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Les écoutes à la Mairie du Puy : quelles valeurs judiciaires ont-elles ?

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 28/04/2022 à 06:00

Entre septembre et décembre 2021, des écoutes ont été réalisées au sein de la mairie ponote à l’insu d’une partie de l’équipe municipale. Ces enregistrements dévoileraient de sérieux problèmes d’équité sur l’approbation du marché public des Halles ponotes entre deux candidats. Néanmoins, d’après l’avocat Clément Robillard, "les contenus ne pourront probablement pas servir de base aux poursuites ou à des condamnations".

Le 14 avril, Michel Chapuis, Maire du Puy-en-Velay, a convié la presse pour s’exprimer sur l’affaire qui ébranle actuellement le bâtiment public et plusieurs de ses éléments. Durant toute la conférence, il s’est concentré uniquement sur les méthodes employées pour produire les écoutes mises en cause. Une partie de ces enregistrements a été dévoilée sur le journal d’investigation Médiacités le mercredi 13 avril 2022, démontrant d’éventuels graves dysfonctionnements sur l’appel d’offre du marché public des Halles ponotes.

Zoomdici a demandé à l’avocat Clément Robillard de nous expliquer la valeur de ces écoutes au regard de la Justice et que risqueraient les acteurs dans ce dossier.

Michel Chapuis parle de piratage et non d’écoutes légales ordonnées par un juge d’instruction. Est-ce que cela suffit à balayer totalement les informations contenues dans les enregistrements faites à son insu ?

"Pour être produite comme preuve dans une procédure pénale, un enregistrement doit avoir été recueilli avec le consentement de l’auteur des propos ou s’assurer qu’il savait qu’il était enregistré. Dans le cas contraire, l’enregistrement peut être considéré comme un procédé déloyal rendant la preuve irrecevable en justice (article 226-1 du Code pénal). Si ces enregistrements n’ont pas été réalisés dans le cadre de l’enquête les contenus ne pourront probablement pas servir de base aux poursuites ou à des condamnations".

Est-ce que la source qui a effectué les écoutes n’est-elle pas considérée comme « lanceur d’alerte » et donc son initiative valable par la justice ?

"Le statut de lanceur d’alerte a été introduit pas la Loi du 9 décembre 2016 dite Loi « Sapin 2 ». Elle prévoit la protection et la confidentialité du lanceur d’alerte. Dans notre cas, la personne à l’origine des enregistrements pourrait se prévaloir de ce statut pour échapper à d’éventuelles poursuites et/ou sanctions. Toutefois, le mode de recueil de des enregistrements reste déterminant et les prévenus pourraient se prévaloir de leur irrecevabilité sur le fondement de l’article 226-1 du Code pénal".

Que risquent Michel Chapuis et les trois autres personnes mises en cause dans cette affaire ?

"D’après les informations publiées dans la presse ces dernières semaines, une enquête préliminaire pour favoritisme, corruption et trafic d’ influence a été ouverte. Pour le délit de corruption ou trafic d’influence (article 433-2 du Code pénal), cinq ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Concernant le délit de favoritisme (articles 432-14 du Code pénal), deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique (…) de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public".

Que risque la personne à la source des écoutes ?

"Il est très probable que les conseils des prévenus demandent l’irrecevabilité des enregistrements comme déjà vu. La personne à l’origine des enregistrements pourrait être entendue dans le cadre de l’enquête".

Est-ce que le fait d’avoir mis les écoutes à la connaissance du public n’est-t-il pas un non-respect à la présomption d’innocence des personnes nommées dans l’article ?

"En effet, si les enregistrements sont écartés car irrecevables ils ne pourront pas servir de base à des condamnations. Toutefois, la diffusion des enregistrements dans la presse porte une atteinte grave au principe de présomption d’innocence. Les lecteurs ne connaissent pas le fond du dossier et pourraient ne retenir que ce qui est relayé dans la presse faisant naître une forme de présomption de culpabilité".

Que risque d’ailleurs Médiacités, le journal à la source des révélations ?

"Une plainte pour diffamation pourrait être déposée".

À votre connaissance, y-a-t-il eu d’autres affaires de ce type avec des écoutes produites sensiblement de la même façon en France ?

"Oui, il y en a de très célèbres comme celle de l'affaire Bettencourt qui avait été enregistrée à son insu par son majordome. La publication des enregistrement avaient été jugée illégale".

Enfin, quel est le pouvoir et le rôle du Parquet National Financier ?

"Le PNF est en charge des affaires complexes et sensibles. Il reçoit et traite les plaintes et dénonciations, dirigent les services de police ou de gendarmerie pour engager les enquêtes préliminaires, et diligentent les actes nécessaires, comme les perquisitions, auditions, examens techniques ou scientifiques, etc. À l’issue de l’enquête, ils peuvent classer la procédure, ouvrir une information judiciaire ou renvoyer à l’audience".

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