"Je suis partie de justesse" explique Pélagie qui se remémore facilement les circonstances qui l'ont amené à faire ses bagages et à quitter sa Côte d'Ivoire natale. "C'était la pagaille dans le pays" se souvient-elle. "Il y avait beaucoup de rumeurs de coup d'état. Les militaires circulaient partout dans la ville et même en province. Les informations étaient contradictoires. On ne savait pas vraiment ce qui se passait dans le pays. Les rumeurs les plus folles ont couru, relayées par les militaires eux-mêmes ou par de simples commerçants. A certains moments tout le monde voulait partir."
On ne savait pas vraiment ce qui se passait dans le pays. Les rumeurs les plus folles ont couru, relayées par les militaires eux-mêmes ou par de simples commerçants.
Replongeons nous un instant dans le passé tumultueux de ce pays du golfe de Guinée.
Le 19 septembre 2002, des soldats rebelles tentent de prendre le contrôle des villes d’Abidjan, Bouaké et Korhogo. Ils échouent dans leur tentative en ce qui concerne Abidjan mais sont victorieux dans les deux autres villes, situées respectivement dans le centre et le nord du pays. Robert Guéï est assassiné dans des circonstances non encore élucidées. La rébellion qui se présente sous le nom MPCI crée plus tard le MJP et le MPIGO et forme avec ces dernières composantes le mouvement des Forces nouvelles (FN). Il occupe progressivement plus de la moitié nord du pays (estimée à 60 % du territoire), scindant ainsi le territoire en deux zones : le sud tenu par les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) et le nord tenu par les Forces armées des forces nouvelles (FAFN). Les militaires occupent les grands axes du pays et sillonnent les rues de la capitale. Pélagie en a été le témoin.
10 000 casques bleus de l’ONUCI dont 4 600 soldats français de la Licorne sont placés en interposition entre les belligérants
Les pourparlers entamés à Lomé permettent d’obtenir le 17 octobre 2002, un accord de cessez-le-feu qui ouvre la voie à des négociations sur un accord politique entre le gouvernement et le MPCI sous l’égide du président du Togo, Gnassingbé Eyadema. Ces négociations échouent cependant sur les mesures politiques à prendre, en dépit de réunions entre les dirigeants de la CEDEAO à Kara (Togo), puis à Abidjan et à Dakar.
10 000 casques bleus de l’ONUCI dont 4 600 soldats français de la Licorne sont placés en interposition entre les belligérants. Dans une nouvelle initiative, la France abrite à Linas-Marcoussis du 15 au 23 janvier 2003, une table ronde avec les forces politiques ivoiriennes et obtient la signature des accords de Linas-Marcoussis. Un comité de suivi de l’application de l’accord, présidé par l’ONU, est institué.
"Il a été très difficile d'obtenir l'asile politique. Toutes conditions n'étaient pas réunies"
"C'était vraiment difficile au quotidien, explique Pélagie. On ne savait pas si on pourrait survivre le lendemain, ou si la situation allait dégénérer." Alors elle prend la décision d'essayer de rejoindre la France. En 2005, elle part en avion, aidée par quelques connaissances, direction Lyon. Mais là dans un premier temps, rien ne se passe comme prévu. "Il a été très difficile d'obtenir l'asile politique. Toutes conditions n'étaient pas réunies. A certains moments il est vrai que la situation se calmait au pays. Mais en même temps, on croisait beaucoup de réfugiés ivoiriens en France"
Heureusement, les circonstances de la vie font qu'elle rencontre un Altiligérien. Elle se marie et s'installe à Lapte en Haute-Loire. Ils auront trois enfants.
Au début, j'avais vraiment froid. Depuis je me suis habituée mais c'est encore quelquefois difficile au coeur de l'hiver.
Le plus difficile à cette période? " Obtenir les papiers. Trouver du boulot et...la météo! Au début, j'avais vraiment froid. Depuis je me suis habituée mais c'est encore quelquefois difficile au coeur de l'hiver. " explique-t-elle.
Ensuite, elle travaille avec son mari qui tenait un bureau de tabac à Lapte. Hélas leur histoire se termine et elle quitte le foyer familial.
Elle travaille ensuite dans divers petits boulots à Yssingeaux. C'est pour passer le permis de conduire qu'elle vient en 2019 au Puy-en-Velay. Là, elle rencontre beaucoup d'africains, de toute nationalités, des Ivoiriens bien sûr, mais aussi de Burkinabés, des Sénégalais ou encore des Camerounais. Beaucoup parlent de leur pays d'origine et certains cherchent à retrouver des denrées de là-bas, fruits, menus objets, denrées alimentaires diverses, boissons ou alcools tropicaux. L'idée de monter un magasin "exotique" était née. "Rêves exotiques 43" verra le jour en septembre 2019, avenue Maréchal Foch. "J'ai reçu une aide au démarrage de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. C'était important pour se lancer mais maintenant je vis uniquement et totalement de mon travail." explique Pélagie.
"Il faut être content de ce que la vie vous offre."
Comment imagine-t-elle son avenir? "A la retraite je retournerai peut-être au pays. Et encore, je n'en suis pas sûre. J'ai une fille qui n'a que 12 ans. Son avenir est ici. J'ai parfois l'occasion de rentrer à Abidjan pour quelques vacances, mais c'est rare. J'y suis allé en août dernier avec mon fils. Il faut être content de ce que la vie vous offre."