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(1 sur 2) Tension, corbeau et plaintes à la préfecture

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 30/03/2023 à 06:00

Il est rare qu’un média reçoive un courrier non seulement anonyme, mais en plus envoyé par la Poste. La preuve que son auteur souhaite, par tous les moyens, se prémunir des pressions ou des menaces que ses écrits pourraient générer. Surtout si c’est pour pointer du doigt l’institution étatique au cœur de la ville du Puy.

La lettre est longue, composée de 14 paragraphes. Elle est intitulée « Lettre ouverte à M. le préfet de la Haute-Loire ». Le verbe et la syntaxe exposent une plume posée, réfléchie et aiguisée. Dans le contenu, il est question de l’atmosphère apparemment délétère et anxiogène qui règne entre les murs de la préfecture de la Haute-Loire.

L’auteur rappelle en ce sens l’action des agents rassemblés le 11 octobre 2022, agents qui affirmaient de vive voix et par le biais d’une pétition, la pression et les mauvais traitements qu’ils subissent.

« En 2020, plusieurs salariés ont rencontré le préfet pour leur faire part des difficultés rencontrées et notamment des problèmes de management d'une certaine partie de la hiérarchie. Les agents ont ensuite été convoqués au commissariat pour une plainte en diffamation », avait alerté ce jour du 11 octobre une manifestante qui travaille depuis près de 15 ans à la préfecture. Avant de rajouter : « Depuis le préfet, refuse tout véritable dialogue social et maintient les gens néfastes à leur poste ».

Le préfet Eric Étienne avait alors, à son tour, démenti l’absence de concertation. « J'ai proposé une rencontre ce matin à 9h15. Aucun d'entre eux n'est venu. Lorsque j'ouvre ma porte, ils ne viennent pas. Elle est toujours ouverte ».

Il rappelle à ce propos un courrier daté du 7 juillet 2022 en réponse à la pétition signée par 68 agents le 28 juin. Eric Étienne écrit ainsi en guise de conclusion : « Mieux se connaître, mieux communiquer, (…) ne trouvent manifestement pas grâce aux yeux de certains. Je le regrette, mais les critiques pour être perçues n’en sont pas moins démontrées, ni argumentées et encore moins illustrées de propositions alternatives convaincantes ». Ambiance…

 

« La violence ne peut qu’engendrer la violence »

Depuis la mobilisation du 11 octobre par les agents de la préfecture, rien. Silence. Juste des bruits de couloir, des soupirs très timides quand on demande des nouvelles, des haussements de sourcils. Rien jusqu’à ce courrier anonyme où certaines phrases ne peuvent que percuter l’esprit : « À force de ne rien dire et de porter des œillères en permanence, la violence ne peut qu’engendrer la violence, ce qui explique qu’après des pratiques de harcèlement avérées, une tentative de mise en danger de la vie d’autrui et un empoisonnement aient eu lieu en préfecture l’an passé ».

« La porte du préfet n'est pas toujours ouverte puisque depuis le 11 octobre, il ne nous a toujours pas reçu malgré nos demandes. Et cette année, il n'y a pas eu de cérémonie de vœux aux agents ». CGT Intérieur

« Du harcèlement moral sur ses subalternes, usant également de graves propos graveleux et sexistes »

En dépit des mystères qui tournent autour de ce courrier, un membre de la CGT Intérieur, dont les propos ont tous été validés ensuite par plusieurs autres sources très proches du dossier, a bien voulu nous recevoir. Il découvre pour la 1ere fois cette lettre. Au fil de la lecture, il nous donne alors des éclaircissements. « En octobre 2020, 50 agents de la préfecture de la Haute-Loire ont donné mandat à l’unanimité pour demander au Préfet une mesure disciplinaire à l’encontre d’un haut cadre toujours actif aujourd’hui. Ce dernier est caractérisé comme exerçant du harcèlement moral sur ses subalternes, usant également de graves propos graveleux et sexistes ».

Il ajoute : « Le Préfet était donc au courant de ce début de foyer qui ne cessait de prendre de l’ampleur au fil des jours ». Le terme de « situation invivable » est alors rapporté par des agents au syndicat CGT Intérieur quant à l’emprise faite par cet ancien Directeur des Ressources Humaines. « Ancien, car il occupe depuis un autre poste de direction et a même été récemment proposé pour une promotion interne », précise le syndicat.

D’après le syndicat et plusieurs autres personnes souhaitant rester anonymes, deux employés sont en arrêt maladie suite à des pressions subies par leur hiérarchie et « de nombreux agents partent en mobilité ».

Une plainte de l’ex DRH classée sans suite

Pour se défendre, le haut cadre pointé du doigt choisit l’attaque et dépose plainte pour diffamation envers cinq agents qui ont alerté le Préfet sur le climat inflammable. Ces cinq agents ont été convoqués, sur leur lieu de travail, au commissariat en janvier 2021 « Si la plainte a été classée sans suite, cette action judiciaire a définitivement enterré le peu de confiance qui subsistait encore envers la direction, déplore la personne de la CGT Intérieur. La confiance a été et est totalement rompue depuis ».

D’après le syndicat et les autres sources concordantes sur le sort des cinq agents, la préfecture a refusé le renouvellement de détachement à l'une présente depuis trois ans, une autre s'est retrouvée en arrêt de travail pendant un an, une 3ème est partie en retraite.

Climat de tension selon un audit externe

Pour éteindre l’incendie à l’œuvre dans le bâtiment d’État, le Préfet Eric Étienne commande alors un audit (Diagnostic du collectif de travail de la Préfecture Haute-Loire) en septembre 2020, soit un mois après son entrée en fonction à la préfecture, restitué le 1er mars 2021.

Parmi les éléments mis en exergue, 75 % des répondants (24 entretiens individuels et 96 réponses en ligne) ressentent un climat de tension. Des personnes ont déclaré avoir effectué des signalements via la cellule nationale Allo-discri. Les mots-clés retenus sont alors : « Autoritarisme », « Propos sexistes, dégradants et vulgaires de la part de l’encadrement », « Attitudes agressives, menaçantes ».

Deux plaintes contre la direction de la préfecture de la Haute-Loire

Puis vint l’échange épistolaire épineux sous la forme de la pétition en date du 28 juin 2022 par 68 agents (sur 153 selon les chiffres du Préfet), et les deux réponses du Préfet du 7 juillet et du 11 août. Le 11 octobre 2022, le « mal-être » de la préfecture se retrouve alors dans la rue, place du Breuil. Le 9 septembre, une plainte est déposée par un militant pour discrimination syndicale. Un ajout de plainte s’y agrège au mois de janvier 2023.

« Les plaintes s’accumulent. Les arrêts maladie aussi. Beaucoup de procédures administratives ou judiciaires dans cette institution qui devrait être exemplaire ». CGT Intérieur

« Le câble électrique était dénudé et resté branché à la prise »

Sur le déroutant paragraphe du courrier anonyme qui mentionne : « Une tentative de mise en danger de la vie d’autrui et un empoisonnement (...) en préfecture l’an passé », le membre de la CGT Intérieur nous explique : « En février 2022, dans le service du CERT (Centre d'Expertise et de Ressources des Titres), un agent a frôlé l’électrocution. Quelqu’un avait sectionné les fils de la machine à café. Le câble électrique était dénudé et resté branché à la prise. Un dépôt de plainte a ainsi été déposé ».

De la lotion hydroalcoolique dans sa gourde

L’adhérent CGT Intérieur continue : « 15 jours après cet incident, un agent a été sujet à un empoisonnement. L’eau de sa gourde avait été mélangée avec, semble t-il, de la lotion hydroalcoolique. Pour ces deux actes la CGT avait demandé à ce qu'une plainte soit déposée, ce qu'avait refusé le Secrétaire Général. Mais suite à une mention dans le registre de santé et sécurité au travail, le préfet a demandé en septembre, soit plus de six mois après, à ce qu'une plainte soit inscrite. L’agent qui avait bu dans sa gourde a également déposé plainte ».

Il termine par ses mots : « Nous avons peur. Vraiment. Une institution telle que la préfecture dégage une image saine, cadrée et propre dans la tête des gens. C’est pourtant loin d’être le cas. L’exemple de ce courrier envoyé avec autant de précautions démontre cet état des choses ».

« Le 11 octobre dernier, des agents de la préfecture s’étaient rassemblés pour revendiquer de meilleures conditions de travail, soutenus par la CGT 43 et CGT Intérieur.

En guise de réponse, le préfet a notamment déclaré qu’il était faux d’affirmer que le dialogue social n’était pas une réalité entre les murs de l’enceinte préfectorale et que, finalement : « Tout allait très bien madame la Marquise » et que sa porte était grande ouverte, il suffisait d’y frapper pour rentrer.

Surtout, sur les réseaux sociaux, au vu du compte-rendu de cette manifestation, dans la presse locale écrite ou électronique, un certain nombre de personnes n’ont pas hésité, elles aussi, à dénigrer les manifestants en s’interrogeant sur le bien-fondé de leur protestation, étant donné qu’il est bien connu que les fonctionnaires sont des petits privilégiés, notamment si l’on compare leur situation professionnelle vis-vis des ouvriers travaillant à l’usine ou bien encore de la grande majorité des classes populaires de ce pays.

« Il est dès lors peut-être temps de se focaliser sur les points fondamentaux »

Au regard de ces différents retours peu flatteurs pour ceux qui ont été à l’initiative de cette manifestation, il est dès lors peut-être temps de se focaliser sur les points fondamentaux en laissant de côté les détails stériles qui permettent, en réalité, aux détracteurs d’éluder une réalité pourtant simple comme démontré dans le propos qui suit.

En effet, au-delà du « manque de connaissance, pression, mauvais traitement des agents » à l’œuvre au sein de la préfecture de la Haute-Loire, comme cela est le cas dans de nombreuses entreprises et corps constitués de ce pays d’ailleurs, il faut s’intéresser un instant à quelques spécificités propres ayant eu cours dans cette enceinte ces dernières années.

« Un certain nombre d’agents ont été victimes d’une forme de harcèlement par un directeur haut placé »

Zoomdici c’est notamment fait l’écho des faits suivants : « En 2020, plusieurs salariés ont rencontré le préfet pour leur faire part des difficultés rencontrées et notamment des problèmes de management d'une certaine partie de la hiérarchie. Les agents ont ensuite été convoqués au commissariat pour une plainte en diffamation ».

Le journaliste qui a fait mention de cet épisode a eu raison de le faire puisqu’en réalité, il pointe du doigt un épisode clé dans l’installation d’un climat délétère au sein de la préfecture. En effet, c’est un fait qu’un certain nombre d’agents ont été victimes d’une forme de harcèlement par un directeur haut placé, directeur qui s’était déjà vu reprocher son attitude lorsqu’il était en poste dans le département de l’Ardèche, comme l’atteste un article de presse de l’époque.

« Un directeur qui continue d’ailleurs à parader en toute impunité »

Or, lorsque lesdits agents s’en sont plaints auprès du préfet, le directeur concerné n’a pas hésité à porter plainte en diffamation contre tous ces agents, une plainte, il faut le rappeler, qui a pourtant été classée sans suite. Ce qui montre bien que les éléments du plaintif étaient plus que creux juridiquement ! Surtout, comment expliquer cette inversion des rôles qui ne peut que faire sourire lorsqu’on connaît la réalité de certaines pratiques de ce même directeur, directeur qui continue d’ailleurs à parader en toute impunité et à bénéficier d’une proposition d’avancement au tableau en interne depuis. Comme s’il était normal que l’anormalité devienne la normalité avec, en outre, des récompenses à la clé.

« De vilains petits canards qui ne sont bons qu’à semer la zizanie au pays des Bisounours »

Alors, certains s’interrogeront : qu’est ce que ces agents attendent pour, eux aussi, aller porter plainte si tous ces faits sont avérés ? L’on se contentera de répondre que la réalité est plus complexe lorsque l’emprise hiérarchique fait son œuvre et qu’il assez facile pour des administrateurs hauts-placés de ne pas renouveler des détachements ou de bloquer des agents travaillant sous leur autorité dans leur avancement sous de faux-prétextes, car certaines décisions n’impliquent pas réellement de motivation en étant laissées à leur libre volonté subjective. Après tout, tout n’est qu’une question d’angle d’approche et en fonction, nous savons tous que le résultat ne sera pas nécessairement des plus objectifs, notamment en direction des agents syndiqués qui ne sont finalement que de vilains petits canards qui ne sont bons qu’à semer la zizanie au pays des Bisounours.

« Un empoisonnement a eu lieu en préfecture l’an passé »

Cela n’aura échappé à personne, à la préfecture comme dans biens des endroits dans ce pays, l’impunité règne en maître. Or, cette petite classe dominante bénéficie d’outils qui ont fait leur preuve au fil du temps : délégitimiser, minimiser, fractionner en usant d’arguments d’autorité qui permettent avant tout de diviser pour mieux régner. Et le plus grave, minorer la portée de certains actes, car il ne faut surtout pas faire de vague, ce qui risquerait d’entacher le contenu de son propre dossier personnel et la carrière qui va avec. Quel sens du service public !

Surtout, à force de ne rien dire et de porter des œillères en permanence, la violence ne peut qu’engendrer la violence, ce qui explique qu’après des pratiques de harcèlement avérées, une tentative de mise en danger de la vie d’autrui et un empoisonnement aient eu lieu en préfecture l’an passé.

« Des chapes de plombs sont donc à l’œuvre au détriment des agents de la préfecture »

Au vu de ce triste bilan, vous l’aurez compris, des chapes de plombs sont donc à l’œuvre au détriment des agents de la préfecture de la Haute-Loire et ce, alors même que tous ces agents seraient normalement en droit d’attendre un minimum de protection de la part de ceux qui sont, théoriquement, censés les protéger, au moins aux yeux de la décence ordinaire, si cette expression a encore une sens pour toutes ces personnes davantage adeptes de pratiques extraordinaires.

« Dire la vérité est un acte révolutionnaire, un acte que nous assumons »

Faudra-t-il donc attendre que le pire arrive, avant que certains fonctionnaires prennent leurs responsabilités en se montrant dignes des fonctions qui sont les leurs, à la fois au regard de la législation en vigueur dans la fonction publique, mais surtout, sur le fondement des principes républicains les plus élémentaires ?

Certains veulent tourner en dérision les revendications des agents concernés, mais qu’ils n’oublient jamais que lorsque la supercherie est à l’œuvre, dire la vérité est un acte révolutionnaire, un acte que nous assumons car, dans la vie, lorsque l’on a découvert la vérité et que l’on est un ou une authentique homme/femme de convictions, il s’agit de l’affirmer haut et fort, et non de subir la loi du mensonge triomphant, sinon comment pourrions-nous encore nous regarder dans un miroir ? »

 

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