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Karl-Henri Barberousse Polynice "Quand on a de la volonté, on peut soulever des montagnes"

Par Ombéline Empey… , Mise à jour le 23/03/2023 à 06:00

Au Lycée St Jacques-de-Compostelle, sur le site d'Anne-Marie Martel, des intervenants ont été invités à témoigner dans le cadre de la semaine de lutte contre les discriminations organisée par l'établissement. Parmi eux, Karl-Henri Barberousse Polynice, figure emblématique du Puy.

Originaire du Puy-en-Velay, Karl-Henri Barberousse Polynice, 49 ans, est handicapé depuis sa naissance. Son handicap, il en a fait une force. Il est aujourd'hui une figure pour celles et ceux victimes de discriminations. Devant une trentaine d'élèves de seconde, mercredi 22 mars 2023, dans le CDI de St Jacques-de-Compostelle, il a présenté son parcours et répondu aux jeunes présents. 

C'est quoi votre handicap ? 

« Je suis né avec une pathologie appelée le spina bifida, un défaut de l'épine dorsale et de la moelle épinière qui a été touchée et sectionnée pendant la grossesse. Je suis né comme ça et j'ai subi une intervention pour pouvoir faire face à la vie. Je suis paraplégique depuis la naissance. En gros, j'ai la motricité du haut, contrairement à un tétraplégique, mais mes jambes ne supportent pas le poids de mon corps. »

Le spina bifida est une maladie génétique due à une malformation pendant la grossesse au niveau de la moelle épinière. Cette maladie touche cinq naissances sur 10 000 en France.

Est-ce que vous avez connu les discriminations ?

« À titre personnel, j'ai la chance de pouvoir dire que je n'ai pas été si discriminé que ça. Et je sais que c'est vraiment une chance d'avoir été vite intégré quelque soit les étapes de ma vie. Après, il y a plein de facteurs extérieurs aussi. L'Éducation peut-être, la force de caractère, la personnalité. J'ai été à l'école comme tout le monde, pas en classe ou en établissement spécialisés. Et on m'a très bien intégré. Je me rappelle encore que mes camarades se battaient pour savoir qui allait pousser le petit Karl-Henri à la récré. J'ai été un camarade de classe, pas "l' handicapé de la classe". Au final, je ne me suis jamais senti rejeté, et je sais que j'ai eu de la chance d'avoir eu autant de bienveillance, car ce n'est pas pour tout le monde pareil. 

« Je me rappelle encore que mes camarades se battaient pour savoir qui allait pousser le petit Karl-Henri à la récré »

Mais on est complètement conscient quand même de tout ce qui peut se passer. Et on est face à des barrières à des moments où d'autres, quel que soit l'âge. Et ça, ça fait vraiment partie de mon quotidien. C'est pour cela que c'est une cause importante pour moi d'être ici. C'est quelque chose qui m'importe énormément. Ça devrait presque, je pense, être mis dans le programme pour aider à la tolérance. »

Karl-Henri Barberousse Polynice devant les lycéens de St-Jacques-de-Compostelle Photo par Ombéline Empeyta Brion

Est-ce que vous avez, "une double cause de discrimination" de part votre handicap et votre couleur de peau ? 

«Je suis d'origine antillaise, haïtienne, exactement. Et bien sûr que c'est aussi un cheval de bataille. On connait tous les problèmes de racisme. À ce titre-là, par contre, je le vis super bien. J'ai envie de dire qu'avant d'être devant un miroir, la journée, je l'oublie carrément le reste de la journée. 

Puis tout n'est pas visible. Il n'y a pas que ce qu'on voit qui fait la personne. »

« Oui je suis noir et handicapé, mais l'apparence est loin d'être le résumé de qui l'on est »

Vous avez déjà senti des regards ? 

« Moi, les regards, en tout cas, au niveau de l'école, je n'en ai pas un souvenir particulier par rapport à ça. Ce sont plus des personnes proches de moi, de mon entourage qui elles, m'ont déjà fait la remarque. "T'as vu comment il t'a regardé ?" Mais moi, je pense que j'avais déjà passé le cap et je ne les vois plus. Après, il faut distinguer le regard des personnes adultes et des enfants. Un enfant qui montre du doigt, ça ne m'a jamais posé un problème. Au contraire, j'aurais tendance à m'approcher et à aller à la rencontre de l'enfant pour discuter. »

Et dans la vie de tous les jours, vous sentez des différences ? 

« Il en existe. Bien souvent, c'est sur ce qui est du problème d'accessibilité, on n'a pas une accessibilité évidente. Tout ce à quoi a le droit monsieur Tout le monde, on va dire. Tant au niveau de la culture, par exemple, au niveau de l'accessibilité des lieux, tout simplement. Si je vois qu'il y a une marche dans un magasin par exemple, je sais que je ne pourrais pas y aller. Ce sont des petites choses de tous les jours où il faut tout le temps, en amont, réfléchir à ce qu'on va faire et ça ne peut pas se faire de manière spontanée, comme pour tout le monde souvent. »

Avec ce handicap, vous pouvez travailler ? 

« Actuellement, je ne travaille pas, mais j'ai eu des activités professionnelles. Mais rien qu'à ce niveau-là, c'est vrai que c'est beaucoup plus restreint ce qui nous est proposé. Souvent, on voit le handicap comme un frein, moi j'ai essentiellement travaillé sur l'ordinateur et j'avais déjà entendu la phrase suivante,  "au moins sur ordinateur, ça efface le handicap". Alors que ça, ce n'est pas du tout mon objectif d'effacer quoi que ce soit ! Aujourd'hui, je travaille essentiellement en tant qu'intervenant dans les écoles ou des structures pour sensibiliser et parler de mon handicap »

Vous avez laissé échapper une fois que vous souhaitiez faire journaliste à un moment donné ?

« Exact ! (rires). J'ai fait un bac littéraire. Et c'est vrai que c'est quelque chose qui m'intéressait. Ça n'a pas abouti. Mais maintenant, à ma manière, je rencontre les gens pour les informer. Comme quoi !  »

« On ne voit pas plein de héros de série à notre place. C'est à nous de faire en sorte de devenir notre propre héros dans notre histoire »

Avec un lourd handicap comme le vôtre, notamment moteur, on peut vivre "normalement" ? 

Aujourd'hui, je suis 100% autonome. J'ai mon appartement, mon indépendance, et je l'ai acquise très tôt. J'ai même le permis et je conduisais une voiture adaptée il y a quelques années. Je montais dans ma voiture, je pliais mon fauteuil et à moi la liberté ! C'est tout simple. On ne se l'imagine pas, mais les personnes handicapées, surtout en fauteuil roulant, sont très débrouillardes. En tout cas, on apprend à l'être. On ne voit pas plein de héros de série à notre place. C'est à nous de faire en sorte de devenir notre propre héros dans notre histoire. Oui, c'est difficile d'accepter de ne pas pouvoir tout faire, accepter qu'on a des limites que les autres, valides, n'ont pas. 

Aujourd'hui, dans votre vie de tous les jours, vous vous sentez bien ? Vous sentez vous heureux ?

« Ben ça roule ! C'est le cas de le dire ahah !  En tout cas, j'ai tout doucement eu des expériences qui m'ont permis sans doute d'avoir quelques armes qui font que j'appréhende peut-être plus et mieux le contre coup de la vie par rapport à mon jeune âge par exemple. Et aujourd'hui pour venir à l'atelier, j'ai souhaité être accompagné de ma compagne puisque notamment pour la vie courante, c'est quelque chose qui a marqué ma vie, désormais être accompagné et m'accorder le droit d'être heureux. »

"L'espèce humaine, je la vois un peu comme un puzzle. Moi, je suis peut-être une pièce un peu moins rectiligne, mais j'ai quand même réussi à m'imbriquer avec une personne plus rectiligne." 

Justement en amour, c'était un complexe, quelque chose de difficile. 

« Pire que ça pour être sincère,  je m'interdisais beaucoup de choses. Je me suis toujours interdit ce genre de chose. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que je ne pensais pas que c'était fait pour moi. Que je pourrais trouver quelqu'un. Je ne me suis pas imaginé très très souvent ouvert à cette partie de la vie. Aujourd'hui, je suis venu avec ma compagne, qui partage ma vie depuis un an et que j'ai rencontré en seconde, il y a plus de 30 ans. Si on m'avait dit l'année dernière encore, tu verras, la prochaine fois que tu viendras, tu seras accompagné, j'aurais ri. Je lui aurais dit qu'il se foutait de moi. Comme quoi tout est possible. Il faut toujours rester positif. Tout le temps. »

Karl-Henri Barberousse Polynice et sa compagne Fanny Violon Photo par Ombéline Empeyta Brion

Si aujourd'hui, vous êtes résilient, vous vous êtes battu, il y a eu des moments où vous n'aviez plus envie de vous battre ? Avez-vous eu des idées noires ?

« J'avoue que c'est beaucoup l'ironie et l'humour qui m'aide. Et je me dis que ce qui est le meilleur allié, c'est d'être assez bon en trampoline. Dans la vie, il faut rebondir. Comme tout un chacun, je pense qu'on a tous des périodes creuses, j'ai eu des périodes vraiment difficiles. Est-ce que c'est complètement lié au handicap? Je ne sais pas.Tout est mêlé dans la vie, donc c'est difficile aussi de pointer du doigt et de dire, je n'aurais pas été en fauteuil, j'aurais été heureux, ça je ne crois pas ! »

Est-ce que maintenant, avec votre recul et votre expérience, auriez-vous des conseils à donner aux jeunes, ou pour ceux qui sont dans la même situation que vous ? 

« Je ne peux vraiment pas avoir la prétention d'être leur porte-parole d'eux car nous sommes tous différents. Mais de manière assez globale, c'est la communication qui est à la base de pas mal de choses. Mais ce n'est pas facile pour tout le monde. Moi, aujourd'hui, la facilité de parler, je ne l'avais pas il y a des années en arrière. Avec ma compagne, mais on s'est connus il y a 30 ans. Moi il y a 30 ans, je n'aurais jamais fait ça quand j'étais en seconde. Mais il y a des gens très timides qui vont être renfermés. Même moi, ça dépend des jours. »

"Être handicapé oui, dramatique pas forcément."

« Et puis l'espoir aussi, c'est de dédramatiser la question du handicap. Parce que pour moi, c'est plus une question qu'un problème. Aujourd'hui, je suis fier de mon parcours. C'est magnifique tout ce que j'ai pu accomplir. Je vis finalement "comme tout le monde", même si je n'aime pas cette expression. Il y a 20 ans, je n'aurai pas imaginé parler comme ça, faire tout ce que j'ai fait. J'ai pu faire du basket, du pingpong, et même gagner des coupes. J'ai même fait du parapente. C'est la preuve qu'il ne faut pas lâcher. Si j'ai bien un conseil:  quand on a de la volonté, on peut soulever des montagnes »

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