Un premier article, paru le 29 mars dernier signé Médiacités, avait déjà durement secoué la municipalité du Puy-en-Velay. Suite aux deux plaintes déposées en février par le chef Alexis Haon pour délit de favoritisme dans l’attribution de l’appel d’offres de marché public de la Halle couverte, le Parquet National Financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme, corruption et trafic d'influence. Outre une perquisition dans le bâtiment public le mardi 29 mars, quatre personnes de la Ville étaient également sous le coup de cette décision d’enquête.
Ce 13 avril, Médiacités met au grand jour les écoutes qui auraient été effectuées dans les bureaux de la mairie ainsi que les échanges entre les différents acteurs incriminés dans cette affaire accablante. « Mediacités a eu accès à des enregistrements d’échanges entre les protagonistes de l’affaire, dont nous dévoilons ci-dessous le contenu, est-il mentionné au début du long article. Réalisés entre septembre et décembre 2021, ils ont été versés au dossier judiciaire. Ils prouvent que la procédure dans le collimateur de la justice a été biaisée de bout en bout ».
Zoomdici a essayé de joindre les services de la mairie en lien avec l'affaire mais aucune des personnes en question n'était soit disponible soit encline à nous répondre
« Nous n’avons aucun doute sur la probité des personnes qui ont dû être entendues »
Pour comprendre la genèse de l’affaire, nous vous proposons de la découvrir à travers notre ARTICLE. Afin de donner la voix aux personnes mises en cause, les journalistes de Médiacités ont, selon leur affirmation, sollicité le maire du Puy, Michel Chapuis, son Directeur Général des Services, Stéphane Granet, et l'adjoint Chargé du commerce, Jérôme Eynard. « Nous n’avons aucun doute sur la probité des personnes qui ont dû être entendues dans le cadre de gardes à vue ordonnées par le PNF », leur a partagé Michel Chapuis.
« Cette question de seuil (d’une concession à 10 ans, Ndlr), on compte sur vous, il ne faut pas qu’elle fuite. On va croiser les doigts et on va bien tourner le truc pour que personne ne s’en rende compte ». La responsable du pôle Économie de proximité à Guillaume Fourcade
« Le gars-là, que j’ai sur la DSP qui doit pas être retenu parce que Wauquiez en veut pas… »
D’après l’enquête de Médiacités, les écoutes démontrent que les candidats Guilaume Fourcade/Frédécric Bayer ont bénéficié des services d’avocat de haut niveau assuré par la Ville, contrairement à leur concurrent Alexis Haon. À plusieurs reprises, la responsable du pôle Économie de proximité alerte l’adjoint au maire Jérôme Eynard, chargé du commerce, sur le risque de contentieux. En vain. Le 23 septembre, lors d’une conversation téléphonique, elle mentionne le candidat Alexis Haon en ces termes : « Le gars-là, que j’ai sur la DSP (Déclaration de Service Public) qui doit pas être retenu parce que Wauquiez en veut pas… ».
« Alexis Haon, c’est un fouteur de merde sans nom, il est juste impensable de lui attribuer »
Au fil des jours, la pression monte dans les services de la mairie ponote, notamment entre les subalternes et les supérieurs dont les ordres mettent à mal la déontologie des premiers. « Ça me fatigue ce dossier, au bout d’un moment, c’est Wauquiez derrière, relate Médiacités en retranscrivant les propos de l'employée de la Ville et de l'Agglo. Je vais dire à la directrice de cabinet du maire si elle peut remettre un coup de pression à Stéphane Granet ».
« Sur mes mails, j’ai viré tout ce qui pouvait mettre le mal. Je laissais une clef USB sur mon bureau puis Fourcade passait sans rien dire ». La responsable du pôle Économie de proximité discutant avec Jérome Eynard, élu Chargé du commerce
Les écoutes récoltées par Médiacités révèlent alors l’incroyable conversation entre les différents rouages de cette machine boiteuse. « Alexis Haon, c’est un fouteur de merde sans nom, il est juste impensable de lui attribuer, dixit le supérieur. Ce serait un comble, c’est juste impensable de pouvoir lui attribuer le marché public ». L’employé de répondre : « Non, il ne faut pas le lui attribuer, mais dignement. On a des arguments pour ça. On paye des gens pour ça. »
« On est d’accord, c’est très malhonnête »
Le 29 novembre, la responsable du pôle Économie de proximité, le chef du service Développement économique, la responsable des marchés publics et un juriste se retrouvent. Ils se rendent compte que la ponction financière souhaitée par Guillaume Fourcade auprès des autres commerçants de la future Halle est bien plus haute que celle prévue d’Alexis Haon. Un détail qui pourrait mettre en péril le projet Fourcade/Bayer. Le juriste suggère alors une astuce afin d’analyser uniquement le prix au mètre carré par an et la part fixe pour noyer la part variable dans une analyse globale. « On est d’accord, c’est très malhonnête », est-il lancé durant cette réunion.
« Moi, je m’en fous du contentieux (…) ce que je veux, c’est gagner du premier tour »
Selon les journalistes de Médiacités, Michel Chapuis et sa directrice de cabinet sont conviés ce même jour du 29 novembre. Les personnes présentes à la réunion leur font alors part des risques de contentieux sur l’affaire. « Ah non mais moi, je m’en fous du contentieux, moi je m’en branle, moi ce que je veux, c’est gagner du premier tour. » Le 21 décembre est finalement annoncée l’attribution du marché public à 8 millions d’euros à Guillaume Fourcade et son partenaire Frédéric Bayer... et le début d’une longue série de rebondissements judiciaire et médiatique.
Les écoutes en question font désormais partie du dossier judiciaire.