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4G et mort animale : la justice valide la demande d'expertise des éleveurs de Mazeyrat

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 18/02/2022 à 13:00

"Si l’antenne fonctionne correctement, qu’avez-vous à craindre d’une expertise ?" Cette question a été posée par Romain Gourdou, l’avocat du Gaec du Coupet, à son confrère d’Orange. À l'écoute de ses arguments, le président du tribunal a tranché : un expert mandaté sera bien missionné sur les lieux pour savoir si l'antenne 4G est la source ou non de la surmortalité du cheptel. 

Mise à jour ! En raison des très nombreuses personnes présentes à l’audience du jeudi 17 février, le président du tribunal a décidé de donner sa décision le lendemain afin d’éviter d’éventuelles réactions dans le public. Il valide la mise en place de l'expertise. Selon le document de justice : "La mission sera confiée au Professeur Jean-Dominique Puyt, Professeur agrégé des écoles nationales vétérinaires, inscrit sur la liste de la Cour de cassation. Il pourra s’adjoindre tous les sapiteurs utiles à l’expertise et effectuer toutes les analyses techniques utiles à celle-ci".

L’expert aura pour mission de :

  • Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise
  • Se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission
  • Se rendre sur les lieux situé à MAZEYRAT D’ALLIER (Haute-Loire)
  • Décrire l’exploitation agricole GAEC DE COUPET, son évolution, l’évolution de la production de lait jusqu’à aujourd’hui, décrire les variations
  • Dire si le cheptel bovins présente un comportement inhabituel et si oui le décrire précisément
  • Dire si l’état sanitaire de ce cheptel peut être considéré comme dégradé et si oui depuis quelle date
  • Rechercher les causes de la baisse de production de lait constatée à compter du mois de juillet 2021 et de la surmortalité du bétail observée depuis le second semestre 2021
  • Déterminer, notamment, si cette baisse de production, cette surmortalité et le cas échéant, s’il est établi, le comportement inhabituel du cheptel, sont en lien direct et certain avec :
    • l’installation et la mise en service de l’antenne relais exploitée par ORANGE qui est située à proximité du GAEC DE COUPET
    • l’alimentation du bétail
    • des soins prodigués au bétail
    • l’installation électrique du GAEC DE COUPET ou tout autre élément mobilier ou immobilier de l’exploitation.
  • Préciser et évaluer l’ensemble des préjudices subis par le GAEC COUPET
  • Donner tous éléments de fait permettant à la juridiction qui sera ultérieurement saisie de statuer sur les responsabilités encourues.
Antenne 4G et mort des animaux.
La famille Salgues soutenue en grand nombre durant cette troisième audience. Photo par Nicolas Defay

Article du jeudi 17 février :

La totalité des places assises du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay sont occupées ce jeudi 17 février 2022. Derrière, debout, se tiennent une soixantaine de personnes, les regards rivés dans la même direction. La FDSEA, les Jeunes Agriculteurs, des voisins, des amis, des habitants de Mazeyrat d'Allier, mais aussi le maire de la commune, le président de l’AMF (Association des Maires de France), et bien d’autres.

Tous sont là pour soutenir Frédéric, Géraldine, Nathan et Yannick Salgues dans leur combat contre l’opérateur Orange. Et tous regardent et écoutent sans un bruit les arguments des trois avocats devant le président du tribunal.

Beaucoup de monde pour suivre l'affaire Orange contre le Gaec du Coupet
À la sortie de la salle du tribunal, il faut jouer des coudes pour sortir. Photo par Nicolas Defay

« Une mortalité multipliée par quatre depuis que l’antenne exploitée par Orange est en fonctionnement »

Si cette troisième audience n’a pas encore vocation à désigner le responsable de l’hécatombe à l’œuvre dans le Gaec du Coupet, elle reste d’une importance capitale. À son issue, le président donnera ou non son accord pour que soit effectuée une expertise neutre et officielle sur les lieux en question.

Pourquoi ? Pour enfin savoir si l’antenne 4G mise en service il y a 7 mois à 250 mètres de l’exploitation de Mazeyrat est bien la cause de la surmortalité du troupeau. Depuis le mois de juin 2021, 34 animaux sont décédés. « Ce qui représente une mortalité multipliée par quatre depuis que l’antenne exploitée par Orange est en fonctionnement », précise Romain Gourdou, l’avocat du Gaec du Coupet.

« Un expert judiciaire ne peut donc avoir cette compétence »

Pour ce troisième épisode judiciaire (les deux précédents avaient été renvoyés), c’est Michel Gentilhomme, représentant de la société Orange, qui a partagé le premier ses arguments. Son objectif principal était d’affirmer l’incompétence du tribunal judiciaire à juger cette affaire pour que l’expertise demandée par Romain Gourdou soit nulle.

« Sur les affaires similaires en France, c’est à chaque fois le tribunal administratif et pas judiciaire qui s’est révélé compétent pour ça, explique-t-il. Un expert judiciaire ne peut donc avoir cette compétence. D’autre part, je rappelle que cette antenne est un service de biens publics. Elle permet aux pompiers, aux secours et aux forces de sécurité de communiquer rapidement dans des zones autrefois sans réseaux ».

« Actuellement, absolument rien n’établit de lien de causalité entre les émissions de l’antenne incriminée et ce qu’il se passe dans le Gaec du Coupet. Rien ! » Michel Gentilhomme

« Je n’ai jamais vu une telle opposition pour obtenir la présence d’un expert judiciaire »

« Si l’antenne fonctionne correctement, qu’avez-vous à craindre d’une expertise ? », demande Romain Gourdou à son confrère. « Sincèrement, je n’ai jamais vu une telle opposition pour obtenir la présence d’un expert judiciaire qui aurait la tâche d’apporter des éléments supplémentaires et primordiaux dans cette affaire ! »

Déroulant pléthore d’arguments qui mettent en corrélation la mort des animaux avec la mise en service de l’antenne, il rappellera cette observation d’octobre 2021. « Durant quelques jours en octobre dernier, l’antenne a cessé d’émettre. Que s’est-il passé alors ? Le troupeau a semblé revivre à nouveau, se nourrissant normalement, s’abreuvant normalement et se comportant normalement. Ce constat est confirmé par le vétérinaire Jean-Marc Thibault lui-même ».

« Nos sommes dans l’urgence ! Outre la surmortalité 4 fois plus importante que normalement, la production et la qualité du lait sont également impactées. Avant juin 2021, 4 800 litres de lait étaient produits en trois jours. Aujourd’hui, ce sont seulement 2 500 litres ». Romain Gourdou

L'antenne 4G est installée à 250 mètres du Gaec du Coupet.
L'antenne 4G est installée à 250 mètres du Gaec du Coupet. Photo par Nicolas Defay
"A ce stade, il est prématuré de la mettre hors de cause la société Santerne car, contrairement à ce qu’elle soutient, si le rapport d’expertise mettait en évidence un éventuel désordre lié à la construction susceptible d’être en lien avec les maux du cheptel, s’ils sont avérés, sa responsabilité pourrait être engagée. La demande de mise hors de cause sera dès lors rejetée". Le juge des référés

« Tous les rapports prouvent que les éléments de l’antenne ont été correctement assemblés »

Le troisième avocat, Jérôme Berthet, représentant Santerne communication, a demandé quant à lui que soit écartée la responsabilité de sa société. « Cette affaire concerne les responsabilités de ceux qui émettent les ondes, livre-t-il. Nous, nous avons seulement le rôle de construire l’antenne en suivant scrupuleusement le cahier des charges. Nous n’avons pas de rôle ni d’émission, ni d’exploitation de l’antenne. Et tous les rapports prouvent que les éléments de l’antenne ont été correctement assemblés. Nous n’avons rien à voir avec le dossier qui oppose l’exploitant de l’antenne aux plaignants ».

« Les analyses déjà effectuées montrent qu’il n’y a rien au niveau de l’eau ni du côté de l’alimentation. Néanmoins, les autopsies faites sur trois animaux ont révélé des taux de terres rares 37 fois plus élevés que la normale ». Romain Gourdou

« Et les bêtes, ça ne ment pas »

En place à l’audience, Philippe Molherat, maire de Mazeyrat d’Allier, partage son inquiétude. « Un problème comme ça, pour un maire, c’est très compliqué. Quand on voit le désarroi des agriculteurs et des bêtes qui dépérissent et meurent, c’est intenable ». Il décrit : « J’ai vu de mon propre chef que les bêtes se mettaient toutes sur un même côté et ne voulaient plus en bouger. Les pigeons ont déserté les toits. Même leur chien ne veut plus aller dans leur exploitation depuis la mise en service de l’antenne. Et les bêtes, ça ne ment pas ».

"Mazeyrat d’Allier : l’AMF43 appelle l’opérateur Orange au dialogue
En Haute-Loire, la résorption des zones blanches et un meilleur accès au réseau de téléphonie mobile sont réclamés aux maires par leurs administrés. Une bonne qualité  de la réception au réseau mobile est l’un des facteurs essentiels pour développer  l’attractivité des communes. Aussi, pour une amélioration de la couverture mobile sur  l’ensemble des communes du département, l’AMF 43 est favorable au déploiement de  la 4G en Haute-Loire. Cependant, alertée par le Maire de Mazeyrat d’Allier sur la situation de grande  détresse dans laquelle se trouvent des agriculteurs de sa commune suite à  l’installation en juillet 2021 d’une antenne relais près de leur exploitation, l’AMF 43 (l’Association des Maires et des Présidents d’intercommunalité de la Haute-Loire)  apporte son entier soutien à Philippe MOLHERAT, Maire de Mazeyrat d’Allier qui doit  gérer au mieux cette situation dramatique et délicate et appelle les responsables  d’Orange au dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés.
"

« Déplacer le troupeau est impossible. Les exploitants du Gaec ont investi dans ces bâtiments et sur ces terres. Ici, c’est toute leur vie. » Philippe Molherat

Outre les morts, plusieurs vaches sont victimes d'une anomalie oculaire.
Outre les morts, plusieurs vaches sont victimes d'une anomalie oculaire. Photo par Nicolas Defay

« Dans le village, une sorte de psychose est en train de naître au sein de la population »

L’ancien maire de la commune, Jean-Marie Chapon, confie lui-aussi sa peine pour la famille d’éleveurs. « Ça me fait mal parce que tout marchait très bien avant. Et là, du jour au lendemain, tout dysfonctionne. Ces jeunes n’ont plus le goût. Et nous ne savons pas quoi faire pour les aider. Nous ne pouvons que compatir en attendant que la justice se décide ».

Il continue en ce sens : « Si on était en Corse, cette histoire aurait été réglée bien plus tôt ! À 500 mètres de l’antenne, il y a une école. Et dans le village, une sorte de psychose est en train de naître au sein de la population. Les gens ne sont vraiment pas tranquilles et se posent de plus en plus de questions ».

« En attendant, ce sont des bêtes qui meurent les unes après les autres et une famille dépitée par la situation. Ils sont perdus. J’ai vraiment peur qu’il se passe un malheur ». Jean-Marie Chapon

« Si rien n’est décidé rapidement, je ne vois pas comment nous allons nous en sortir »

Quant à Frédéric Salgues, il se veut confiant concernant la décision de justice délivrée demain. « On est un peu soulagés car une décision sera enfin prise, une décision qui portera sur la venue ou non d’un expert sur l’exploitation. Les avocats ont défendu leurs dossiers. Et je pense aujourd’hui qu’on a fait un bon bout de chemin. Mais ce n’est pas nous les juges. »  Il mentionne aussi : « Il y a 15 jours, nous souhaitions que l’antenne soit débranchée. Aujourd’hui, malgré le mal que cela fait à notre cheptel, nous voulons qu’elle reste active pour l’expert vienne se rendre compte de lui-même des conséquences sur les bêtes ».

Il conclut enfin : « Nous sommes persuadés que l’antenne est la source de tout. En 7 mois, nous avons perdu 34 bêtes. Économiquement, ça devient aussi de plus en plus compliqué. On a le soutien de notre banquier qui était d’ailleurs là à l’audience. Mais cela va devenir bientôt intenable. Si rien n’est décidé rapidement, je ne vois pas comment nous allons nous en sortir ».

À quelques mètres de l'exploitation, un cri de désespoir a été planté.
À quelques mètres de l'exploitation, un cri de désespoir a été planté. Photo par Nicolas Defay

 

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