« Ma propriété est ceinte d’une barrière d’un mètre cinquante de haut, enterrée en tranchée et bétonnée sur toute sa base, souligne Paul Esbelin, un résident au lieu-dit Vendos, sur les hauteurs de la commune de Loudes. Il est impossible qu’un chien massif puisse sauter au-dessus et encore moins ressortir du parc. En 40 ans, cela n’est d’ailleurs jamais arrivé. Et au vu des marques des morsures et des traces de pattes autour des corps, le doute n’est à mon sens pas permis ».
« J’ai aussitôt appelé la gendarmerie pour constater les faits »
Paul Esbelin décrit ainsi la découverte. « Je suis rentré du sud de la France le jeudi 19 janvier après-midi. Quand j’ai vu que mes moutons n’étaient pas là, j’ai cru au début qu’un arbre était tombé sur la clôture et que mes animaux s’étaient enfuis ».
Mais en parcourant son pré, il tombe sur la dépouille de sa brebis et de son petit, la peau tranchée et l’intérieur fouillé. « J’ai aussitôt appelé la gendarmerie pour constater les faits, souligne-t-il. Ils ont à leur tour invité des agents de l’OFB (Office Français de la Biodiversité, Ndlr) pour faire des prélèvements et avancer un premier avis sur les causes de la mort ».
« Il y a des empreintes de crocs très significatives à la gorge »
D’après leurs dires partagés à Paul Esbelin, il est très probable que ce soit effectivement l’attaque de loups. « Il y a des empreintes de crocs très significatives à la gorge, livre-t-il. La brebis contient des marques de morsures importantes. Son cœur, les poumons et les côtes ont été dévorés. Son petit d’un an comporte quant à lui des marques de crocs plus fines et minces au niveau de la gorge. Cette observation et les empreintes des pattes à proximité donnent à penser à l’OFB le passage d’une louve et de son petit ».
Des analyses effectuées à Clermont-Ferrand
À la question de savoir s’il pouvait peut-être s’agir d’une attaque de chiens errants, Paul Esbelin répète l’analyse de terrain de l’OFB. « Ils m’ont dit qu’il était fort improbable que ce soit de simples chiens, affirme Paul Esbelin. En constatant sur place les plaies béantes présentes sur les cadavres, ils sont quasi certains du modus operandi du loup ».
Pour ôter tous les doutes possibles, les agents de l’Office Français de la Biodiversité ont prélevé des morceaux de peau de la gorge pour les envoyer en analyse à Clermont-Ferrand. « Ils ont aussi mis en place un piège photographique pendant trois jours mais aucune bête n’est revenue », ajoute Paul Esbelin.
Nous avons contacté l’Office Français de la Biodiversité qui est restée peu encline à la discussion. « Nos agents ont envoyé les pièces à convictions à l'OFB régionale. Les analyses seront ensuite confiées à la DDT dans les 15 jours. Le Préfet sera alors le seul habilité à partager son rapport ».
« Que le loup s’invite à la table des maisons, ça passe un cap »
Sur les trois moutons du Cameroun de Paul Esbelin, seul le bélier est ressorti indemne de l’attaque. « Il a dû se défendre car il est plutôt costaud, pense son propriétaire. Mais ça me désole fortement car, même si ce ne sont pas des animaux d’élevage et simplement de compagnie, mes petits-enfants adoraient jouer avec eux. »
La peur ? « Non, assure Paul Esbelin. Mais je suis chasseur et j’ai tout l’attirail qu’il faut pour l’arrêter si nécessaire. Je suis évidemment pour la biodiversité. Mais de là à ce que le loup s’invite à la table des maisons, ça passe un cap. J’ai des enfants et des petits enfants. Qui me dit qu’ils sont à présent en sécurité quand ils vont se balader dans la forêt attenante ? »
Selon le dernier recensement effectué par plusieurs associations, 920 loups répartis en 128 meutes et loups solitaires sont présents dans le territoire français. La France reste le plus mauvais élève de l’Union Européenne quant à la protection du "canis lupus". Plus de 1 000 loups recensés en Allemagne, 1 500-2 000 en Espagne, 3 300 en Italie mais aussi en Belgique, aux Pays-Bas, Luxembourg...