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Le chantier de l’église des Carmes selon Michel Chapuis

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 28/02/2021 à 19:00

Devant le conseil municipal du Puy du 26 février, les travaux du bâtiment religieux ont été mis sur le tapis par l'opposition. Le maire a donné en détail sa version sur l’histoire du chantier.

Laurent Johanny et Catherine Granier-Chevassus, tous deux installés dans les sièges de l’opposition à la municipalité du Puy-en-Velay, ont posé de multiples questions (en visio conférence) sur le même sujet. Dossier Ô combien sensible, le chantier de l’Église des Carmes a fait couler beaucoup d’encre que ce soit dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Le chantier, qui aurait dû être terminé il y a deux ans, est toujours à l'arrêt.
Chacun tente de savoir ce qu’il se passe ou ce qu'il s'est passé sous les bâches tendues devant l’édifice que Catherine Granier-Chavassus qualifie de cette façon : « Les bannières de la Ville et de la Région qui claquent sur l’église des Carmes sont désormais là pour rappeler aux Ponots le fiasco de ce chantier ».

Afin d’équilibrer les différentes versions partagées ou pas dans les médias précédemment et de permettre aux lecteurs de se faire son propre avis, nous avons retranscrit l’intervention de Michel Chapuis, maire du Puy-en-Velay, lors de ce Conseil municipal.

Photo par Nicolas Defay

Rappel de l’histoire par le maire du Puy

« Des travaux sur l’église des Carmes ont été engagés en 2015. Ils ont consisté à reprendre la toiture et à consolider des éléments de la façade. À l’époque, Monsieur Allibert, votre colistier (de M. Johanny NDLR), avait pensé qu’il aurait été plus sage de démolir l’ensemble des portes et des tours et de reconstruire une nouvelle façade en verre ! Soit dit en passant, il avait également pensé à déboulonner la Vierge donc il n’était pas à ça près.
De notre côté, nous voulions reconstruire à l’identique. Nous voulions rebâtir les deux tours y compris l’encorbellement qui existe au-dessus et les barrières ciselées sur les hauts des tours nord et sud. La population avait été consultée et s’était prononcée pour une reconstruction à l’identique à l’original. Déjà, sur ce principe-là, il y a un différend entre nous ».

« On a plus de 84 éléments patrimoniaux au Puy-en-Velay. Ceci est une charge très importante pour nous. Mais je vous l’annonce ce soir, il y aura d’autres bâtiments similaires, à savoir encore une église, qui devront être sécurisés. Celle de l’église du Collège » Michel Chapuis

Trois entreprises, trois montants différents

« Une fois que l’on s’est décidé à une reconstruction à l’identique, il y a eu un marché d’appel d’offres. La première consultation qui a été faite le 29 avril 2016 avait été estimée à 1,6 millions d’euros hors taxes. Cela veut dire que le maître d’œuvre en charge de la rénovation du bâtiment avait évalué le chantier à 1,6 millions d’euros. Trois offres ont été proposées dans ce cadre. Une première par Armel Le Compagnon à hauteur de 1 121 062 euros HT. Une deuxième par une entreprise de la Loire avec une proposition à 1 961 865 euros HT. Une troisième, qui sont les Ateliers de Chanteloube (une entreprise altiligérienne) avec un montant de 2 055 103 HT. Cette dernière était en redressement judiciaire à ce moment là ».

« Après de multiples interventions de notre part en questions diverses ou durant l’étude des rapports initiaux et des avenants importants depuis six ans, voici une énième question diverse déposée au sujet du chantier de l’église des Carmes en cours pour quelques années encore malheureusement.
Sur ce dossier dont vous avez fait un symbole, nous disions en avril 2017 lors de la signature du second marché (le premier ayant été cassé par le tribunal administratif) :

Il parait anormal que l’entreprise soit retenue avec une offre 26% plus faible que l’estimation, alors même que les clauses techniques proposées ne correspondaient pas aux caractéristiques de l’opération, en témoignent d’ailleurs les offres de deux autres entreprises concurrentes ; et je cite « Si toutefois vous attribuez ce marché dans ces conditions nous espérons que ce chantier important se déroulera dans les meilleures conditions. Mais, nous pouvons légitimement craindre que l’entreprise en signant un marché à vil prix et à forts impératifs techniques connus, ne connaissent de grandes difficultés pour arriver à son terme ».

Compte-tenu de la lourde actualité récente, espérons que vous tâcherez cette fois de répondre à des interrogations plus que légitimes qui dépassent le cadre partisan. Compte-tenu de l’enjeu financier, espérons que vous ne chercherez pas, une nouvelle fois, à gagner du temps pour esquiver les responsabilités qui sont les vôtres. Compte-tenu de l’opacité que vous avez maintenue jusqu’alors au détriment du droit d’information des citoyens sur l’utilisation de l’argent public, espérons que vous aurez compris que la transparence la plus totale est nécessaire, en tout cas c’est ce que nous réclamons.

Concernant les procédures en cours, pouvez-vous préciser les éléments suivants ? Nous supposons qu’une réception des travaux aura lieu pour effectuer un état des lieux sous constat d’huissier. Qu’en est-il ? Après plusieurs demandes en vain, pouvez-vous fournir un état financier précis des sommes engagées par la collectivité en précisant si elles font suite à des tranches de travaux déjà réalisées ? Assurez-vous de rendre publique cette réception des travaux ainsi que sa comptabilité ? »

Concernant les travaux réalisés :

« De lourdes interrogations pèsent sur le suivi du chantier qui incombe à la collectivité. Vous avez toujours répété que vous étiez certain de la qualité du travail engagé.
Pour autant, il semble qu’une partie des pierres destinées à être remplacées ont été simplement ragréées : en quelle quantité ? Avec quelle assurance en termes de durabilité et de qualité ? Avec quelles conséquences financières étant donné qu’un ragréage ne peut être facturé au même montant qu’un remplacement ? La DRAC a-t-elle validé ce process ?

Les pierres indonésiennes livrées jusqu’à l’été dernier présentaient des motifs sculptés dans l’unique but de contourner la législation indonésienne. Notre collectivité peut-elle assumer cette pratique ? Peut-elle raisonnablement s’enorgueillir de conduire un tel chantier ?

C’est un immense gâchis humain et d’argent public dont les salariés de l’entreprise sont les premières victimes, auxquels s’ajoutent les riverains ainsi que le patrimoine local durablement altéré. Comme le mentionnait le maire précédent : « les Ponots sont très attachés à leur patrimoine historique et architectural. Ils ne veulent pas que l’on fasse n’importe quoi de leur ville ».

Des pierres chinoises

Michel Chapuis précise : « Nous voyons ainsi que le delta entre les estimations du maître d’œuvre (1,6 millions d’euros) et les propositions des entreprises est alors de 400 000 euros. Monsieur Johanny, vous avez dit que l’offre de Le Compagnon était anormalement basse. Mais on peut dire la même chose de l’autre côté avec l’offre la plus haute. C’est une question de regard sur les affaires, Monsieur Johanny.

Je rappelle également qu’à l’époque, l’entreprise Le Compagnon avait déjà travaillé pour la collectivité à l’Atelier des Arts avec de la pierre qui venait... de Chine ! Et c’était durant votre majorité sous les mandats d’Arlette Arnaud Landau et de Marcel Schott. 
Pour l’Hôtel Dieu, les pierres venaient aussi d’Indonésie. Concernant l’entreprise Le Compagnon, ce n’était pas un débutant. C’était une entreprise locale qui avait des références. Quand elle avait importé des pierres sur ces chantiers précédents, cela n’avait gêné personne, d’ailleurs ».

« Nous reprocher que nous avons précipité à la faillite une entreprise en donnant du travail à 18 salariés, c’était plutôt le contraire. » Michel Chapuis

« Nous n’avions pas examiné attentivement les deux autres offres les plus chères »

« Nous avons retenu l’appel d’offre qui était la moins chère. Et c’est l’entreprise Le Compagnon qui a donc été choisie. Le tribunal administratif a effectivement débouté ce premier marché mais n’a pas débouté au principe que nous avions choisi le moins disant (le moins cher, Ndlr). Le marché a été dénoncé par le tribunal au motif que nous n’avions pas examiné attentivement les deux autres offres les plus chères. Dans le cadre du code des marchés publics, cet argumentaire n’avait pas place. Il a fallu alors déclarer ce marché irrecevable. »

Photo par Nicolas Defay

Un écart de 800 000 euros avec la proposition du plus cher

« Il y a eu donc une décision de justice. Le problème est réglé. Le premier marché n’existe plus. Le 17 novembre 2016, on relance un nouveau marché d’appel d’offres. Ce sont de nouveau les trois mêmes entreprises candidates avec des offres légèrement différentes. Le Compagnon propose 1 189 000 euros, la seconde 1 981 000 euros et la dernière 2 014 000 euros. Nous avons demandé des justifications de prix aux trois entreprises. Dans le cadre de négociations adaptées, il a été demandé à Le Compagnon de chiffrer l’installation d’une grue sur le chantier puisque, sur les trois entreprises, c’était la seule qui proposait de monter les pierres par un monte-charge. Son prix nous semblait sous-estimé. Au final, l’offre de Le Compagnon a été retenue pour un montant de 1 237 073 euros HT. Un écart de 800 000 euros avec la proposition du plus cher ».

« Aucun vote n’était contre ! Quand on s’abstient, cela veut dire que l’on ne prend pas parti ce qui est très confortable, soit dit en passant ». Michel Chapuis

« Sur 6 votes, on a eu 5 votes « pour » et un vote d’abstention de Monsieur Allibert !  »

Une assistance à maîtrise d'ouvrage avait été payée par la Ville du Puy afin d'aider la commission pour décider. Celle-ci avait donné un avis très défavorable à l'offre de l'entreprise Le Compagnon, tout comme les services techniques de la Ville, rappelle Willy Guieau, aujourd'hui dans l'opposition de Catherine Granier-Chevassus.
Michel Chapuis répond : « La commission d’appel d’offres a retenu le moins disant de l’époque, à savoir Le Compagnon. J’étais présent à cette commission tout comme Monsieur Guieau (qui appartenait à ce moment-là à la majorité, Ndlr) qui lui aussi a voté favorablement. Sur 6 votes, on a eu 5 votes « pour » et un vote d’abstention de Monsieur Allibert. Cette attribution a fait l’objet d’une délibération au conseil municipal. Elle a été votée par la majorité « pour ». Les 4 membres de l’opposition où étaient présents Monsieur Johanny et Madame Granier-Chevassus se sont tous abstenus. Aucun vote n’était contre ! Quand on s’abstient, cela veut dire que l’on ne prend pas parti ce qui est très confortable, soit dit en passant ».

Le problème des pierres

« En septembre 2017, le chantier commence. Un premier versement est fait à l'entreprise, versement tout à fait légal, pour permettre l'installation du chantier. Arrive à ce moment-là le problème des pierres. Les deux fournisseurs qui pourraient nous fournir en pierres locales sont un résidant dans le Cantal et un autre à Blavozy. Les services de la mairie se déplacent dans la carrière de Blavozy pour savoir si on peut avoir des pierres et Jean-Pierre Vigier [député LR du Puy-Brioude, Ndlr], qui connaissait bien la carrière du Cantal, rencontre le professionnel en question. Malheureusement, à cause des conditions météorologiques catastrophiques du moment, il était impossible de se fournir ».

« Monsieur Johanny, vous ne pouvez pas me parler de gabegie financière ; il n’y a pas de gabegie financière dans ce dossier » Michel Chapuis

« Les pierres de Blavozy et du Cantal n’étaient pas de qualité »

« Compte tenu de ce qu’il s’était passé sur l’Atelier des Arts et La Chaise-Dieu, Le Compagnon a proposé de se fournir avec des pierres provenant d’Indonésie. Mais, vu que nous étions dans la rénovation d’un monument historique, nous voulions avoir l’accord de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles, Ndlr).
Cela a été l’objet d’une réunion où le maître d’œuvre de la DRAC et celui du chantier des Carmes ont convenu ensemble que les pierres de Blavozy et du Cantal n’étaient pas de qualité. Avec la certification des autorités compétentes, un assentiment a ainsi été formulé pour celles d’Indonésie. Entre temps, le chantier a continué avec la déconstruction des tours et une récupération des meilleures pierres pour qu’elles soient réutilisées. Les pierres de la façade ragréées sont validées par les architectes de la DRAC et du chantier. »

« Pour le moment, on peut considérer que nous avons encore 800 000 euros pour finir le chantier » Michel Chapuis

« Aujourd’hui, la ville a payé un montant total de 1 180 042 euros »

« Sur l’aspect budgétaire, il y a eu un 1er avenant supplémentaire de 60 898 euros HT plus un 2ème avenant de 174 453 euros HT. Cela porte donc le marché de l'entreprise Le Compagnon à 1 472 425 euros HT. A ce jour, la Ville a payé un montant total de 1 180 042 euros à travers 21 certificats de paiement. Par rapport à la gabegie financière décriée par Monsieur Johanny, nous sommes encore à un delta de 800 000 euros par rapport à l’entreprise la plus chère. Voilà la réalité financière actuelle. Pour le moment, on peut considérer que nous avons encore 800 000 euros pour finir le chantier ».

Photo par Nicolas Defay

« Une envie de gérer ce chantier en bon père de famille »

« Monsieur Johanny, vous ne pouvez pas me parler de gabegie financière ! Il n’y a pas de gabegie financière dans ce dossier. Il y a au contraire une envie de gérer ce chantier en bon père de famille et qu’il soit le moins cher pour la collectivité. Il n’y a pas eu ni magouille, ni quoi que ce soit. On espère que la fin du chantier ne nécessitera pas d’utiliser les 800 000 euros d’avance. Et c’est ce qu’on s’attachera à faire ».

« C’est toujours plus facile de récrire l’histoire à la lumière du passé avec de grands donneurs de leçons. Je vous reconnais bien là, d’ailleurs, M. Johanny ». Michel Chapuis

« La réalité est uniquement celle que je viens de vous dire »

« Dire, Monsieur Johanny, que le fait d’avoir attribuer ce chantier à l’entreprise Le Compagnon devait conduire à sa perte, il faut être devin pour imaginer ça, Monsieur Johanny. Mais c’est toujours plus facile de récrire l’histoire à la lumière du passé avec de grands donneurs de leçons. Je vous reconnais bien là, d’ailleurs, Monsieur Johanny. Pourtant, la réalité est uniquement celle que je viens de vous dire. Nous reprocher que nous avons précipité la faillite d'une entreprise en donnant du travail à 18 salariés, c’était plutôt le contraire. Le métier des collectivités c'est de donner du travail à nos entreprises locales, surtout quand elles ont déjà travaillé par la passé avec nous ».

Où en est-on maintenant ?

Comme on le sait, l'entreprise étant en liquidation judiciaire, le chantier est totalement stoppé ce qui, dans les faits, était quasiment le cas depuis longtemps. Et Michel Chapuis de préciser que "contrairement à ce qui a été dit dans la presse" ces pierres appartiennent à la collectivité et que toutes les petites balustres en haut des tours sont déjà taillées. Pour éviter un démontage, la collectivité devrait  racheter l’échafaudage au prix de 25 000 euros puis le revendre à la fin du chantier.

« Il faut bien sûr terminer le chantier ! Il va donc falloir relancer un marché d’appel d’offres »

« Sur l’état d’avancement du chantier, il ne s’agit pas d’empiler à l’ancienne les pierres. C’est tout un travail technique de confortement qui nécessite de l’ingénierie béton, des structures béton, des cerclages et des chaînages. Compte tenu du travail qui a déjà été fait, il nous reste les faces de la tour nord et la partie sud à terminer et toutes la partie ragréage ainsi que les petites balustres. Il faut bien sûr terminer le chantier ! Il va donc falloir relancer un marché d’appel d’offres. Je ne sais pas quelles seront les entreprises candidates.
Pour les pénalités de retard qui ont été demandées au liquidateur judiciaire, elles se montent à 500 euros par journée. Ce qui représente une somme de 100 000 euros. Tout ça est la véritable histoire du chantier de l’église des Carmes, décrite de façon transparente, telle qu’elle est et détaillée ».

Photo par Capture d'écran

« Il y en a ras-le bol d’entendre sans arrêt que les politiques seraient en cheville avec les entreprises et le judiciaire dans un truc qui n’a ni queue ni tête ». Michel Chapuis

« Et puis il y a le récit du complot par une presse ... qui a écrit un récit sur la base d’une théorie du complot. Quelqu’un qui voit des magouilles et des politiques véreux partout dans ce dossier. Tout ça avec des détails qui sortent de leurs contextes, qui ne sont pas complets et qui laissent croire à tout le monde que les élus ne sont pas clairs.
Et tout ça vous amène à poser des questions. Ce récit décrit dans cette presse n’est pas un récit factuel. La réalité, ce sont tous les éléments que je vous ai donnés, point ! »

Photo par Nicolas Defay

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