En quatre mois, c’est la troisième fois que le corps des AESH de Haute-Loire se mobilise devant l’Inspection Académique du département. Et cette fois encore, en ce jeudi 3 juin, ce sont les mêmes revendications, les mêmes plaintes, la même clameur teintée d’inquiétude qui s’élèvent devant les murs muets du bâtiment d’État. « Madame l’Inspectrice est très éloignée de la réalité !, souligne une AESH aux côtés de ses consœurs et confrères présents. Elle sait très bien parler, certes, mais elle ne connaît pas du tout le terrain, elle ne connaît pas les travailleurs que nous sommes et les enfants que nous accompagnons chaque jour. Elle ne nous coute pas ».
« Chaque enfant, chaque élève que nous suivons porte un handicap spécifique. Si nous ne sommes pas là, il est impossible pour la plupart d’être scolarisés. Nous sommes indispensables pour eux ». Une manifestante AESH
Mot de Colette Granseigne, secrétaire générale IA 43
Nous avons contacté l'Inspection Académique. Voici son message : "L'application des PIAL est un outil inverse à la crainte des AESH, souligne Colette Granseigne, secrétaire générale IA 43. Cela va limiter leur zone de travail pour faciliter leurs encadrements des enfants. D'autre part, le nombre d'enfants assignés à chaque AESH dépendra bien évidemment des notifications de la MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées). Les AESH n'auront donc pas 8 enfants systématiquement mais tout dépendra des directives de la MDPH".
Colette Granseigne confirme que les 14 PIAL seront bien effectifs le 1er septembre 2021 en Haute-Loire.
Des zones géographiques à couvrir
Les raisons de cette colère sont notamment la mise en place des PIAL dès le début de la rentrée 2021. « Un PIAL est un Pôle Inclusif d'Accompagnement Localisé, précise l’une des participante. Quand nous sommes encore aujourd’hui sur un établissement scolaire à nous occuper d’un à quatre enfants, nous allons prochainement être détachés sur un secteur géographique. »
Le problème généré par ce changement ? « On va devoir effectuer beaucoup de kilomètres quotidiennement pour nous rendre dans diverses écoles et pour accompagner bien plus d’élèves, ajoute-t-elle. Les conséquences seront dramatiques non seulement pour nous mais surtout pour ces élèves très sensibles ».
« Nous ne pourrons accompagner un enfant que trois heures à présent »
Un ou une AESH peut travailler jusqu’à 24 heures par semaine et dispenser 6 heures de présence par semaine pour un enfant suivi. « L’application des PIAL est une hécatombe car elle est doublée d’un nouveau seuil d’heure maximal possible pour chaque élève, explique une manifestante. Nous ne pourrons accompagner un enfant que trois heures à présent et compter donc 8 élèves par semaine dans des établissements éloignés les uns des autres ».« Il faut savoir que ces enfants mettent énormément de temps pour octroyer leur confiance ».
Outre le côté logistique, c’est l’aspect pédagogique et humain qui les inquiète fortement. « Il faut savoir que ces enfants mettent énormément de temps pour octroyer leur confiance, continue-t-elle. Ils peuvent s’attacher très intensément à une personne. Multiplier ainsi les intervenants va se révéler une catastrophe pour eux et leur équilibre mental ! »
« On a déjà reçu des fiches de vœux à remplir. Si on consent d’être en PIAL, cela veut dire qu’on accepte de bouger d’un établissement à un autre avec les conditions de travail qui vont avec. Si on ne signe pas, on est licencié ». Une manifestante AESH
« C’est une situation catastrophique »
« Par exemple, Muriel connait le braille, le langage des personnes non-voyantes, indique une AESH. Avec les PIAL, elle devra se faire remplacer régulièrement car elle sera mobilisée ailleurs constamment. Comment fera alors l’AESH qui suivra pour communiquer avec l’enfant ? » Elle relève alors : « Chaque enfant, chaque élève que nous tous suivons porte un handicap spécifique. Si nous ne sommes pas là, il est impossible pour la plupart d’être scolarisés. Nous sommes indispensables pour eux. Or, leur faire subir ce manège de personnels est grave. Cela va les déséquilibrer profondément et mettre à mal leur scolarité et leur possibilité d’évoluer. » Elle termine ainsi : « Tout le monde va y perdre que ce soit nous, les parents, les professeurs mais surtout les élèves accompagnés. C’est une situation catastrophique ».
750 euros par mois de salaire
Les Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap perçoivent une rémunération moyenne de 750 euros mensuelle pour 24 heures de travail maximum autorisé par semaine. À titre de comparaison, le seuil de pauvreté est de 1 015 euros par mois pour une personne seule. « Nous demandons bien évidemment une hausse de notre rémunération, confie une AESH. Nous exigeons également la création d’un vrai statut pour notre profession car ce n’est pas le cas actuellement. » Elle conclue en ces mots : « Avec la mise en place des PIAL, l’Inspection Académique nous rajoute de la misère à la misère ».