« Mensonge, mensonge, mensonge ». Le mot revient sans cesse dans la bouche des opposants à la déviation de la RN 88 entre Saint-Hostien et Le Pertuis. Devant la mairie du Pertuis, Renaud Daumas, membre du collectif Lutte des Sucs et conseiller régional d'AuRA Les Écologistes, aux côtés de Celline Gacon, conseillère municipale à la mairie du Puy-en-Velay (opposition EELV), tous deux entourés par des associations de défense de l’environnement et d’habitants des villages impactés, reviennent sur « les mensonges exprimés par des élus et des parlementaires ».
99 % de personnes pour la déviation ?
« Jean-Pierre Vigier, député de Haute-Loire (LR), a dit que 99 % des gens sont pour le projet, commence Renaud Daumas. C’est totalement faux ! Et tout le monde peut le vérifier s’il le souhaite. L’enquête publique démontre qu’il y a eu 40 % de votes contre cette route, votes agrémentés d’arguments développés, de chiffres et de données précises. »
Il ajoute : « Les 60 % de votes favorables à la déviation n’étaient, quant à eux, assortis que de simples copié-collé de ce qu’avaient commandé Laurent Wauquiez, la chambre consulaire, la chambre d’agriculture ou encore celle de l’industrie. Il y a eu une grosse campagne par toutes ces structures pour inciter leurs partenaires à aller voter pour la route au moment de l’enquête publique ».
Témoignage de Nathalie, habitante du Pertuis, inquiète pour le projet du fameux « Village service » qui semble, selon elle, n’avoir que le nom sans en bénéficier des moyens. (Cliquez sur la croix pour dérouler l'info)
« Le mensonge qu’on entend souvent est que nous ne serions qu’une poignée au Pertuis à nous opposer à la déviation de la RN 88 commanditée par la Région. C’est simplement faux. À vrai dire, nous sommes un peu plus d’un tiers de la population à être hostile au projet. Cette part des habitants s’interroge avec inquiétude sur l’avenir de notre village. Au sein du Pertuis, qui veut dire Passage en Langue d’Oc, il y a des commerces le long de la route qui font vivre directement une vingtaine de personnes. Beaucoup de gens s’arrêtent ici, que ce soit des touristes ou des personnes du quotidien. Nous sommes donc très inquiets si plus aucun flux routier ne traverse le bourg ».
« Seul un gros point d’interrogation se dresse devant nous »
D’autre part, la Région nous avait promis que le Pertuis deviendrait un Village service pour pallier ce manque de fréquentation. Mais nous avons appris que les aménagements pour ça ne sont pas inscrits dans le budget de la 2X2 voies. Comment sera-t-il alors financé ? Apparemment, cette charge reviendrait à l’agglomération. Mais, aujourd’hui, rien n’est prévu. Seul un gros point d’interrogation se dresse devant nous.
Une autre très grosse cause d’inquiétude est la suppression de notre qualité de vie. Quand on vient au Pertuis, les habitants ont la nature tout de suite à proximité. Et on peut rejoindre le Meygal à pieds par les chemins et les sentiers. Si la déviation se fait comme sur les plans de la Région, il faudra traverser une 4 voies pour s’y rendre. L’attrait touristique va sacrément en prendre un coup.
« Nous voulons depuis le début que soient étudiées nos alternatives possibles »
Alors, pour répondre à tous ceux qui disent que l’on critique, que l’on s’oppose, mais qu’on ne propose rien, nous leur disons que nous voulons depuis le début que soient étudiées nos alternatives possibles. Nous ne sommes pas aveugles ni sourds ! On voit bien le flux de voitures et camions bien trop important qui passe par chez nous. Nous avons des solutions à présenter. Il faudrait juste qu’on nous invite autour d’une table, avec les responsables du projet, pour tenter de trouver une alternative à tout ça.
« Ce qu’on demande est un moratoire pour qu’on réfléchisse ensemble »
Il faut bien évidemment faire quelque chose sur cet axe. Mais pas avec la façon de la Région. Pas en saccageant autant de surface, autant d’espèces, autant de biodiversité. Pas en sacrifiant les commerces du village. Ce qu’on demande est un moratoire pour qu’on réfléchisse ensemble, avec nous, principaux impactés par le projet et pourtant jamais invités à parlementer avec eux ».
« Ce n’est pas parce que c’est Laurent Wauquiez au commande que nous sommes là »
Le deuxième mensonge, selon Renaud Daumas et les différents collectifs avec lui, provient toujours du même parlementaire. « Jean-Pierre Vigier accuse nos associations de faire de la politique politicienne. Encore une fois, il se trompe totalement ». Il explique : « Les bases des recours en justice que nous avons faites et les actions pour exprimer notre désaccord à cette déviation sont totalement cohérentes avec ce que nous défendons depuis tout le temps. La destruction de l’environnement et de la biodiversité, les gaz à effet de serre, les espèces protégées, menacées par les travaux... toutes les opérations des assos contre ce projet routier sont légitimes ! »
Le vice-président de France Nature Environnement Haute-Loire insiste : « Si ce projet routier avait été porté par l’État, nous aurions agi de la même façon. Ce n’est pas parce que c’est Laurent Wauquiez au commande que nous sommes là. Nous sommes là pour défendre ce que nous croyons être bon pour notre avenir et celui de la planète ».
« Quand on favorise le désenclavement, on favorise une agriculture toujours plus industrielle avec un flux de camions qui la perfuse incessamment ». Un agriculteur à Rosières
« L’agenda du dégagement des emprises était directement lié à l’agenda des élections régionales »
D’après les opposants, un mensonge sur les coûts est colporté par le président du Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. « On nous présente un budget des travaux à 226 millions d’euros, rappelle Renaud Daumas. C’est un budget qui a été fixé il y a un moment maintenant. Entre temps, les coûts du BTP n’ont cessé de grimper depuis 2019, accusant une inflation comprise entre 30 à 40 % en trois ans. »
Il soulève également : « En suivant les travaux sur le terrain, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait encore nombre d’études à réaliser comme des forages pour étudier l’humidité des sols. D’autre part, le glissement de terrain à Saint-Hostien n’a pas été pris en compte ».
Depuis février 2021, les travaux sont à l'arrêt. Ils ne devraient pas reprendre avant le 2ème semestre 2022 selon le Ministre en charge des transports en réponse au sénateur de la Loire Jean Claude Tissot le 15 octobre 2021.
« Enfin, le dégagement des emprises qui a été fait l’an dernier a coûté 1 874 000 euros, précise-t-il encore. Les haies qu’ils ont arrachées à la hâte pour montrer que la Région était totalement investie dans les travaux afin de satisfaire les électeurs, ces haies-là sont en train de repousser car la nature reprend toujours ses droits quand on la laisse tranquille. Du coup, c’est repartie pour effectuer les mêmes travaux en gaspillant toujours plus l’argent public des chers électeurs. L’agenda du dégagement des emprises était directement lié à l’agenda des élections régionales de juin 2021. C’était un petit coup politique pour montrer que Laurent Wauquiez était l’homme fort ici ».
Il termine sur le sujet de cette façon : « Étant donné que le budget des 226 millions d’euros a été donné à la louche par la Région, nous faisons de même en annonçant que cette déviation, si elle voit le jour, avoisinera les 600 millions d’euros, au moins ».
« Les gens qui se sont écartés de la RN 88 pour échapper au bruit du flux routier actuel vont se retrouver à nouveau confrontés à ces nuisances si la déviation se fait. Je pense par exemple au hameau de la Freydeyre à Saint-Hostien. » Nathalie, habitante du Pertuis
La déviation terminée dans les prochains mois ?
Sur une vidéo de communication de la Communauté d’Agglomération mise en ligne le 4 janvier 2022, il est dit que « la mise à 2x2 voies de la RN88 va permettre de connecter dans les prochains mois l'agglo du Puy-en-Velay à la capitale régionale ». « C’est une hérésie que d’entendre ça !, s’expriment les opposants présents. Tout le monde sait que dans le meilleur des cas cette liaison verra le jour dans 4 à 5 ans ».
Argument que cautionne Renaud Daumas : « Normalement, selon le planning des travaux de la Région, le chantier aurait dû attaquer au mois de septembre 2021, or tout est à l’arrêt. Ce retard n’est pas lié aux recours juridiques, ni même aux actions qu’on a pu mener, mais bien aux mauvais choix qu’a fait le Conseil régional ».
« Est-ce que les habitants des autres départements de la Grande région sont au fait des sommes engagées pour la déviation de la RN 88 ? (Cliquez sur la croix pour dérouler l'info)
« Pas certain de ça, répond Renaud Daumas. En tous cas, si on étudie les chiffres qui ont été annoncés pendant la campagne électorale des régionales, ils démontrent qu’effectivement, la Haute-Loire avait 20 fois plus de subventions par habitant qu’un habitant d’une ville de gauche ou d’une ville écolo comme Grenoble. Cela est plus important encore quand on compare les subventions régionales à l’échelle d’une ville comme Le Puy à d’autres villes de la région. On a l’impression que la Haute-Loire ponctionne beaucoup le budget régional ».
Un feu vert qui vire au rouge
Pour terminer avec le registre des « mensonges » mis en exergue par les associations et les collectifs en lutte contre la déviation, deux sont enfin soulevés. « Suite aux gros titres de la presse notamment celui intitulé « RN 88 : le Conseil d’État a tranché, feu vert pour la déviation du Pertuis et de Saint-Hostien » publié dans un média local, nous ne pouvons que signifier notre indignation, livre Renaud Daumas. Ce n’est pas sur le fond du dossier que le Conseil d’État s’est prononcé, mais sur la procédure d’urgence de suspension de l’autorisation du projet, engagée devant le tribunal administratif de Clermont Ferrand début 2021 par nos associations du fait du lancement des travaux. » Trois recours sur le fond doivent encore être jugés, d’après le conseiller régional écologiste.
« Les pro-déviation font constamment l’amalgame avec le tronçon d’Yssingeaux »
Le dernier mensonge évoqué est propagé, toujours selon les associations de défense de l’environnement, par les pro-déviation. « Ils nous rabâchent sans cesse la carte de la sécurité routière, lâche l’un d’eux. Mais sur cette portion de route entre Saint-Hostien et Le Pertuis, il n’y a eu que deux morts en 12 ans et ces morts l’ont été à cause de l’alcool et des stupéfiants et pas du fait de la route elle-même. »
Il continue de surcroît : « Les pro-déviation font constamment l’amalgame avec le tronçon d’Yssingeaux qui est, lui, très accidentogène. Pour les travaux de cette section-là, les associations de défense de l’environnement ne contestent pas la nécessité des aménagements. Elles se dressent uniquement contre ceux concernant la section entre Saint-Hostien et le Pertuis. La Région et les pro-déviation font pleurer dans les chaumières en utilisant cet amalgame pour nous faire passer pour des méchants qui ne prennent pas en compte la vie des gens. Ce qui est totalement ridicule ! »