25 000 curieux se rendent chaque année dans ce morceau de Haute-Loire, aux portes d'Espaly-Saint-Marcel et de Polignac. Là-bas, ils déambulent dans un univers fascinant qui aurait pu inspirer le grand Tim Burton lui-même. Ici respirent des arbres aux longs bras crochus, terminés par des mains et d'innombrables doigts cassés. Certains sont manchots, d'autres ont plusieurs corps. La nuit, ces pins sylvestres prennent assurément vie dans l'imagination des noctambules, leur silhouette presque humaine nimbée dans le brouillard des Estreys.
"Cette pratique a perduré dans l’entre deux guerre et a complément disparu dans les années 50"
"Nos fameux pins tordus qui caractérisent les forêts de pins sylvestres aux alentours du Puy disparaissent au fil du temps, souffle Jacques Grimaud, Chargé de mission espaces naturels sensibles et sports de nature. Ces arbres taillés de façon répétées et selon une technique particulière pour fournir du bois aux boulangers sont des vestiges remarquables d’une époque révolue. Cette pratique a perduré dans l’entre deux guerre et a complément disparu dans les années 50. Les énergies fossiles prenant le pas sur le bois de chauffage, les boulangers ont cessé d’acheter la «garne», ces fagots de branches récoltés par nos aïeux pour fournir un petit complément de revenu".
Jacques Grimaud décrit encore ce patrimoine à l'agonie. "Bien entendu, ces arbres tordus ont continué à croître. Sans taille, la verticalité a repris le dessus. Ces témoins que l’on rencontre aujourd’hui, âgés de 80 à 100 ans meurent de leur belle mort. Ils sèchent sur pied et finissent par tomber au sol. Ce phénomène naturel est observable dans nos pinèdes, dans les vallées boisées et sur les gardes comme à la Pinatelle du Zouave".
Une odyssée aux pays des bonzaïs géants
Cette forêt Départementale est ouverte au public depuis 25 ans. Peu aménagé, ce site offre une balade en forêt d’environ 2 km. On peut en faire le tour à pied en une demi-heure et observer quelques « bonzaïs géants » remarquables. Le Département confie la gestion forestière à l’Office National des Forêts qui intervient pour assurer la conservation des Pins de Boulange existants et rajeunir la forêt dans les secteurs de pins droits « classiques ».
"Des coupes de régénération qui vont modifier le paysage dans quelques secteurs"
Dans l'objectif de préserver ce patrimoine naturel et culturel, une coupe de régénération est programmée en 2023. "Le but est de faire faire vivre et transmettre cette pratique ancienne en taillant des jeunes sujets d’environ 2 m de haut, précise Jacques Grimaud. Pour obtenir la naissance de jeunes pins, il faut faire entrer de la lumière...Beaucoup de lumière ! Il faut ainsi prévoir des coupes de régénération qui vont modifier le paysage dans quelques secteurs".
0,7 hectares vont rejoindre la terre de leur ancêtre. Le sol sera ensuite travaillé pour permettre aux arbres semenciers de se reproduire naturellement. "Une jeune pinède va voir le jour sur cet espace, espère Jacques Grimaud. Les jeunes pins abreuvés de lumière vont croitre rapidement pour arriver dans quelques années à l’âge d’être taillés et donc d’assurer le passage de relais".