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Madama : un choc pour lui et les soutiens au jeune malien

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 15/02/2021 à 15:30

Ce lundi 15 février, Madama Diawara a été convoqué par la préfecture de la Haute-Loire pour lui présenter les alternatives quant à son avenir. Dans une atmosphère saisissante de violences administratives, l’État lui ferme la porte de la France au nez et souhaite le renvoyer dans son pays déchiré actuellement par la guerre et les atrocités.

Au début...un peu d’espoir. Des sourires échangés. Des tapes sur l’épaule. Des regards rassurants. Les gens qui sont là devant la préfecture à applaudir ensemble, tous réunis pour Madama et son combat. La seconde d’après...le chaos. Les pleurs. Les insultes. Les cris. Un corps qui s’effondre par terre. Des instants si violemment humains, des secondes si teintées d’accablement qu’elles semblent cristalliser le temps en un long hurlement de souffrance. Vingt minutes après s’être rendu devant les services de l’État statuant sur son sort, Madama est ressorti de sa convocation les yeux à terre, suivi par Céline D’Amore de Resf (Réseau Education Sans Frontières). « C’est non, dit-elle à l’assemblée regroupée devant le portail du bâtiment. C’est non, répète-t-elle les larmes aux yeux. La préfecture reste sur sa position. Elle veut renvoyer Madama au Mali ».

Photo par Nicolas Defay

Les propositions de la préfecture à Madama :

Les services de la préfecture ont proposé à Madama Diawara d’obtenir une aide au retour au Mali. Une solution que le jeune malien et Céline D’Amore ont refusé car signifiant son accord pour quitter la France. « En général, cette aide est composée d’un billet d’avion prépayé et de quelques euros, explique Céline D’Amore. Ça peut être de l’ordre de 300 euros par exemple. » Le fait qu’ils aient refusé cette aide signifie que Madama recevra dans les prochains jours une OQTF, autrement dit une Obligation de Quitter le Territoire Français.

« Pour qu’il reste chez nous, chez lui, en France »

Le rendez-vous pour Madama était fixé à 10 heures en ce matin ensoleillé. Mais déjà à 9h30, ses soutiens arrivent sur la place du Breuil. Ils sont ainsi une trentaine autour du jeune malien et de sa famille de cœur Eric Durupt et Véronique de Marconnay. Tous discutent discrètement, sourient parfois, hochent la tête en regardant le sol. Les visages sont fermés mais ils espèrent tout de même quelque chose. Ils sont confiants. « Ce que l’on attend c’est que le préfet accorde un délais à Madama et à nous le temps que les nouveaux documents d’identité que nous avons demandés au Mali arrivent en France, partage Eric Durupt en grève de la faim depuis maintenant 17 jours. Nous espérons seulement ça pour l’instant. Juste ça. »

Son visage est émacié, son aspect fragile, mais ses convictions plus vives que jamais. « Rien ne pourra m’arrêter, assure cet enseignant d’histoire-géographie au lycée de la Roche Arnaud. Aucune pression ne me brisera. Pour Madama, je pousserai jusqu’à mes derniers retranchement pour qu’il reste chez nous, chez lui, en France ».

« Vendredi 12 février, Céline D’Amore et moi-même avons rencontré Eric Plasseraud, directeur de la citoyenneté et de la légalité. Nous avons parlé avec lui pendant 1h30. On a essayé d’argumenter tout ce qui était possible d’argumenter par rapport à la situation de Madama et des autres migrants. Il a dit que madame de Marconnay et madame D’Amore ou moi pouvaient accompagner Madama au rendez-vous de la préfecture ce lundi 15 février à 10 heures. C’était acquis ! »

« Mais c’était toujours comme ça avec les services de l’État. Nous avons une réponse verbale, puis une réponse écrite qui n’est pas la même. Nous certifions coûte que coûte avoir bien compris que madame de Marconnay pouvait être présente. On a bien fait répéter. D’autant plus que Véronique de Marconnay avait d’autres éléments à communiquer pour compléter le dossier. C’est ridicule, malsain et même vicieux de ne pas recevoir la personne qui a les documents en question ».

« Autre chose, en ce moment la région de Kayes, la zone d’où est parti Madama, est très dangereuse. Il y a des exactions dans tout le secteur de la part notamment des djihadistes. L’armée française et malienne font ce qu’ils peuvent pour maintenant la situation. Mais on ne peut pas renvoyer un gamin comme ça dans un pays qui explose ».

Mobilisation contre l'expulsion de Madama

Une mobilisation en soutien à Madama Diawara est prévue mercredi 17 février à 10h30 au départ de la Place Cadelade au Puy-en-Velay.

« Vous ne pouvez pas entrer, madame ! »

10 heures approche. Madama Diawara, Eric Durupt et Véronique de Marconnay se dirigent alors vers le portail du bâtiment. Devant l’accès à la préfecture se tiennent quatre policiers. La tension monte. « Vous ne pouvez pas entrer, madame ! », lance un agent à Véronique de Marconnay. « Mais pourtant, lors de la réunion vendredi dernier avec Eric Plasseraud (directeur de la citoyenneté et de la légalité, Ndlr), il nous avait certifié que je pouvais aller à cette convocation avec Madama, s’inquiète-t-elle. Et j’ai avec moi les nouveaux documents que nous a demandés la préfecture ». Le rang des policiers se serre aussitôt. « Non, vous ne pouvez pas entrer ! », insiste-t-il. Les mâchoires se verrouillent. Les regards brillent. « Mais renseignez-vous, bon sang !, proteste Eric Durupt. C’était ce qu’on nous avait assuré il y a trois jours ! ». Malgré le coup de téléphone du policier, les ordres ont apparemment changé à la dernière minute. Seuls, Madama et Céline D’Amore disparaissent derrière les murs de l’administration.

« C’est encore un obstacle qu’on nous rajoute une fois de plus. On est littéralement choqué que le préfet ne nous laisse même pas entrer pour soutenir la demande de Madama ». Eric Durupt

Madama, V. de Marconnay et E. Durupt devant les policiers. Photo par Nicolas Defay

« De quoi ont-ils peur ? D’un gars en grève de la faim depuis 17 jours ? »

Les minutes passent. Les crispations se durcissent. Les mots se font mâcher par les bouches en colère. « On m’a interdit l’accès à la préfecture », tombe des nues Véronique de Marconnay. Ses mains ne cessent de trembler. « C’est vrai que l’inquiétude grandit, confie-t-elle les larmes à un clignement de sombrer sur son visage. On nous avait promis que je pouvais venir avec lui. Aujourd’hui, c’est différent. La sévérité s’est accrue ».
À ses côtés, Eric Durupt ajoute : « De quoi ont-ils peur ? D’un gars en grève de la faim depuis 17 jours ? C’est encore une fois une forme de maltraitance institutionnelle aberrante. C’est volontaire. Ils nous demandent de nouveaux papiers. Et à nouveau on refait de nouveaux papiers. Des documents que Véronique ne pourra même pas présenter ». « J’ai eu le temps de donner à Céline D’Amore le minimum, c’est à dire une photocopie certifiée conforme de sa carte consulaire, précise-t-elle. Pourquoi on ne m’autorise pas à y aller ? Pourquoi ? Pourquoi ? »

"Madame de Marconnay et Monsieur Durupt, les tiers dignes de confiance du jeune malien, en situation irrégulière, Madama Diawara, ont tenu la semaine dernière des propos indignes et révoltants à l'endroits de l'Etat et de ses représentants.

Ils ne seront reçus à la préfecture de la Haute-Loire que postérieurement au retrait public de tels propos et aux excuses qu'ils ne manqueront pas de formuler.

Dans la version dématérialisées du Progrès La Tribune du 9 février 2021, Monsieur Eric Durupt indiquait que le refus de délivrance d'une carte de séjour, sur présentation de fausses pièces d'état civil, est du racisme de l'Etat.

Madame de Marconnay dans une interview à France Bleue Saint-Etienne du 12 février 2021 établissait clairement un parallèle entre le jeune malien en situation irrégulière et le "martyr des juifs" durant la seconde guerre mondiale qui fuyaient la logique implacable de déportation et de mort du régime nazi.

Devant de tels propos, de tels amalgames, le Préfet de Haute-Loire est indigné.

Il condamne fermement ces propos honteux et cette atteinte à la mémoire des victimes de la barbarie nazie.

Il espère des excuses publiques et le retrait pur et simple de ces allégations infondées, et dans cette attente, il ne recevra le 15 février 2021 que le jeune Diawara accompagné d'un interprète".

Eric Durupt après la nouvelle de la décision préfectorale. Photo par Nicolas Defay

Et son corps s’écroule

Et puis Madama revient. « C’est non, dit Céline D’Amore. C’est non. La préfecture reste sur sa position. Elle veut renvoyer Madama au Mali ». Une détonation. Une explosion. Une chute dans l’abîme. Eric Durupt fond devant la décision du préfet de la Haute-Loire. En dépit des 7 kilos perdus durant sa grève de la faim, malgré sa fatigue imposée par les innombrables carences alimentaires, il est retenu par plusieurs personnes pour l’empêcher de se confronter au mur policier. Son amour pour Madama et le combat qu’il mène avec sa compagne décuplent ses forces. « Ça vous plaît cette situation !, hurle-t-il aux forces de l’ordre. Ça vous plaît ça , hein ? » Et son corps s’écroule sur le trottoir, son visage plus livide que jamais.

Tout a semblé irréel. Tout a semblé si bref et si long à la fois, comme un cauchemar de quelques secondes, une éternité dans les songes. « La France, terre d’accueil ?, demande Laurette Pays. Non ! Elle n’est pas une terre d’asile. Elle n’est plus une terre d’asile ». En regardant Eric Durupt s’éloigner dans l’ambulance, elle souffle alors doucement : « Cette belle image de la France est définitivement révolue ».

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