À côté de la fontaine du Breuil, des centaines de visages font face à la préfecture autour d’Eric Durupt et de Véronique de Marconnay. Le couple d’enseignants, parents de cœur de Madama Diawara, raconte ce qu’il s’est passé mardi 9 mars dans les locaux de la Police de l’Air et des Frontières (Paf) à Gerzat (63). « Hier a été la pire journée que nous avons pu éprouver de toute notre vie, commence Eric Durupt, sa voix écorchée par le chagrin. La violence humaine que nous sommes en train de vivre, que nous fait vivre Eric Etienne, le préfet de la Haute-Loire, est insoutenable. Hier soir, quand nous sommes revenus à la maison et que j’ai vu le sac de Madama posé dans le salon, j’ai craqué, j’ai fondu en larmes. J’ai pris un dictionnaire pour trouver un mot qui pouvait décrire ma colère. Il n’y en avait pas ».
« La police nous a dit entre deux portes que Madama était transféré au Centre de rétention »
Dans un silence déroutant, Eric Durupt explique ce qu’ils ont vécu à Gerzat. « Nous avons été séparés presque tout de suite. Moi, j’ai été interrogé pendant 2h30 et Véronique pendant trois heures. » Il continue en soufflant quelques instants : « Je pensais que mes explications étaient convaincantes. Je pensais que c’était le protocole habituel cette manière de procéder. Je me suis trompé lourdement. Nous avons attendu Madama pendant des heures en se demandant ce qu’il se passait. Et à 19 heures, la police nous a dit entre deux portes que Madama était transféré au Centre de rétention (CRA) de Lyon et qu’il serait expulsé rapidement ».
« Le préfet a signé la pire des OQTF ! Car il l’a accompagnée d’une Interdiction de Retour sur le Territoire Français (IRTF) d’une durée de 24 mois, la peine maximum possible ! Même l’avocate de Madama n’avait jamais vu ça ! » Eric Durupt
« Nous sommes désemparés, nous sommes horrifiés mais nous n’allons rien lâcher »
« Mais l’histoire n’est pas terminée !, souligne Eric Durupt. La décision d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français, Ndlr) a été signée par le préfet de la Haute-Loire, M. Eric Etienne. Mais il a signé la pire des OQTF ! Car il l’a accompagnée d’une Interdiction de Retour sur le Territoire Français (IRTF) d’une durée de 24 mois, la peine maximum possible ! Même l’avocate de Madama n’avait jamais vu ça ! De par son choix, il considère ainsi Madama comme un grand criminel dangereux pour la société française ». Il ajoute : « Eric Etienne a la volonté de nous détruire, Véronique, moi et nos convictions. Pourtant, le seul crime que nous avons commis est d’avoir ouvert notre porte et notre cœur à ce jeune migrant. Mais nous allons continuer à nous battre. Nous sommes désemparés, nous sommes horrifiés mais nous n’allons rien lâcher. Madama est encore là et il restera là ! »
« Comme c’est bien joué ! Car nous éprouvons une douleur immense à présent »
Eric Durupt et Véronique de Marconnay entendent ainsi faire appel de la décision du préfet sur l’expulsion de Madama. « En plus de son transfert à Lyon, il est convoqué le 5 octobre au tribunal pénal, accusé d’avoir produit de faux papiers, s’indigne Véronique de Marconnay. Nous aussi, nous allons apparemment être poursuivis sur le même sujet. » Digne et la tête haute, elle continue à parler devant la foule : « Ce qu’il s’est passé hier était un piège. C’était l’occasion pour la préfecture de la Haute-Loire de se débarrasser plus facilement de Madama. Comme c’est bien joué, M. le préfet ! Se débarrasser ainsi d’un gentil garçon, travailleur, aimable et habituellement joyeux. Comme c’est bien joué ! Car nous éprouvons une douleur immense à présent. Mais nous sommes des gens obstinés. Madama, on ne l’abandonnera pas. Jamais. Il reste ici, il vit ici ! »
« Dans les 48 heures, on peut saisir les juges des libertés avec l’association « Forum réfugiés » présente dans le CRA de Lyon. Les juges décident alors soit d’une remise en liberté, soit d’une détention. Assez souvent, la libération est décidée ». Christine Chevalier
« C’est très bas. C’est très très bas de la part du préfet »
La mobilisation s’est déplacée ensuite dans les rues de la cité ponote. Elle a remonté le Breuil, s’est déversée dans la rue Saint-Gilles et sur la place du Martouret puis s’est terminée en un sit-in sur l’avenue du Breuil. « La méthode qu’a employé Eric Etienne et la Paf est immonde, se désole Christine Chevalier, porte parole du RESF 43 (Réseau éducation sans frontières). Ses tuteurs qui sont venus très naïvement au rendez-vous, qui ont répondu pendant plusieurs heures aux questions de la police pour finalement apprendre à 19 heures que la police emmenait Madama dans un CRA à Lyon. C’est très bas. C’est très très bas de la part du préfet. » Elle ajoute : « Il y a eu un guet-apens manifeste ! Je pense que le préfet règle ses comptes avec Eric Durupt et Véronique de Marconnay [pour leur militantisme pro-migrants, Ndlr]. C’est une histoire hautement politique, c’est pour ça qu’elle n’aboutit pas. C’est une guerre déclarée, une guerre des idées très fortes. » Christine Chevalier appuie : « Il faut que M. le préfet accepte de voir la réalité un peu en face et qu’il reprenne pied dans le domaine de l’humanité. Pour l’instant, Eric Etienne déplie mensonges, mépris et irrespect. Il n’y a pas de mot pour décrire son attitude ».