mais je n'arrivais pas à me l'expliquer. Après ma deuxième tentative de suicide, j'ai été pris en charge à Clermont-Ferrand. Et là, miracle, quelqu'un a enfin mis un nom sur ma différence. Quand j'ai appris que je n'étais pas fou, mais juste un peu autiste, ça a été une vraie libération pour moi".
" Pendant le confinement, j'ai été livré à moi-même, je n'arrêtais pas de bouffer et d'être sur un écran"
Arrive le confinement. Stéphen met entre parenthèses sa vie d'étudiant en gestion et reste cloitré chez lui : "Je n'arrêtais pas de bouffer et d'être sur un écran. J'avais besoin qu'on s'occupe de moi. Deux choses m'ont sauvé à ce moment-là, le théâtre et mon adhésion au GEM, sur les conseils de ma psychologue".
"J'ai fini par trouver un boulot, à Monistrol, dans une AMAP"
Grâce aux séances de sophrologie et de méditation proposées au GEM, mais également au soutien de son groupe de "pairs-aidants", Stéphen apprend à évacuer ses angoisses et trouve confiance en lui : " Au GEM, on se soutient beaucoup. On a un groupe WhatsApp pour rester en relation quand on n'est pas dans la structure. Ça m'a beaucoup aidé tout ça, aujourd'hui, j'ai fini par trouver un boulot, à Monistrol, dans une AMAP. Je suis assistant administratif".
" Mes émotions sont plus fortes que les vôtres, j'ai du mal à comprendre les codes sociaux"
L'autisme se manifeste principalement par une altération des interactions sociales et de la communication. Ces troubles peuvent provoquer un comportement inadapté dans certaines situations : " Au collège et au lycée, les autres se foutaient de moi, parce que je comprenais jamais leurs blagues à deux balles. Je suis hyper terre à terre. L'humour je ne comprends pas. C'est toujours moi qui me faisais punir, parce que je savais pas mettre en place des stratégies, j'ai du mal à comprendre les codes sociaux".
Il se manifeste aussi souvent par une difficulté à interpréter et à contrôler les émotions, ainsi que par des comportements d'auto-stimulation qui consistent à se procurer des sensations par l'intermédiaire de différents canaux sensoriels : " Mes émotions c'est souvent la tempête. J'ai tendance à surréagir assez facilement. J'arrive pas à gérer mon stress qui se transforme vite en panique. Alors je fais de l'auto-stimulation, du stiming, je tape du pied ou je claque des doigts, ça me calme. Alors venez pas me parler d'amour !".
Contact
Association " Chat typique" 18, chemin de Gendriac 43000 Le-Puy-en-Velay 06 24 69 69 16 chattypique43@gmail.com
Toute personne intéressée, qui souhaite découvrir l'association, peut contacter par mail ou téléphone, le coordinateur qui fixera avec elle un rendez-vous pour l'accueillir sur place et lui expliquer le fonctionnement de l'association. Une période de découverte, sans engagement ni adhésion, est proposée pendant les premiers mois. L'association est également ouverte aux autistes non diagnostiqués.