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Soutien à Madama : « J’ai le cœur qui explose »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 17/02/2021 à 15:55

« J’ai le cœur qui explose »...Cette phrase de Véronique de Marconnay résume parfaitement ce qu’il s’est passé ce mercredi 17 février. Avec le sien, ce sont plus de 600 cœurs qui ont explosé dans les rues du Puy pour soutenir Madama Diawara, menacé d’expulsion par la préfecture de Haute-Loire.

Encore une fois, je manque de temps. Les minutes défilent et je suis là, face à mon écran, devant le curseur qui scintille doucement. Il bat comme un cœur, comme une pulsation de sang noir, hâte et effrayé de formuler les bons mots, la bonne description, le meilleur reflet du réel. Si petit qu’il est, il peut déplacer des montagnes, anéantir des mondes, faire sourire ou déclencher des tempêtes. Ce qu’il s’est passé ce matin du mercredi 17 février 2021 est une véritable torture pour ce petit curseur. Car tant d’émotions est impossible à retranscrire. Tous ces regards, ces cris, ces étreintes. Tous ces jeunes, ces vieux, ces femmes et ces hommes. Toutes ces couleurs de peaux différentes marchant dans le même sens. Tous derrière Madama Diawara et sa famille de cœur, Véronique de Marconnay et Eric Durupt.

Madama Diawara au premier plan. Photo par Nicolas Defay

Infos de dernière minute !

Eric Durupt suspend sa grève de la faim. "Nous avons reçu hier les papiers d'identité que nous demandait la préfecture, à savoir un extrait de naissance authentique provenant du Mali. En fonction de ce que décidera le préfet qui aura ainsi tous les documents requis, je continuerai ou pas ma grève de la faim".

Samedi 20 février à 10 heures, un rassemblement est prévu devant la préfecture. À 10h30, une opération de tractage est programmée. À 12 heures, un repas est prévu sur la Place du Breuil. Une réunion avec différentes structures notamment le Resf est planifiée ensuite à 14h30.

« C’est quoi, déjà, la devise de la République Française ? »

Au fil de l’histoire, la Place Cadelade de la cité ponote a vu d’innombrables départs de mobilisations. Des combats pour maints sujets, des luttes pour pléthore de revendications. Mais rare voir aucune n’a regroupé autant de personnes pour soutenir le maintien en France d’un migrant et hurler contre son expulsion. Ils sont plus de 600 à brandir des panneaux en carton, des banderoles faites avec trois bouts de ficelles, mais avançant unis et forts dans les rues du Puy en chantant des slogans de ralliement, des slogans de colère et d’espoir.

Et si Madama Diawara et ses parents de cœur sont devenus le visage de cette résistance, la contestation va même au-delà. « Nous sommes ici pour Madama et tous les migrants dans sa situation, explique un groupe de jeunes du Réseau Lycéen 43. C’est quoi, déjà, la devise de la République Française ? Liberté, Égalité et Fraternité. Tout ce que subissent Madama et les autres comme lui est à l’exacte contraire de ce symbole ! »

Malgré les vacances scolaires, beaucoup de jeunes sont venus. Photo par Nicolas Defay

« J’ai le cœur qui explose devant tant de solidarité »

Aux alentours de 11 heures, le cortège quitte la Place Cadelade. Le boulevard du Breuil, celui de Saint-Louis et la rue Pannessac vibrent alors sous ses pas. La Place de la Mairie devient le théâtre d’un dense rassemblement, emplissant l’espace des murs du bâtiment municipal aux escaliers de la Place du Clauzel jusqu’à l’Arbre de la Liberté. Des sit-in ponctuent la progression dévoilant aux photographes l’importance de la manifestation. Véronique de Marconnay et Eric Durupt sont devant la banderole principale tenue par Madama et d’autres mains. Le couple semble abasourdi par ce flot de fraternité réuni pour combattre à leur côté. « J’ai leur cœur qui explose, confie Véronique de Marconnay. J’ai le cœur qui explose devant tant de solidarité. J’ai le cœur qui explose », répète-t-elle en regardant tous les visages présents.

Véronique de Marconnay et Eric Durupt. Photo par Nicolas Defay

« Madama, comme tous les autres, a droit à une vie digne et décente »

Devant la préfecture, les discours. Des discours éprouvants, émouvants, passionnants. « Si nous sommes toutes et tous réunis aujourd’hui, c’est pour manifester notre soutien et notre solidarité auprès de Madama et aussi des autres migrants et famille de migrants qui sont dans une situation semblable, commence Véronique de Marconnay. À en juger par le nombre que nous sommes aujourd’hui, cette journée est un moment de revendication, mais aussi d’espoir. Nous l’avons accueilli chez nous, comme des dizaines de familles en Haute-Loire et des milliers en France, parce que nous en avions une chambre de libre et parce qu’il avait besoin d’un toit. Parce qu’il était là, tout simplement, 16 ans et demie, démuni, perdu. Rien ne nous préparait au chemin de croix qu’est la lutte pour la régularisation des mineurs étrangers. Rien ne nous prédestinait à nous engager à corps perdu dans cette lutte pour que Madama puisse rester parmi nous. Et pourtant nous sommes là, et nous n’arrêterons pas, car Madama, comme tous les autres, a droit à une vie digne et décente ».

"Monsieur le Préfet de la Haute-Loire, Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
Je tiens à vous faire part de mon indignation concernant votre refus de régularisation du jeune Madama Diawara. Ce dernier est passible d’une « obligation de quitter le territoire français ».
De quel territoire parlons-nous ? En Haute-Loire, il y a une cinquantaine de jeunes dits « mineurs isolés ». Madama en faisait partie, il y a peu. Son entrée dans l’âge adulte, il a aujourd’hui 19 ans, ne le sort pas de la condition de jeune.

Ces jeunes sont une chance pour nous. Ils nous rappellent la chance que nous avons de vivre ici. Ils ont tant à nous apprendre, nous avons tant à partager avec eux. A travers l’expulsion de Madama, quel message envoyons-nous à l’ensemble de la jeunesse ? Pensez-vous que les jeunes vont subir ainsi sans un moment ou un autre se soulever ? La jeunesse, toute la jeunesse, a besoin de considération et d’attention. En portant atteinte à la sécurité de Madama, on porte atteinte symboliquement à celle de tout autre jeune.

A l’heure où l’on parle de résilience, comment l’Etat français peut-il faire si peu de cas d’une situation humaine aussi douloureuse en répondant par une violence aussi brutale. Il ne s’agit pas de « papiers » et d’âge exact de la personne. Nous ne pouvons accepter qu’une personne soit réduite à des papiers. Oui, c’est bien d’une personne dont on parle avant tout. Pourquoi ajouter de la souffrance à la souffrance ? Imaginez ce que représente une expulsion pour ce jeune, ce que cela signifie psychiquement.

Cette situation n’est pas digne de notre république, ne correspond pas à nos traditions, à nos valeurs et à notre identité française. La France, ce n’est pas ça. Nous ne nous reconnaissons pas à travers votre décision et ses conséquences. Ce n’est pas ça la France, ce n’est pas ça la France que nous voulons.

A l’heure où l’on prétend associer la société civile, il est temps que vous nous écoutiez. Vous représentez l’Etat, vous en êtes l’un des nombreux serviteurs et à ce titre vous devez nous représenter. Nous ne pouvons laisser faire n’importe quoi en notre nom. Quand bien même la loi vous y autorise, elle ne vous y oblige nullement.

Madama, accueilli par un couple d’enseignants depuis deux ans, risque de se retrouver au Mali, pays dont vous connaissez la situation politique, alors qu’en France, il devait effectuer un contrat d’apprentissage. Ce jeune n’est pas isolé, il a des liens en France, il est accueilli par une famille.

A sa souffrance s’ajoute celle de ses proches qui ont tissé des liens affectifs forts et ont accompagné ce jeune au quotidien. Cette situation produit de la souffrance, de l’insécurité et de l’illégalité. La présence de Madama dérange qui ? fait peur à qui ? menace qui ?

Nous vous demandons instamment de prendre une décision digne d’humanité et de permettre à Madama de s’épanouir en servant la France. Ainsi, vous servirez la France".

Michaël Faure auteur de « Voyage au pays de la double peine », éditions « L’esprit frappeur », 2000.

Lors des discours devant la préfecture. Photo par Nicolas Defay

« Le choc a laissé place à l’indignation, et l’indignation à la colère »

« La préfecture fait traîner pendant des mois, demande sans cesse des documents complémentaires, nous balade de rendez vous en rendez vous depuis plus d’un an sans jamais donner de réponse, souffle le chaud et le froid et c’est un jeu cruel et glaçant, livre Véronique de Marconnay. En désespoir de cause, nous nous tournons vers la presse afin d’exposer l’urgence et l’injustice de la situation, nous lançons une pétition (plus de 34 000 signataires) ».

Elle continue : « Le 30 janvier, Eric entame une grève de la faim. Et là le couperet tombe : la préfecture répond au journal, pas à nous, pas à Madama, à la presse, qu’ils ne donneront ni autorisation de travail, ni titre de séjour, car ils estiment que Madama a fourni des documents d’identité non-réglementaires. C’est le choc, pour Madama, pour ses proches. Le choc a laissé place à l’indignation, et l’indignation à la colère ».

Eric Durupt. Photo par Nicolas Defay

Une lutte à corps perdu

Eric Durupt a entamé une grève de la faim depuis le samedi 30 janvier. Il a perdu plus de 7 kilos, son visage est blanc comme la craie, il doit souffler quelque fois pour suivre le mouvement de la mobilisation. Et malgré ça, il garde la tête haute, plus résolu que jamais. « Beaucoup me demande comment je vais, lance-t-il à la foule autour de lui sur la Place du Breuil. Je ne peux aller que bien quand je vois tout ce monde réuni ! »

Sa compagne ajoute : « C’est un acte grave et désespéré qu’une grève de la faim. J’en suis le témoin au quotidien, désolée, angoissée, mais solidaire. Faut-il donc qu’un homme tombe et s’écroule aux portes de cette préfecture pour que les choses changent, enfin ? Pour Madama, et pour les autres ? Pour que les portes s’ouvrent ? »

L'attroupement sur la Place du Breuil. Photo par Nicolas Defay

« Ces liens-là ne peuvent être brisés par personne. Personne »

L’histoire de leur combat est dévoilé lentement par le couple d’enseignant, de sa genèse à aujourd’hui. Les gens les regardent en silence ou répondent simplement par des applaudissements. Les mains tremblent, les gorges se serrent et les mots se déversent un à un dans le micro à quelques mètres du bâtiment d’État et de ses tampons administratifs.

Pour clore leurs interventions, Véronique de Marconnay et Eric Durupt partagent ces toutes dernières phrases : « Les règles implacables et les délais interminables de l’administration préfectorale ne prennent pas en compte les liens qui peuvent se tisser lorsqu’on ouvre sa maison pour accueillir un jeune migrant. Sa maison, et son cœur. Car ces liens-là ne peuvent être brisés par personne. Personne ».

Madama Diawara, Eric Durupt et Véronique de Marconnay. Photo par Nicolas Defay

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