Des centaines de mètres de palissades en bois encerclent des points clés de la cité anicienne. Des blasons de toutes les couleurs habillent chacune de leurs façades. Des oriflammes aux couleurs des huit Isles claquent dans le vent au-dessus des innombrables tentes en toile posées ci ou là. Chaque détail est pensé, peaufiné, multiplié des dizaines et des dizaines de fois pour que la magie du moment fonctionne, pour que les milliers de visiteurs se fassent happer et emporter par cette reconstitution historique du 16ème siècle.
Une parenthèse de quatre jours où la ville du Puy retourne au temps de François 1er et du Jeu de l’Oiseau. Quatre jours qui ont nécessité un an de travail pour la discrète association des Obragos afin d’honorer comme il se doit les us et coutumes des temps anciens.
Les ouvriers de l'époque
« L’asso des Obragos a été créée en 2011, explique Martine, sa secrétaire. C’est elle qui gère toute la partie technique des festivités, l’entretien, les décorations, le matériel, la signalétique et bien d’autres choses encore ». Et c’est le moins qu’on puisse dire. Les Obragos, qui veut dire Ouvrier en occitan, s’occupent de fabriquer les scènes commandées par la direction du Roi de l’Oiseau, l’entretien et l’installation de la cinquantaine de tentes et des abris du marchés, les innombrables cabanes à travers le Puy.
« Nous avons aussi la responsabilité de l’électricité et des projecteurs », ajoute Yves, trésorier de l’association. Martine précise : « La préparation dure toute une année ! Dès qu’on a le programme des fêtes, on nous demande de créer tel ou tel décor. Cette année, nous nous sommes beaucoup concentrés sur le spectacle de « 1515, Marignan ». Nous avons peint la scène, constitué la partie tissue et les chandeliers, ou encore construit le grand fauteuil ».
« Quand il faut toutes les étendre pour les sécher de la pluie, c’est un vrai festival ! »
« C’est phénoménal !, répond Yves à la question de détailler le stock qu’ont les Obragos à leur disposition. Nous avons un dépôt quasi plein qui mesure 100 mètres de long sur 20 mètres de large. Outre toutes les parties bois qui représentent une masse très considérable, il y a les cinquante tentes de toile à stocker. Et quand il faut toutes les étendre pour les sécher de la pluie, c’est un vrai festival ! »
Ce sont également eux qui fournissent des dizaines de stères de bois pour les isles et les camps afin que ces derniers les utilisent sous leurs marmites ou les ateliers des forges. Du côté de la couture, c’est une Obragos nommée Pauline qui s’en occupe. « Elle a la charge énorme de création des costumes pour les mises en scène qui diffèrent à chaque édition, révèle Martine. Elle travaille ainsi toute l’année en plein temps pour ça et la location ».
La Poussinade, transmission des connaissances et de compétences oubliées
Encore plus obscure et loin des lumières, la Poussinade est une émulsion de savoirs. « Comme les Obragos, l’association fête ses 10 ans cette année, affirme la même Martine. La Poussinade est en fait l’école des Arts à la Renaissance. Elle a pour objectif de partager des connaissances de cette époque aux acteurs des camps du Roi de l’Oiseau. Il peut s’agir par exemple de musique, de danse, de feutrage de la laine, de teinture végétale, de l’escrime médiévale, de la confection de fresque. Nous recherchons d’ailleurs un professionnel dans le domaine de l’herboristerie. L’important est que les intervenants sachent transmettre leurs compétences à la manière des mêmes professionnels qui vivaient au temps de François 1er. » Les stages de la Poussinade sont réservés en majorité aux membres des 60 associations internes au Roi de l’Oiseau.
« 15 jours avant le jour J, on est au dépôt tous les jours afin que tout soit prêt à temps »
Mais qui sont ces petites fourmis qui tiennent sur leur dos toute l’ossature du Roi de l’Oiseau ? « Le noyau dur est composé d’une dizaine de personnes, livre Martine. Nous nous retrouvons tous les mardis de chaque semaine et pendant toute l’année. 15 jours avant le jour J, on est au dépôt tous les jours afin que tout soit prêt à temps. Une fois les fêtes terminées, il nous faut environ trois jours pour tout nettoyer. Et c’est partie ensuite pour la grande galère de séchage des tentes ».
Comme Martine, les membres sont en général de jeunes retraités. Depuis peu, les Obragos invitent les membres des campements pour leur montrer l’ampleur de leur travail. « Nous ouvrons alors le dépôt pour eux quelques samedis afin que les jeunes viennent nous donner un petit coup de main ».
« Quels sont les codes vestimentaires de l’époque, comment était élaborée la cuisine, avec quels ingrédients, préparée de quelle façon...Le Chapitre les aiguille de façon à ce que la reconstitution de chaque animation présente dans chaque campement soit la plus proche possible à ce qu’il se faisait il y a cinq siècles ». Frédéric Gaillard
Le Chapitre, l’une des têtes pensantes des festivités
En parallèle des Obragos, une autre entité chemine discrètement entre les camps du Roi de l’Oiseau. Le Chapitre. « C’est une association à vocation historique, explique l’un de ses 13 membres, Frédéric Gaillard. Elle a pour mission de faire des recherches précises sur la Renaissance et répondre aux questionnements des bénévoles. Par exemple, quels sont les codes vestimentaires de l’époque, comment était élaborée la cuisine, avec quels ingrédients, préparée de quelle façon...Le Chapitre les aiguille de façon à ce que la reconstitution de chaque animation présente dans chaque campement soit la plus proche possible à ce qu’il se faisait il y a cinq siècles ».
Une mission principale du Chapitre est également de concevoir et de créer la médaille du Roi de l’Oiseau en fonction du thème de l’édition. « Cette année, ce sont le retour des guerres d’Italie, rappelle Frédéric Gaillard. Nous avons donc choisi de faire une médaille aux armes de Florence en reproduisant la monnaie d’un florin avec ses fleurs de lys ». Environ mille de ces médailles seront alors produites et vendues en totalité comme à chaque opus du Roi de l’Oiseau.