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Home distillers : l’histoire d’une famille pur malt

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 11/02/2023 à 06:00

Si les brasseries de bières locales quadrillent tout le département, eux sont les uniques distillateurs de whisky en Haute-Loire. Béranger Mayoux et sa compagne Marion Liogier ont troqué une vie de haut responsable dans une entreprise de renom pour choisir celle-ci : extraire la quintessence du grain et en retirer l’esprit.

« À la base, whisky signifie eau de vie, explique Béranger Mayoux, le patron de la Distillerie des Bughes Home distillers. Les lointains ancêtres des écossais et des irlandais concoctaient leurs gnôles avec ce qu’ils avaient sous la main. Le vieillissement de cette mixture est apparu bien après pour des raisons dont on ne connaît pas vraiment la source. Peut-être un oubli dans un tonneau de bois, qui sait ».

Entre les murs de sa distillerie basée aux Estreys dans la commune de Polignac, Béranger Mayoux conte avec passion l’histoire du breuvage ambré. Une passion qui est devenue sa principale activité depuis presque 10 ans maintenant.

Responsable à la maroquinerie d’Hermès

« Je suis originaire du Puy-de-Dôme, décrit-il. Après mes études d’ingénieur en logistique et gestion de production, j’ai intégré la maroquinerie du Puy et par la suite celle de Chaspuzac qui est spécialisée dans la confection de sacs à main de luxe pour Hermès. C’était mon premier job et je suis devenu le premier responsable d’équipe de la structure. J’ai fait ça pendant 5 ans ».

Sa compagne Marion travaillait également à la maroquinerie. Au départ maroquinière, elle grimpe tous les échelons pour devenir responsable d’une équipe en 2013 jusqu’à sa démission six ans après.

Marion Liogier en plein habillage des demoiselles maltées.
Marion Liogier en plein habillage des demoiselles maltées. Photo par Nicolas Defay

Un alambic pour rigoler et un bébé pour tout booster

Si la place est confortable et le travail attrayant au sein de la maroquinerie, un projet occupe de plus en plus l’esprit de Béranger Mayoux. « Ça faisait un moment déjà que je voulais entreprendre, lancer ma propre entreprise comme l’avait fait mon père et voler de mes propres ailes », livre-t-il. La distillation du whisky s’impose alors comme une évidence. « Un jour, mon père a construit un alambic pour mon frère. C’était plus pour rigoler qu’autre chose. Mais mon frère s’est aussitôt intéressé à cette alchimie qui consiste à séparer l’alcool des décoctions. C’est mon frangin qui m’a tout appris ».

Le dernier élément qui a déclenché le moment de bascule est l’annonce d’une bonne nouvelle. « Marion est tombée enceinte, sourit Béranger Mayoux. Je me suis dis que c’était maintenant ou jamais pour partir de la maroquinerie. Qu’après, cela serait très compliqué de monter une entreprise tout en étant jeune papa ».

Le monde de l’alcool utilise des formules qui prêtent à la rêverie et aux mystères. Spiritueux, eau de vie, foudre de chêne et...la part des anges. Elle correspond à l'évaporation d'un spiritueux au cours du vieillissement dans un fût en bois. Ce dernier va voir son contenu disparaître petit à petit. Les vapeurs d'alcool dues à l'évaporation nourrissent un champignon microscopique : baudoinia compniacensis.

« La perte peut s’étaler de 3 à 5 %, précise Béranger Mayoux. Cette perte est le fruit d’une interaction entre le bois est l’alcool. C’est ça qui fait vieillir le whisky et lui apporte une certaine complexité ».

« Je ne voulais sûrement pas avoir de soucis avec les douanes »

En janvier 2017, l’entreprise est officiellement créée. « La distillerie existait déjà en 2014 mais sous la forme d’une microentreprise, précise Béranger Mayoux. J’avais déjà commencé à distiller à cette époque-là et je ne voulais sûrement pas avoir de soucis avec les douanes. J’ai donc déclaré ma timide production et mes alambics ».

Avant d’avoir la prestigieuse appellation de whisky, le jeune patron commence à produire des eaux de vies de maltes. « Pour qu’un distillateur puisse qualifier son breuvage de whisky, il faut que son produit ait vieilli en fût durant au moins trois ans. Avant, c’est ce qu’on appelle un spiritueux ou des eaux de vie ».

Vincent Legrand de la Cave Marcon au Puy accepte le premier de vendre les bouteilles de Béranger Mayoux. « Quand je lui ai dit que je voulais me lancer totalement dans l’aventure et devenir producteur et vendeur de whisky, il m’a énormément conseillé sur ce commerce. Car, si je savais distiller correctement, vendre son propre produit était une autre paire de manche ! »

Des fûts en attente d'être stockés dans un endroit secret...
Des fûts en attente d'être stockés dans un endroit secret... Photo par Nicolas Defay

« En novembre 2020, notre toute première bouteille avec les lettres Whisky étiquetées dessus voit enfin le jour »

Sa compagne Marion Liogier quitte à son tour la maroquinerie en 2019 pour le suivre dans le périple malté. « En novembre 2020, notre toute première bouteille avec les lettres Whisky étiquetées dessus voit enfin le jour !, partage Béranger Mayoux. Une date très importante pour nous ! C’était comme si nous étions devenus des grands, comme si nous avions atteint la majorité dans l’univers du whisky ».

Depuis cette date, Home distillers est ainsi référencée dans la carte des vendeurs de whisky. Et depuis cette date, le téléphone ne cesse alors de sonner.

Les alambics de la distillerie vont chercher le cœur de l'alcool.
Les alambics de la distillerie vont chercher le cœur de l'alcool. Photo par Nicolas Defay

« Une vraie histoire de famille ! »

Petite barque sur les flots impétueux des alcools, la Distillerie des Bughes devient alors un navire important mené par toute une famille. « C’est mon frère qui m’a donné l’impulsion, détaille Béranger Mayoux. Et puis Marion m’a rejoint. Quand à mon mon père, il nous aide énormément pour les installations des outils de production. C’est ma belle-sœur Pauline Liogier, aidée par sa sœur, qui s’occupe des fascicules et de la communication. Et les fûts sont stockés chez mes beaux parents ! Une vraie histoire de famille ! »

« Au départ, il faut faire une base de bière, explique Béranger Mayoux. Cette bière ne sera pas terminée, pas houblonnée, ni sujette à une fermentation. Une fois ce brassage effectué, place à la distillation. Cela peut être du vin pour l’armagnac et le cognac, des fruits fermentés pour les eaux de vie, ou un brassin de bière pour le whisky. Cette étape repose sur le principe que l’alcool pèse moins lourd que l’eau. Dans un alambic, on va séparer ces deux éléments ».

Et pour créer la fermentation et la montée en niveau du degré d’alcool ? « Il faut rajouter du sucre comme la canne à sucre pour le rhum, des fruits pour les eaux de vie, du grain pour la vodka ou le whisky ou encore du cidre qui va nous donner le calvados ».

« Il existait il y a encore 100 ans deux malteries au Puy-en-Velay »

Aujourd’hui, ils produisent pas moins de 7 000 bouteilles par an constituées de cinq eaux de vies et de trois whiskys différents. Pour cela, l’entrepôt des Estreys contient huit alambics dont un énorme de 2 000 litres. « Quand j’ai commencé, mes céréales provenaient à 80 % de la Belgique, confie Béranger Mayoux. C’est un pays qui en compte beaucoup. À ce propos, il existait il y a encore 100 ans deux malteries au Puy-en-Velay. Il n’y en a plus aujourd’hui. »

Il continue : « J’ai travaillé un moment avec une malterie du Puy-de-Dôme. Et depuis peu, nous avons migré vers une entreprise ardéchoise ». Le graal attendu par le patron est l’année 2029. « À cette date, on ouvrira notre premier whisky 10 ans d’âge ! Ça sera une chouette découverte en espérant plus que tout que l’entreprise soit toujours là ! »

L'alambic de 2 000 litres est celui dont le couple utilise principalement à présent.
L'alambic de 2 000 litres est celui dont le couple utilise principalement à présent. Photo par Nicolas Defay

« C’est une véritable addiction ! »

À ce pari de changer de vie pour troquer une profession diamétralement opposée pour une autre, des regrets se sont-ils décantés ? « Pas du tout !, lance sans hésiter Béranger Mayoux. Le fait d’être chef d’entreprise s’apparente à une sorte de drogue. Même s’il y a beaucoup de difficultés en tout genre, on a la sensation de créer quelque chose. C’est une véritable addiction ! »

Fier, il termine en ces mots : « Ensemble, nous faisons tout pour que ça fonctionne. Nous donnons toutes nos tripes et notre volonté. Et vraiment, je n’ai pas envie que ça s’arrête ! »

La distillerie des Bughes possède aussi son propre espace de dégustation
La distillerie des Bughes possède aussi son propre espace de dégustation Photo par Nicolas Defay

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