Le gouvernement, avec la voix de sa Première Ministre Elizabeth Borne, a partagé les axes de la prochaine réforme des retraites. En résumé, l’âge légal de départ passerait de 62 à 64 ans (et non 65 ans comme voulu en première réflexion) pour tous ceux nés après 1968.
La durée de cotisation pour obtenir une pension à taux plein sera allongée à 43 ans avant l'horizon 2027 et non 2035. « Le dispositif de carrières longues sera adapté pour qu'aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne soit obligée de travailler plus de 44 ans », ajoute la Première Ministre.
La pension minimum de 100 euros sera versée à tous les retraités. La réforme des retraites sera aussi l’occasion de mettre à terre les régimes spéciaux. « Les nouveaux embauchés à la RATP, dans la branche industries électriques et gazières et à la Banque de France seront affiliés au régime général pour la retraite », martèle Elizabeth Borne.
Quant Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie et des Finances, il assure que cette réforme va générer pas moins de 17,7 milliards d’euros en 2030 aux caisses de retraites.
Vous avez dit manif ?
Une manifestation est organisée par une intersyndicale composée de la CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires ou encore FSU jeudi 19 janvier à 10h30 au départ de la place Cadelade au Puy-en-Velay.
« Les actifs viennent de prendre deux ans ferme ! »
Pour Pierre Marsein, Secrétaire général de la CGT Haute-Loire, cette réforme des retraites est une façon d’appliquer une « idéologique politique pour faire travailler les actifs plus longtemps ». « Les actifs viennent de prendre deux ans ferme !, déplore-t-il. D’autre part, il n’y a aucune nécessité et aucune urgence à faire cette réforme car les caisses ne sont pas déficitaires ».
Il continue : « L’âge de 64 ans pour partir en retraite n’est pas acceptable. Et pour démontrer l’unanimité de cet avis, cela fait 12 ans qu’on a pas vu une intersyndicale aussi dense et aussi compacte pour contrer cette réforme tant injuste qu’absurde ».
Vivre plutôt que survivre
En Haute-Loire, la moyenne des retraites est de l’ordre de 950 euros net par mois. Nous avons rencontré deux femmes retraitées qui nous décrivent ce qu’elle vivent au quotidien avec une pension sensiblement similaire et leurs astuces pour, malgré tout, vivre plutôt que survivre.
Juliette* a 64 ans et habite dans un immeuble à Vals-près-le-Puy. Elle a travaillé une partie de sa vie d’actif à l’usine, puis à l’ADMR, pour terminer en tant qu’aide soignante dans un Ehpad. Elle touche un total de retraite de 1 100 euros. À cela, elle doit ôter 500 euros de loyer, 70 euros d’assurance, 70 euros de complémentaires santé, 30 euros d’électricité, 12 euros de téléphone et 5 euros de frais bancaires. Il lui reste ainsi 400 euros pour manger, se déplacer, s’habiller, payer son essence et d’éventuels frais imprévus.
« Des lots de dix sacs de pâtes que nous achetons à quatre et que nous partageons ensuite »
« Pour économiser, je ne prends presque plus ma voiture à présent, partage Juliette. Depuis peu, j’ai également arrêté d’aller au yoga car cela me coûtait 200 euros par an. » Elle continue avec cette combine efficace. « Pour les courses, avec trois copines, nous achetons des packs en gros que certaines enseignes comme Intermarché proposent. Par exemple, des lots de dix sacs de pâtes que nous achetons à quatre et que nous partageons ensuite ».
Juliette confie utiliser l’application Too good to go. « Elle permet de connaître les offres de commerces qui vendent des sacs de denrées proches de la date de péremption mais toujours consommables et surtout à des prix très bas. La Mie Caline et Géant le font régulièrement ». Ce sont des paniers que les gens paient près de 5 fois moins chers. Par contre, les consommateurs ne savent pas à l’avance ce qu’il contient.
« Je suis sur le fil du rasoir constamment »
Sa fille à ses côtés souffle : « Pour son anniversaire, notre maman nous demande maintenant un plein de courses ». Juliette ajoute alors : « Ma vraie angoisse est de savoir que je ne peux mettre aucun argent de côté. Je suis sur le fil du rasoir constamment. Et je ne peux même pas faire plaisir à mes petits enfants comme je le voudrais. »
Elle conclue en ces mots : « Je reste positive et je suis bien consciente que beaucoup sont bien moins lotis que moi. Mais il est difficilement envisageable de voir une avenir serein avec l’inflation qui ne cesse de grimper et un pouvoir d’achat de plus en plus dérisoire ».
« Je sais qu’il ne faut pas que je dépasse 7 euros de dépense par jour »
Du haut de 84 ans, Jeanne Role touche une pension de retraite également d’environ 1 100 euros. « J’ai une APL mais mon loyer a augmenté, murmure cette ancienne auxiliaire puéricultrice et assistante médicale. Du coup, elle ne sert pas à grand-chose ». Brivoise, elle a commencé a travaillé à l’âge de 19 ans, naviguant entre les postes de travail et le RMI de l’époque. « Je sais qu’il ne faut pas que je dépasse 7 euros de dépense par jour. Au delà, je suis dans le rouge. »
Comme Juliette, elle se caractérise comme privilégier par rapport à certains retraités. « Mais c’est tout de même dur de se dire qu’on a travaillé tout sa vie pour être aussi à l’affût du moindre euro une fois à la retraite ».
« Je comprends que beaucoup puissent sombrer à cause d’une retraite indigne »
Et côté loisir...« Je ne fais plus rien, soupire Juliette. Pas de resto, pas de ciné, rien. Je bricole chez moi car j’aime bien ça. J’ai la chance d’être en bonne santé et mobile. Mais il faut faire attention à tout et à tout moment, prendre une couverture de plus, allumer une seule lumière, marcher plutôt que prendre la voiture ou le bus par exemple. Il faut rester positif. Mais je comprends que beaucoup puissent sombrer à cause d’une retraite indigne, irrespectueuse de la vie d’actif vécue auparavant ».
Juliette * : Nom d’emprunt par souhait d’anonymat