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Discrimination : « Je suis diabétique et alors ? »

, Mise à jour le 26/11/2021 à 06:30

Jeudi 25 novembre se vote à l’assemblée une proposition de loi historique. Que soit levée l’interdiction de certains métiers aux personnes touchées par le diabète. Nicolas, à présent journaliste en Haute-Loire, a subi de plein fouet cette discrimination en 2015. En voici une part de son histoire.

Inapte. Un simple tampon, la signature du médecin et terminé. Terminée sa profession de conducteur d’autobus au Tudip dans laquelle il évoluait depuis 14 ans. Terminée une éventuelle perspective de carrière au sein des services de l’Agglomération. Une simple griffe et c’est tout un pan de vie qui part en lambeaux en moins d’une seconde. Comme si le mot « diabète » était éliminatoire. Une sorte de bouton On/Off sans appel, sans condensateur au milieu. Le tout ou le rien.

« Je ne pouvais y croire »

« C’était à la fin de l’année 2014 que j’ai commencé à éprouver des choses étranges dans mon corps, explique Nicolas, quarantenaire, ancien conducteur d’autobus pour la Communauté d’Agglomération du Puy-en-Velay. Je commençais à maigrir de façon inquiétante mais j’ai mis un certain temps à imaginer que cela pouvait provenir d’une maladie. Je pratiquais beaucoup de sport, beaucoup de trails et de natation. J’ai pensé que j’en faisais peut-être un peu trop. »

En moins de trois semaines, il perd 15 kilos. Il subit de plus en plus de crampes et ressent une envie irrépressible de s’abreuver sans arrêt. « Comme tout humain, j’ai regardé un peu sur le net ce qu’il pouvait m’arriver en compilant mes symptômes. Et le mot diabète revenait inexorablement. Mais je n’arrivais pas y croire. J’étais en pleine forme il y a quelques jours de cela, avec un train de vie totalement sain...Je ne pouvais y croire ».

  • En 2019 en France, environ 4 millions de personnes sont diabétiques (type 2), soit près d’un français sur 16.
  • Près de 700 000 personnes en France seraient diabétiques de type 2 sans le savoir.
  • 6 % des diabétiques sont de type 1 (maladie auto-immune), c’est à dire insulino-dépendant.
  • L’OMS prévoit le chiffre accablant de 622 millions de diabétique de type 2 d’ici 2040 dans le monde en raison du mode de consommation occidentale (« mal bouffe », abus de sucre et de graisse, sédentarité…).
  • Ce chiffre est aujourd’hui de 463 millions, soit une personne sur 15 dans le monde.

Sources : diabete.fr, fédérationdesdiabetiques.org, frm.org, ceed-diabete.org

« J’étais devenu un funambule entre l’hypoglycémie et l’hyperglycémie »

Le 19 décembre 2014, Nicolas est hospitalisé en urgence à l’hôpital Emile-Roux. Il a tellement de sucre dans le sang que le lecteur de glycémie ne peut afficher le résultat. La prise de sang révélera alors plus de 7 grammes de glucose par litre de sang, soit 7 fois plus que la normale, un taux qui conduit le plus souvent au coma.

Et le verdict tombe. À l’âge de 38 ans, une partie de son pancréas s’est subitement arrêté de fonctionner. Il devient officiellement diabétique de type 1, insulino-dépendant. « Cela a été un choc terrible pour moi, confie-t-il. Je suis resté une semaine à l’hôpital à apprendre à contrôler ma glycémie plus de dix fois par jour et en m’injectant de l’insuline en fonction des glucides présents dans le repas. J’étais devenu un funambule entre l’hypoglycémie et l’hyperglycémie. Mon existence tournait autour de la maladie à chaque instant ».

« J’avais beau prouver que je maîtrisais ma glycémie, que je faisais tout autant de sport qu’avant, que j’étais plus en forme que jamais, le docteur n’a rien voulu savoir ». Nicolas

« Vous êtes diabétique. Vous ne pouvez plus faire certains métiers. Inapte et c’est tout ! »

« Encaisser ça, c’était déjà très dur, partage Nicolas. Mais je pense que la suite l’a été encore plus. Car si je commençais en accepter ce mal en moi qui resterait de toute façon toute ma vie, je ne comprenais pas pourquoi je devais aussi quitter mon travail ! » Depuis mai 2001, il faisait partie des conducteurs au sein des Tudip, le réseau de transport urbain de la Communauté d’Agglo du Puy. Durant 14 ans, il a transporté ainsi des milliers de personnes à travers les communes voisines du centre-ville ponot.

Mais au mois de mars 2015, c’est la double peine. « Inapte et c’est tout, se désole-t-il rappelant les paroles du médecin de l’époque. J’avais beau prouver que je maîtrisais ma glycémie, que je faisais tout autant de sport qu’avant, que j’étais plus en forme que jamais, le docteur n’a rien voulu savoir. "Vous êtes diabétique. Vous ne pouvez plus faire certains métiers. Inapte et c’est tout !". Telle a été sa réponse qui se référait à des décrets vieux de plus d’un demi-siècle, une époque où la médecine était bien loin d’être ce qu’elle est de nos jours ».

Devenir géographe ou entrer à l’école des Mines ? Impossible si vous êtes diabétique

Conducteur d’autobus, de taxis, de poids-lourds ou de train, steward, pilote d’avion, policier ou pompier mais aussi ingénieurs des eaux et forêts, ingénieurs du génie rural, ingénieurs des ponts et chaussées, contrôleurs de la sécurité sociale...Innombrables sont les professions interdites aux diabétiques selon des arrêtés réglementaires publiés à la fin des années 1950. Cette discrimination issue d’un autre temps est en passe de tomber en partie par le vote des parlementaires à l’Assemblée nationale en ce jeudi 25 novembre.

« La Proposition de Loi doit être adoptée avant la fin du quinquennat, renseigne Nicolas en s’appuyant sur un communiqué de la Fédération Française des Diabétiques. Il s’agit aujourd’hui du seul moyen de graver dans le marbre le principe de non exclusion à l’embauche en raison de l’état de santé ». L’ancien conducteur ajoute : « Avec les dispositifs actuels, contrôler sa glycémie, anticiper son état et agir en fonction est aisé. Il est donc sacrément temps de faire table rase de ces anciennes lois totalement désuètes ».

"Si la découverte de l'insuline fête ses 100 ans en 2021, il a tout de même fallu du temps pour que le diabétique devienne autonome dans la gestion de sa maladie. C'est chose faite depuis plus 15 ans maintenant. Et la mise en place des capteurs de glycémie a sacrément facilité les choses". Nicolas

En finir avec ces textes d’après-guerre

Après avoir digérer le fait que sa maladie lui valait un licenciement, Nicolas a aussitôt repris ses études. Il réussit le concours d’entrée à l’École Supérieur de Journalisme (ESJ) dont il suivra les cours dans l’antenne de Montpellier jusqu’à l’obtention de son master. « Tous les week-end, je faisais la route entre l’école et mon domicile, souligne-t-il. Je conduisais donc près de 4 heures sans m’arrêter pour l’aller et autant pour le retour. Et jamais ma maladie n’a perturbé ma conduite comme jamais elle ne l’aurai perturbée en tant que conducteur d’autobus ».

« Malgré toutes ces particularités qui feraient bondir un diabétologue, mon équilibre glycémique est parfait »

Aujourd’hui, il est devenu journaliste, un métier qu’il caractérise comme une vraie passion. « Cette activité est tout sauf rigide et stable, explique-t-il. Un jour, on commencera à l’aube, un autre on terminera tard la nuit. Un jour, on aura le temps de manger tranquillement, un autre ce sera un sandwich pris rapidement dans la voiture. Et pourtant, malgré cette élasticité de la profession où l’on baigne dans une sorte de stress permanent, malgré toutes ces particularités qui feraient bondir un diabétologue, mon équilibre glycémique est parfait. Pourquoi ? Parce que je peux y faire attention grâce justement à la médecine qui a fait bien plus de progrès que ces textes de lois poussiéreux et véritablement discriminants ».

M.K.

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