Arvicola sapidus. Tel est le nom savant du campagnol amphibie, rongeur semi-aquatique, qui a été retrouvé dans l'une des zones humides au Pertuis menacée par les pelleteuses de la Région. "Tout du moins, nous avons retrouvé des indices incontestables de sa présence dans ce petit paradis qui deviendra un enfer de goudron dans quelque temps, précise l'un des naturalistes présents, tous préférant rester anonymes car victimes d'intimidations. Il est très difficile de l'apercevoir mais les signes découverts cette semaine comme les terriers, les déjections et la manière dont ont été rongées les herbes démontrent clairement sa présence !" Il ajoute : "C'est une découverte incroyable car nous pensions l'espèce éteinte depuis un moment !"
L'arrêté du 15 septembre 2012 mentionne que le campagnol amphibie est classé dans la catégorie des espèces protégées par la loi en France. Il est dorénavant interdit de détruire cet animal et son habitat.
Sur le secteur du Pertuis, ce sont au total 75 espèces protégées à des niveaux différents par la loi. Mais tomber sur un mammifère autrefois éteint n'arrive pas tous les jours. "Nous, les naturalistes, nous nous sommes peu exprimés sur le tracé de la RN88 concernant la déviation entre Saint-Hostien et Le Pertuis, indiquent-ils. Mais il est temps de partager nos avis sur le rapport de l'Autorité environnementale et sur les aspects techniques du chantier autoroutier".
"Aujourd'hui, 30 kilomètres de bocages ont été anéantis ce qui représente déjà 30 000 arbres."
"Pour revenir aux projections qui prendront bientôt forme au milieu de cette nature, la déviation va noyer sous le béton 1,4 millions de m² de nature et de zones agricoles vitales pour notre département, rappellent-ils. Ceci pour gagner deux minutes de temps de trajet. Aujourd'hui, 30 kilomètres de bocages ont été anéantis ce qui représente déjà 30 000 arbres. Toutes ces haies, ces arbres, ces bosquets assurent un habitat pour plus de 10 espèces de chauve-souris protégées et pour plus de 10 espèces d'oiseaux auxiliaires des cultures comme le Milan royal ou le faucon crécerelle".
"La déviation est un projet du passé qui nous détourne d'un avenir serein" :
"Les pôles et le permafrost sibérien fondent. Même nos glaciers alpins ne sont pas épargnés. Les forêts brûlent. Les océans étouffent sous les plastiques. Les deux tiers des animaux ont disparu depuis 1970 sur la planète (source WWF). Il y a urgence à décarboner nos vies et à changer de modèle. Il est urgent dans notre département d'arrêter avec ces projets de routes gigantesques. Il y a trois fois plus de routes que de rivières en Haute-Loire.
Nous pourrions utiliser les 230 millions d'euros (coût de la déviation de la RN88) pour rendre rapidement notre département résilient face aux crises climatiques, sanitaires et géopolitiques qui s'annoncent".
La faune devra attendre 30 ans avant de pouvoir vivre à nouveau sur le secteur
À la question des mesures compensatoires promises par la préfecture et la Région, ils répondent : "À la place des 30 kilomètres d'arbres abattus, les responsables veulent en replanter le double. Super ! Mais le problème est que les haies replantées vont mettre plus de 30 ans à arriver à une taille adéquate et fonctionnelle pour la faune. Les animaux terrestres et les oiseaux devront attendre trois décennies pour y nicher dedans et se nourrir avec. Et plus de 80 ans pour que des arbres matures accueillent dans leur houppier et leur tronc des rapaces, des pics ou encore des chauves-souris".
Les naturalistes présents soulignent une autre incohérence dans ce dossier des plus polémiques : "Les écologues mandatés par la Région affirment qu'ils vont déplacer la population de reptiles, dont certains sont protégés par la loi, et ceci avant les travaux. Mais c'est faux ! Tout simplement car il est impossible d'agir ainsi. Même le Conservatoire des espèces naturelles d'Auvergne concède qu'il n'y arrivera pas. L'ensemble de cette faune passera donc sous les chenilles des bulldozers".
"Ce sera une véritable hécatombe pour le reste des animaux encore sur place"
En Haute-Loire, 6 à 10 espèces animales sont détruites chaque jour sur 20 kilomètres de routes peu fréquentées selon les estimations des naturalistes. "Sur cette déviation qui traversera forêts et bocages, ce sera une véritable hécatombe pour le reste des animaux encore sur place, s'indignent-ils. Avec 12 000 véhicules journaliers à 110 km/h, ce sera plus de 30 espèces qui périront tous les jours. Elle finira par vider la zone de sa faune." À titre d'exemple, ils mettent en exergue le cas de Polignac. Après la mise en service de la déviation de la RN102 en 2001, 7 cadavres de chouettes chevêches ont été répertoriées. "L'espèce est désormais totalement éteinte sur le bassin", déplorent les naturalistes.
"L'humanité déploie une énergie incroyable pour scier la branche sur laquelle elle est assise. Utilisons cette énergie pour vivre avec la nature et pas contre elle".
"Il est temps de faire les bons choix de société"
Discrets mais solides dans leurs convictions, les naturalistes concluent en ces mots : "La déviation est un projet dévastateur du siècle passé. Contentons nous de ce que nous avons. Il est temps de faire les bons choix de société. Et en premier lieu, celui de vivre en harmonie avec la nature qui nous a enfantés et qui nous fournit généreusement tout ce dont nous avons besoin. L'humanité déploie une énergie incroyable pour scier la branche sur laquelle elle est assise. Utilisons cette énergie pour vivre avec la nature et pas contre elle".