Ce week-end, les soulèvements de la terre ont décliné l’acte 3 de la saison 1 de sa mobilisation. Après Besançon, après Rennes et avant Saint Colomban en Loire Atlantique, Le Pertuis a été le lieu de sensibilisation choisi par ce jeune mouvement qui lutte et agit "Pour rendre les terres aux agriculteurs, pour y “soustraire ces espaces à la bétonisation et y défendre un usage commun" annonce leur brochure de présentation.
Donner une ampleur nationale à des luttes locales
Tel est le mot d’ordre de ce mouvement qui a dressé et annoncé à l’avance un plan de mobilisation visant à lutter contre la bétonisation et l’artificialisation des sols et bloquer l’agro industrie.
De fait, sur le terrain situé entre Le Bouchas et Ouillon , de nombreux militants écologistes encartés mais le plus souvent sympathisants individuels ont répondu à l’appel et sont venus de toute la France pour retrouver les militants et les agriculteurs locaux impactés directement par la déviation. De quoi donner un bon coup de fouet au moral et trouver de nouvelles raisons d’espérer aux troupes locales.
“Ces quelques jours sont l’occasion de débattre et d’échanger des idées et c’est vraiment rafraîchissant" révèle cet organisateur dont le nom importe peu “on rencontre d’autres personnes qui luttent pour d’autres causes locales et qui en se retrouvant ici à partager leur expérience et leurs arguments se disent que les efforts ne sont pas inutiles. En outre, ce qui aura été produit ici en quelques heures à partir de rien démontre la force du collectif”.
Construction d’un village éphémère
Entre samedi après-midi et dimanche, c’est un véritable village qui est apparu. Il y a là, sa boulangerie où l’on paye selon ses moyens, son espace marché, ses allées paillées, sa librairie, son camping, son agora, sa maison commune, ses toilettes sèches, son bar terrasse aussi.
Dans un coin du site les menuisiers sont affairés à élever deux constructions sur pilotis, plus loin, une zone de protection humide a été délimitée, un espace potager a été défriché et planté.
De tout ça, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, il ne devrait rien rester lundi soir, au sortir du week-end, sauf peut-être le potager explique t'on.
“On veut prouver qu’on est des personnes raisonnables et responsables et pas des casseurs comme certains ont voulu le faire croire avant notre installation. Certains ont voulu faire peur aux gens du coin qui ont clôturé leurs propriétés et sécurisé leurs biens. On a même dit voire écrit qu’on avait l'intention de couper la nationale mais cela n’a jamais été un des objectifs.
Au contraire, on a choisi de s’installer symboliquement sur un des terrains rachetés par l’Etat pour l’emprise du projet de déviation mais on est pacifique.
D’ailleurs certains, parmi les escadrons de CRS qui sont mobilisés ce week-end, ont participé aux maintiens de l’ordre des manif’ des gilets jaunes à Paris. Quelques uns sont allés discutés avec eux, ils se disent presque en vacances ici, car ils ont vite vu qu’il ne se passerait rien ”.
Débats, festivités et prolongements en débat
Ce qui s’est passé ce week-end champêtre tient en effet, plus de la partie de campagne militante et festive que d’une action d’occupation.
Dimanche après-midi, de nombreux participants avaient déjà commencé à plier leurs affaires. On s’embrassait en se promettant de se retrouver très bientôt ailleurs, pour une autre action. On remerciait les locaux en les encourageant à venir s'engager ailleurs aussi.
Il faut dire que la première nuit avait sûrement douché les volontés les plus velléitaires car il a fait très humide et donc très froid dans la nuit de samedi.
D’ailleurs, même sur les terrasses des bistrots du Puy, il n’avait pas fallu beaucoup insister pour pouvoir fermer avant le couvre-feu de 21 heures.
En attendant, le programme d’activité a été respecté et il y a eu beaucoup d’échanges communs et beaucoup d'autres en aparté et en petits groupes.
Les enfants ont pu jouer dans la paille, tresser des couronnes de fleurs et se délecter du pain cuit sur place, de frites, et de jus de pomme. Les adultes aussi.
A voir les mines fatiguées mais souriantes, on pouvait penser que beaucoup avaient dû se coucher tard et profiter.
Vers 17 heures, un quintet réalisait une prestation a cappella qui récoltait des applaudissements nourris avant qu’on ne pense à préparer les échanges de la soirée et le repas à partager. Il faisait enfin beau et la deuxième nuit promettait d’être un peu plus agréable.
Lundi serait un autre jour au bout duquel il faudrait bien penser à rendre le terrain à son état initial mais on devrait quand même en discuter pour décider en commun.
En effet, la lutte ne s'arrêtera sans doute pas là. Il y a encore des recours qui ont été déposés et d'autres le seront sans doute encore.
On a appris par exemple que de nouveaux terrains sont actuellement rachetés de gré à gré à des propriétaires fonciers. Or, le code rural est clair, le propriétaire doit d'abord proposer à ses fermiers prioritaires pour racheter les terrains qu'ils ont en bail. La SAFER a aussi son mot à dire dans la cession des terrains agricoles et il se dit que ces procédures n'ont pas trop été respectées.
Du côté des opposants, on dénonce toujours cette gabegie de terres fertiles et on propose d'autres solutions.
Lutte des Sucs tient à rappeler "on est pas contre une déviation mais on souhaite un projet plus économique en denier publique et en foncier. Dites le bien dans votre article, si vous en faites un ! ".