Chaque automne, la foire aux champignons de Saint-Bonnet-le-Froid attire une foule impressionnante. Le village est littéralement pris d’assaut, mais ici, on est rompu à l’exercice : parkings, circulation, organisation… tout est pensé pour que la fête se déroule sans accroc.
Un rendez-vous immanquable
St-Bonnet-le-Froid a su conserver ce rendez-vous, comme une référence locale. Venus de toute la région, les visiteurs s'agitent dans les ruelles du village. Première visite ou rendez-vous inéluctable, ils sont tous conquis.En 2024, près de 40 000 visiteurs selon les organisateurs ont déambulé dans les allées de la foire, confirmant son succès populaire intact.
Des stands à perte de vue bordent l’allée principale, près de 200 exposants ont fait le déplacement : commerçants, producteurs, restaurateurs, livres, vêtements, fromages, châtaignes grillées, viennoiseries, ... il y en a pour tous les goûts et les étals font déjà saliver… Au loin, les voix des vendeurs animent les rues, et la foule se densifie à mesure qu’on s’approche du cœur du village, où les repas servis sous chapiteau affichent complet.
Les odeurs se mélangent, de la charcuterie au fromage, les saucisses cuisent lentement tout comme la paella ou les frites. Après avoir traversé la foule épaisse, châtaignes et champignons embaument toute la place du village. Après les odeurs vient la musique, au rythme des cuivres et de percussions la foule s'arrête un instant avant de voir apparaître au-dessus de sa tête des échassiers teints en doré, tels des créateurs mystiques. Non loin de là, le ronron d’une scie attire la curiosité. Devant la foule captivée, un sculpteur-danseur donne naissance, d’un geste précis, à des champignons de bois.
Le village au rythme de la foire
Derrière cette réussite, l'organisation bien rodée et les plus de 250 habitants du village se mobilisent pour préparer la fête, aider par les habitants des bourgs alentours.
Mme Blanchon, bénévole, y participe depuis plusieurs années, elle est à la distribution de soupes au stand de "Champicup". La file est longue pour atteindre le stand, mais chacun veut pouvoir gouter à un bol de soupe aux champignons, à défaut d'avoir pu réserver l'un des 1 200 repas préparés par les chefs de cuisine du village, dont Jacques Marcon, qui a pu compter sur les bénévoles pour la préparation d'un tel banquet. « Huit jours avant la foire, on épluche, on met la table, on fait tout ce qu’il faut », raconte Mme Blanchon.
Entre tradition et transmission
Dans la foule se distingue un groupe élégamment vêtu, qui brandit un blason à l'effigie de la confrérie des champignons Sylvestres de Saugues. En tenue traditionnelle, ils rappellent l’importance de préserver les forêts et la diversité naturelle.
« Il n’y a pas de champignons sans arbres, et pas d’arbres sans champignons », explique Pierre Rasse, membre de la confrérie. Les changements climatiques, le réchauffement et la modification des couverts forestiers influencent directement la récolte, mais l’esprit de la cueillette reste une tradition profondément ancrée.
La confrérie des champignons Sylvestres en Gévaudan venue de Saugues
Photo par Fanny Gimenez
Sur la place du village, impossible de manquer la fumée et l’odeur sucrée qui s’échappent du grand grilloir : ce sont les Compagnons de la Castagne, venus tout droit de Desaignes en l’Ardèche, à quelques kilomètres. « On est des voisins ! Cela fait vingt ans qu’on vient ici », sourit François Soubeyran. Le grilloir est installé la veille « il faut caler la machine, comme une batteuse, la mettre de niveau et la brancher. Quand on arrive le matin, tout est prêt : on allume le feu et c’est parti ! » ajoute-t-il.
Il faut trois quarts d’heure pour rôtir une fournée, et déjà près de 100 kilos de châtaignes ont été grillés ce samedi matin.
De vraies châtaignes d’Ardèche, dorées, savoureuses, qui se détachent facilement de l’écorce : un plaisir simple et un chauffage naturel que les passants apprécient.
Les compagnons de la Castagne
Photo par Fanny Gimenez
Producteurs : cultiver et cueillir
À la foire, les anciens ramasseurs et nouveaux cultivateurs se côtoient. Guy-René Gérard, fidèle depuis plus de quarante ans, perpétue la vente des champignons cru ou secs : cèpes, girolles, chanterelles grises, mousserons… autant de variétés qui font la richesse des forêts locales.
Pour lui le champignon est bon : " Un poêlée de cèpes avec un peu d'ail et du persil et c'est très bon. Il faut faire griller légèrement doré" explique Guy-René. Il prépare même les brisures en farine, que l'on peut aisément saupoudrer sur des pâtes.
M. Gérard et sa femme présent à la foire depuis 40 ans
Photo par Fanny Gimenez
Un peu plus loin, Christophe et Marion, jeunes producteurs installés en Haute-Loire après une reconversion, présentent cinq variétés cultivés à la ferme. "Notre ambition, c'est d'aller plus loin en cultivant des champignon rares", explique Christophe avant d'ajouter : "Les pleurotes grises sont un peu neutres en goût, les pleurotes jaunes sont assez goûtues. Ils sont très bons gustativement." Ces champignons interpellent ceux qui ne les connaissent pas, ainsi que les amateurs qui s'arrêtent pour apprécier ces champignons d'une grande qualité. Marion propose de les cuisiner " en risotto, les shiitakes ou les pleurotes sont très bons. On peut faire aussi des lasagnes, butternut ou potimarron avec des pleurotes ou des shiitake, ça accompagne aussi très bien les pâtes ou le riz. "
La Ferme de Bourbouilloux, cultivateur de champignons
Photo par Fanny Gimenez
Même si le vent souffle et que le froid commence à s’inviter, rien n’arrête la foule de Saint-Bonnet-le-Froid, « La foire, c’est ça », dit un passant en souriant, emmitouflé dans son écharpe. À Saint-Bonnet-le-Froid, la Foire aux champignons reste bien plus qu’un marché : c’est une fête du terroir, un moment de partage, une tradition qui rassemble toutes les générations. D’année en année, la magie opère encore, portée par les bénévoles, les producteurs et les gourmands.