Je signale une erreur

Précisez éventuellement la nature de l'erreur
4 + 15 =
Trouvez la solution de ce problème mathématique simple et saisissez le résultat. Par exemple, pour 1 + 3, saisissez 4.

(1 sur 2) Déboutés du droit d’asile : « Nous ne sommes pas là pour trahir les gens »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 06/04/2023 à 06:00

Ambiance extrêmement inflammable au sein de l’ASEA 43. Syndicats et salariés se disent « choqués, sans voix et furieux », selon leurs propres termes, face au procédé de la Préfecture et du Directeur Général de l’association pour soutirer la liste des déboutés du droit d’asile à l’accueil du Tremplin.

La suite de l'article (2 sur 2) publié à midi est constituée des explications du Directeur général de l'ASEA Bertrand de Foucauld et de son Président Jacques Olivier.

L’ASEA 43 signifie « Association pour la Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adulte de Haute-Loire ». Elle est composée de quatre grands pôles dont tous œuvrent pour l’accueil, la protection et l’insertion d’un public en grande difficulté.

D’ailleurs, les valeurs qui, selon le site internet, constituent son ADN depuis 1948, sont « la dignité des personnes, la citoyenneté, la solidarité, la laïcité, la responsabilité, l’engagement, l’accompagnement des personnes en tenant compte de leur altérité ».

L’article 7 de la Charte

Un autre principe apparaît sculpté aussi dans le marbre de sa « Charte des Droits et Libertés de la personne accueillie ». Celui de l’article 7 : « Le Droit à la protection garantit à la personne comme à ses représentants légaux et à sa famille, par l’ensemble du personnel ou personnes réalisant une prise en charge ou un accompagnement, le respect de la confidentialité des informations la concernant dans le cadre des lois existantes ».

Autrement dit, salariés et responsables navigants au sein de l’ASEA 43 se doivent de faire appliquer le secret professionnel pour protéger les personnes concernées.

Communiqué du RESF43, collectif de soutien aux demandeurs d'asile et personnes migrantes 43

Signataires : Ligue des droits de l'Homme43, CGT43, FSU43, SUD Education43, Action Catholique Ouvrière43, Comité de Soutien aux opprimés de Brioude, ATTAC en Velay, association La Sosta, LICRA Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme Réseau Education Sans Frontières43, Emmaüs43, Gauche EcoSocialiste43, EELV43,Génération.s 43, Révolution Ecologique pour le Vivant région AURA

"Nous venons d’apprendre qu’une liste nominative de personnes et de familles débouté-e-s du droit d’asile, comportant leurs adresses, a été envoyée par le Directeur général de l’ASEA (Association de Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte) à la Préfecture de Haute-Loire le 1er mars, ainsi qu'à la DDETSPP, Direction Départementale de l'Emploi, du Travail et de la solidarité et de la Protection des Populations. Il faisait ainsi une réponse zélée à une demande de la préfecture".

"Nous sommes à la fois choqués et terrifiés par un tel acte"

"Rappelons que l’ASEA est une association dont la mission est : « Accueillir toute personne et famille qui éprouve des difficultés à trouver sa place dans la société et construire avec elle des solutions de logement et un accompagnement social et sanitaire adapté, afin qu'elle préserve sa dignité et accède à une citoyenneté. Pour tout public majeur seul ou avec des enfants : personnes sans domicile et / ou sans logement - personnes victimes de violences conjugales - personnes en difficulté de précarité. ».

L’art 345-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles, précise : Les personnels des CHRS ( Centre d'hébergement et de réinsertion sociale) sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. La loi définit les contours du partage d’informations en le limitant aux personnels du CHRS".

"Si la demande d'une telle liste émane des services de l’État, son exécution semble bien être l'œuvre du directeur de l'ASEA"

"Bertrande De Foucauld se joue totalement des valeurs mises en avant par l’association qu’il dirige. Par ailleurs il ne fait pas mystère de ses sympathies politiques qui nous apparaissent incompatibles avec les fonctions qu'il exerce. Dès lors, des familles exilées, qui croyaient trouver refuge chez nous après avoir fui les guerres, la misère, les effets du réchauffement climatique, qui ont survécu à des parcours périlleux emportant parfois en mer familles et amis, sont discriminées, dénoncées".

"Rappelons, devoir de mémoire oblige, qu’Alex Brolles et « Les Petits Bergers des Cévennes », à l’origine de l’ASEA, ont été honorés il y a peu par le Maire du Puy et la Préfecture pour avoir donné refuge à des juifs persécutés par le régime de Vichy".

"Elles se retrouvent à nouveau dans des situations tragiques, d’urgence et d’insécurité. Ces familles qui souffrent depuis des années de l'interdiction de travailler, - plus de 10 ou 12 ans pour certaines !- et ne peuvent donc avoir la satisfaction de subvenir dignement à leurs besoins, sont déjà dans un état de désespérance extrême. Nous pouvons imaginer la détresse dans laquelle ce courrier les a plongées".

"Heureusement, le personnel, les directeurs de pôles et les travailleurs sociaux, restent, eux, fidèles aux valeurs fondatrices de cette institution : la fraternité, la solidarité, l'entraide, la protection, l'accueil des familles déboutées du droit d'asile ainsi que l’urgence de leur hébergement, sont les piliers de leur métier".

"Nous, associations, organisations, syndicats, serons particulièrement vigilants à l'aboutissement des régularisations des personnes concernées"

"Nous soutenons les personnels de l'ASEA, les acteurs du secteur médico-social et social, de l'aide humanitaire, de la Fonction Publique, qui refusent de céder à ces pratiques de délation. Nous apportons tout notre soutien à tous les personnels de cette association, placés dans une situation qui les engage à se battre pour des valeurs indispensables à leur travail au quotidien: accueil inconditionnel, respect du secret professionnel, respect des données personnelles (loi de 2002), égalité de traitement, qui sont autant de garanties de la dignité des personnes".

"Nous demandons le départ du Directeur Général"

"Nous affirmons notre fidélité aux valeurs de la République : la fraternité et la solidarité. Nous voulons également informer les autorités de l’Éducation Nationale, elles aussi concernées, puisque trois postes d'enseignants sont détachés auprès de l'ASEA.

Pour nous, signataires, il est important et nécessaire que les autorités se positionnent afin de prévenir toute nouvelle tentative discriminante. Nous demandons des sanctions et le départ des auteurs de cet acte ( dont le Directeur Général), afin que l’ASEA redevienne à nouveau l’association garante de la sauvegarde des enfants et adultes".

« Accueillir toute personne et famille qui éprouve des difficultés à trouver sa place dans la société »

Tremplin est l’un des quatre pôles de l’ASEA 43. En sigle, ça donne PPI ou Pôle Précarité Insertion. Sa mission d’après le site de l’association est « d’accueillir toute personne et famille qui éprouve des difficultés à trouver sa place dans la société et construire avec elle des solutions de logement et un accompagnement social et sanitaire adapté, afin qu'elle préserve sa dignité et accède à une citoyenneté ». Son public est de toutes les couleurs, de tous les pays et de toutes les situations.

« Nous ne sommes pas là pour trahir les gens. Nous ne sommes pas là pour faire de la politique. L’Histoire nous a bien montré que vendre ainsi ce genre d’informations était à la fois dangereux et éthiquement immonde »

« Le Directeur du Tremplin a refusé de la donner ». Mais…

D’après des employés et plusieurs syndicats, l’article 7 de la Charte, valeur fondamentale de l’association, vient de finir inexorablement dans le tréfonds des oubliettes en ce mois de mars 2023. « Je travaille dans l’un des pôles de l’ASEA 43 mais je souhaite rester totalement anonyme pour éviter toutes pressions possibles à la suite de l’article », partage une employée.

Elle se lance : « Avant que le Directeur du Tremplin ne fournisse la liste des personnes en situation régulière le 1er mars, un rendez-vous à la préfecture avait déjà eu lieu entre lui, le Directeur Général de l’ASEA 43 qui est Bertrand de Foucauld, et les services d’État. Le sujet de cette réunion portait à l’origine sur un agrandissement des locaux du Tremplin. » D’après une autre source, cette réunion s’est déroulée le 8 décembre 2022 et elle portait en effet sur une éventuelle réhabilitation du Tremplin.

Elle continue : « La liste des déboutés du droit d’asile qui compte au total 17 familles a été évoquée ce jour-là mais le Directeur du Tremplin a refusé de la donner ».

RÉACTION DU DIRECTEUR DU TREMPLIN

Nous avons demandé au Directeur du Tremplin de réagir sur cette transmission de la liste par ses soins à la Préfecture. "Je déplore bien évidemment la situation actuelle. Et j'ai le sentiment d'être pris entre deux feux. Mais si j'ai bien un avis personnel sur le sujet, je ne peux le partager aujourd'hui pour un soucis d'interaction professionnelle".

« Il a cédé et a donné les informations »

Une décision qui se fracture le coup suivant. Le 20 février, une autre réunion a lieu, mais cette fois uniquement sur le sujet de la fameuse liste.

« Bertrand de Foucauld a fait directement la demande au Directeur du Tremplin pour obtenir cette liste, déplore-t-elle. Sans que personne ne comprenne, pourquoi il a cédé et a donné les informations ».

Elle ajoute aussi : « Personne ne sait ce qu’il s’est joué là-dessous, mais ils sont tous les deux en grande faute. Bertrand de Foucauld n’aurait jamais dû faire cette demande et le Directeur de Tremplin n’aurait jamais dû la livrer ! »

Par trois fois, par téléphone et par mail, nous avons sollicité les services de la Préfecture de la Haute-Loire pour avoir une réaction et des explications sur le sujet. Nous n'avons pas eu de réponse à ce jour

« Aujourd’hui, en 2023, Jacques Olivier laisse passer une telle procédure ! »

Une seconde personne, souhaitant elle aussi l’anonymat le plus complet, compare l’attitude de Bertrand de Foucauld à celle d’un « rouleau compresseur » pour obtenir le nom et l’adresse des familles déboutées. « Ce qui me blesse le plus dans cette histoire, témoigne cette employée de l’ASEA, c’est que le Président de l’association, Jacques Olivier, était présent aux deux réunions. Jacques Olivier est celui qui avait vivement défendu les valeurs de l’ASEA en 2019 quand la préfecture avait fait la même requête, avec les mêmes pressions. Aujourd’hui, en 2023, il laisse passer une telle procédure ! C’est à la fois incompréhensible et déplorable ».

« En tant qu’employée à l’ASEA, je suis choquée, souffle la première. En tant qu’humaine, je suis meurtrie. Et nous sommes nombreux à se poser des questions sur la légitimité d’un tel Directeur Général aux commandes de l’association ».

« Demander de communiquer cette liste, n’est ce pas demander aux salariés de rompre le secret professionnel ? (…) La délation n’est clairement pas en adéquation avec les valeurs portées par l’association ». Les syndicats de l’Action sociale

Le fantôme d’Alex Brolles

Dans cette tempête sociale et humaine, plusieurs syndicats de l’Action sociale se dressent face à l’attitude des responsables. Par le biais d’une déclaration commune, ils rappellent que l’ASEA 43 « a fondé son action autour de valeurs humanistes (…) Alex Brolles, un des pères fondateurs de la Sauvegarde (ex ASEA) a montré sa force et son courage en luttant contre le signalement et la déportation des juifs, et ce, malgré les demandes pressantes de l’Etat ».

Article 226-13 : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende » (Source : legifrance.gouv)

« Ne pas transmettre ces informations repose sur la loi »

Sur le point juridique, les syndicats rappellent l’article de loi 345-1 du Code de l’Action social et des familles (CASF) : « Les personnels des CHRS sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal ». Ils ajoutent aussi : « L’acte éthique relatif au choix de ne pas transmettre ces informations repose sur la loi qui régit la protection des données personnelles ».

Je renseigne ma commune de préférence :

  • Accès prioritaire à du contenu en lien avec cette commune
  • Peut être différente de votre lieu de travail
Valider