Longtemps que la cité pavée n’avait contenu une manifestation aussi suivie. D’après Pierre Marsein, Secrétaire général de la CGT, « l’affluence d’aujourd’hui est sensiblement la même qu’en 2003 où le peuple marchait dans ces mêmes rues pour le même combat ». Et il est vrai que, outre les premiers rassemblements des Gilets jaunes à l’hiver 2018 qui regroupaient plusieurs milliers des personnes chaque week-end au Puy, cette marche du jeudi 19 janvier 2023 restera une date phare.
Un long serpent de colère
S’il est impossible d’annoncer un chiffre précis du nombre de manifestants présents, il est rare de voir un cortège au Puy s’étirer ainsi. Aux alentours de 10h45, la tête s’est élancée de la place Cadelade pour remonter le Breuil et le Boulevard Saint-Louis. Le serpent d’hommes, de femmes, d’ados et d’enfants, surmontés d’innombrables panneaux et de slogans scandés par la foule, a fait vibrer la rue Pannessac et la place du Clauzel, pour emprunter ensuite la rue Courrerie, Chaussade et Chèvrerie et revenir à la place Cadelade. Un espace vide de seulement 300 mètres environ séparaient la première banderole de l’intersyndicale de la toute dernière tenue par les intermittents du spectacle.
« Dans le style méprisant pour ses concitoyens, c’est du haut niveau ! »
« C’est à la fois réjouissant et accablant de voir autant de monde aujourd’hui, confie Alain, agent dans une collectivité. Réjouissant car cela démontre que la solidarité et l’union existent encore pour défendre un bien vital qui concerne tout le monde. Accablant, car si la colère est bien réelle, elle semble inexistante pour ce gouvernement. »
Il ajoute : « Pendant que le pays se dresse contre cette réforme qui touche l’humain au sens propre du terme, Macron s’expatrie en Espagne tranquillement (pour le 27ème Sommet franco-espagnol, NDLR) avant d’aller visiter le Musée Picasso l’après-midi. Dans le style méprisant pour ses concitoyens, c’est du haut niveau ! »
Privés, publics, électrons libres...
Des entreprises privées telles que Michelin, Valéo, Barbier, l’hôpital Sainte-Marie ou encore Vial Frères de Dunières et Multisac de Chaspuzac martèlent l’asphalte aux côtés des structures publiques à l’instar de la Préfecture, des écoles, collèges et lycées, des agents des collectivités diverses et variées du bassin ponot et au-delà.
« C’est un ras le bol général que nous assistons là, souligne Pierre Marsein. Le gouvernement ne veut pas nous faire travailler deux ans de plus, il veut nous faire mourir plus tôt au travail. Nous savons qu’une seule journée ne suffira pas à le faire plier malgré le succès de la mobilisation. Nous allons discuter des suites à donner au mouvement pour que l’exécutif ouvre enfin les yeux ! »
« C’est quand même hallucinant que le braqueur explique aux braqués que la banque est en faillite ! »
À la mention de la délicate équation « moins d’actifs pour de plus en plus de retraités », le Secrétaire général de la CGT soulève : « C’est un faux argument ! Il est vrai qu’il y a moins d’actifs qu’il y a 40 ans mais un actif d’aujourd’hui produit trois plus de richesses qu’à l’époque. »
Il insiste en ce sens : « L’argent existe. Le CICE (Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi) a été transformé en exonération de cotisation ! Soit 157 milliards d’euros chaque année ! C’est quand même hallucinant que le braqueur explique aux braqués que la banque est en faillite ! »
« Si on ne se bat pas aujourd’hui avec mes camarades, c’est demain que nous allons le regretter et le payer »
« Nous sommes ici car c’est notre avenir qui est en jeu, hurle un jeune du lycée de la Roche-Arnaud, sa voix couverte sous la musique des camionnettes. Quand je vois que l’âge légal pour partir à la retraite augmente régulièrement, à quel âge je partirai moi-même ? 67 ans ? 70 ans ? 72 ans ? »
Il avance encore : « Tout est possible avec les dirigeants qu’on se paie depuis un moment. Si on ne se bat pas aujourd’hui avec mes camarades, c’est demain que nous allons le regretter et le payer. Il est indispensable et même naturel que tous les lycéens du Puy, de la Haute-Loire et du pays tout entier rejoignent en masse la prochaine manifestation ! »
Un bras de fer de 50 jours
D’après les syndicats présents, il y aura bien d’autres mouvements organisés sous des formes différentes dans les jours à venir. Grèves, débrayages, banderoles devant les établissements, réunions, manifestations...Un éprouvant bras de fer qui va durer 50 jours s’est installé entre une partie du peuple de France et le gouvernement en place. Les débats au Parlement sur le projet de réforme des retraites devraient alors s'achever le 26 mars, date limite pour une adoption définitive du texte.
Entre 4 500 selon la Préfecture et 10 000 manifestants selon les syndicats. À vous de juger ▼