Si les années 1976 et 2003 ont été marquées d’une croix noire concernant la sécheresse et les récoltes, 2022 les surpasse. « En 1976, les saisons ont été effectivement très sèches mais il n’avait pas fait aussi chaud qu’aujourd’hui, explique le spécialiste altiligérien Mathias Deroulede. Et en 2003, la sécheresse a été très intense mais a démarré plus tard. »
Il résume alors : « 2022 est un ensemble des deux. Il y a eu un hiver peu humide, un printemps sec et des mois de mai et de juin sans pluie et excessivement chauds. Tous les paramètres ont été réunis pour anéantir la pousse de l’herbe et des céréales ». D’après ses observations, la Haute-Loire est loin d’être une exception, ce premier bilan est généralisé à l’ensemble de l’Hexagone.
Jusqu’à 30 % de rendement en moins pour l’ensilage...
« Il y a deux types de récoltes concernant les foins, explique Mathias Deroulede. La récolte sous voie humide qui se fait en mai. Il s’agit de l’herbes que les agriculteurs conditionnent en ensilage, sous des bâches plastiques ». L’objectif est alors de garder la valeur nutritive et protéinée de cette herbe pour alimenter le troupeau . « La seconde est la récolte des foins en voie sèche, c’est à dire l’herbes séchées par le soleil et stockées sous formes de bottes et boules de foin ».
Mathias Deroulede fait alors le constat suivant : « Pour l’ensilage, la récolte précoce de l’herbes a été moins touchée. Néanmoins, on estime une perte de rendement comprise entre 10 et 30 % selon les secteurs par rapport à une année normale en Haute-Loire. Ce qui est déjà beaucoup ! » Selon lui, les zones les plus basses en altitude sont les plus impactées. « Le Brivadois et la Vallée de la Loire ont sacrément souffert », donne-t-il à titre d’exemple.
...et plus de 50 % pour les foins secs
Pour la récolte des foins secs qui a commencé dans le département depuis quelques jours et qui durera une à deux semaines encore, le mot « catastrophe » est employé. « Depuis le coup de chaud au mois de mai, l’herbe n’a pas repoussé, livre Mathias Deroulede. Et il n’y a quasiment pas eu une seule goutte d’eau depuis. Les pertes de production sont entre 30 et plus de 50 % ! Une véritable catastrophe ».
« Personne ne pourra donner ou même vendre une partie de sa récolte, c’est certain »
D’autant plus que, si dans les années précédentes des actions de solidarités s’étaient formées entre les agriculteurs des départements épargnés et les autres, le partage des foins ne sera pas possible en 2022 en raison de cette sécheresse nationale. « Personne ne pourra donner ou même vendre une partie de sa récolte, c’est certain. Et beaucoup d’agriculteurs en Haute-Loire et ailleurs vont être confrontés à une importante pénurie de foin ».
« Il est probable que des éleveurs se séparent d’une partie de leur cheptel »
Les solutions, il en existe selon le technicien de la Chambre d’Agriculture Haute-Loire. « Déjà, si la qualité n’était pas au rendez-vous l’année dernière, la quantité y était. Et certains agriculteurs ont pu constituer des stocks d’herbes conséquents qu’ils utiliseront pour compenser le manque de cette année ».
Il continue : « Acheter du fourrage sera peut-être possible à condition d’en trouver quelque part. Mais le prix a des chances d’être indécent ! Enfin, il est probable que des éleveurs se séparent d’une partie de leur cheptel pour économiser la nourriture ».
« Un très gros problème de prix pour en acheter »
À propos des céréales, Mathias Deroulede s’inquiète également. Il évoque par exemple la paille, indispensable litière pour les animaux. « Les céréaliers vont pâtir de la sécheresse et leurs rendements seront très mauvais, annonce-t-il. Comme pour le foin, il est à prévoir un important manque de production de paille et un très gros problème de prix pour en acheter ».
D’après lui, toutes les céréales sont touchées. « En altitude, les orges d’hiver s’en sortent un petit peu mieux en Haute-Loire mais sans plus. Pour le triticale et le seigle, les pertes sont très prononcées. Quant au blé, c’est une hécatombe ».