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Madama : « Si c’était votre enfant, que feriez-vous, vous ? »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 09/02/2021 à 18:55

Malgré l’interdiction de manifester au Breuil exigée le jour-même de la mobilisation par la préfecture, les soutiens du jeune malien se sont retrouvés nombreux devant la mairie du Puy-en-Velay. « Cela montre que des valeurs ne sont pas encore mortes en France, comme celle de la solidarité », partage Eric Durupt, en grève de la faim depuis 11 jours.

Certains attendaient encore vers la fontaine du Breuil, assistant sans comprendre à la démonstration de force des agriculteurs devant la préfecture. En retrait des tracteurs et des cargaisons de fumiers déversées devant les grilles, ces égarés tiennent timidement leurs panneaux de cartons avec le prénom Madama inscrit dessus au marqueur noir. « C’est sur la place de la mairie que ça se passe, indique un passant. La manifestation pour Madama a été déplacée là-bas ».

Prévu au préalable devant le bâtiment d’État, le regroupement contre l’expulsion du jeune garçon a dû changer de lieu. Quelques heures avant le départ de la manifestation, la préfecture a formulé un arrêté interdisant de venir sur le Breuil, prétextant, entre autres, la présence d’un groupe d’ultra gauche local possiblement dangereux et pouvant nuire à l’ordre public. Peut-être que quelques panneaux de cartons nuisent plus à l’ordre public que des tonnes de fumiers déversés sur la chaussée…

Photo par Nicolas Defay

Prochaine mobilisation

Un rassemblement contre l'expulsion de Madama est prévu mercredi 10 février à 14 heures devant la préfecture. Certains pourraient planter la tente pour un sitting de longue durée. La réponse de la préfecture sur le sort de Madama est attendue en fin de semaine ou début de semaine prochaine.

Derrière un combat personnel, une lutte plus grande

Sur la place du Martouret, les centaines de regards sont tournés dans la même direction. Devant eux, une famille. Devant eux, ce sont Eric Durupt, Véronnique de Marconnay et Madama Diawara. Et un peu gênés, un peu impressionnés, ils font face aux applaudissements de tous ces gens, à ces jeunes, à ces vieux, aux syndicats et aux associations, aux lycéens ou aux électrons libres juste là pour eux. Juste là, pour cette famille qui se tient côte à côte, à quelques mètres de l’arbre de Liberté. Plus qu’un combat personnel, la lutte de ce couple d’enseignants est devenu à présent le symbole d’une révolte bien plus grande.

« Madama n’est pas une exception malgré ce que voudrait faire croire la préfecture, insiste Eric Durupt. Il est victime d’un processus préfectoral et administratif qui vise simplement à exclure un maximum de jeunes tels que lui ». Les médias locaux sont sur les lieux. Avec eux, des journalistes moins courants en Haute-Loire sont présents également comme la radio RTL ou l’équipe de « Là-bas si j’y suis » de Daniel Mermet sur sa chaîne.

« Pour nous la question ne se pose pas ! Madama aura ses papiers ! Nous sommes déterminés ! Madama doit avoir ses papiers ! » Eric Durupt et Véronique de Marconnay

Photo par Nicolas Defay

« Vous ne vous battriez pas comme moi ? »

11 jours de grève de la faim. Depuis le samedi 30 janvier, Eric Durupt a arrêté de se nourrir. Et malgré son visage de plus en plus émacié, il semble plus solide qu’une montagne. « Il est hors de question qu’on lâche quoi que ce soit !, livre-t-il. Madama, nous le considérons comme notre enfant. Nous avons passé deux ans de joie intense avec lui, deux ans de rires et parfois de larmes. Si c’était l’un de vos enfants menacés ainsi, que feriez-vous ? Vous ne vous battriez pas comme moi ? Vous n’y mettriez pas toutes vos tripes, votre santé et votre cœur ? Si c’était votre enfant, que feriez-vous, vous ? ». Il ajoute, les dents serrées : « Tant que je ne tombe pas, je me battrai ! »

Photo par Nicolas Defay

Une part infinitésimale de la population

Selon le rapport annuel d’activité 2019 sur les Mineurs Non accompagnés (MNA) du Ministère de la Justice, 16 760 jeunes migrants composés de 16 009 garçons et 751 filles ont été répertoriés.

À titre de comparaison, nous sommes 66,99 millions d’habitants en France d’après une l’étude Insee 2019. Les MNA représentent ainsi 0,00025 % de la population dans l’Hexagone.

« Ça serait même risible si la situation n’était pas aussi dramatique »

Sa compagne, Véronique de Marconnay, est là. Des yeux de cendres, une chevelure de charbon. Elle explique les méthodes que les services de l’État utilisent selon elle pour faire en sorte que rien ne puisse aboutir en faveur des migrants. « Dans le cas de Madama, la préfecture a dit qu’il y avait falsification et vols de documents originaux avec la possibilité d’usurpation d’identité. Selon le préfet de Haute-Loire, cela constitue un trouble à l’ordre public et ne délivrera donc pas de titre de séjour. Madama est né dans un village de la brousse au Mali où il y a très peu de chances que le registre d’état civil soit tenu régulièrement si tant est qu’il y en ait un ».

Elle continue : « Pour obtenir des papiers d’identité, il faut s’adresser directement au Mali. Ce sont des papiers très difficiles à avoir. La PAF (Police des Airs et des Frontières) les trouve faux. Il y a une petite tâche ici, il y a un petit blanc là, il y a une petite rature dans le coin... tout est prétexte à dire que c’est un faux. Ces papiers sont tapés à la machine et certains même écrits à la main. Si, par un cas extraordinaire, la PAF ne trouve rien à redire aux documents, ils vont alors émettre des doutes sur l’identification de la personne. Le préfet est tenu de donner une raison pour les renvoyer chez eux. Madama n’a pas commis de trouble à l’ordre public, c’est insensé, c’est ridicule, c’est farfelu. Ça serait même risible si la situation n’était pas aussi dramatique ».

En un peu plus d'une semaine, la pétition mise en ligne intitulée « Jeune migrant en détresse: aidez-nous à garder Madama, menacé d'expulsion » a recueilli plus de 28 700 signatures

Madama Diawara Photo par Nicolas Defay

« Cette vision est simplement insupportable »

« Quand ils reçoivent une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), soit ils sont renvoyés de force dans leur pays, soit ils disparaissent de la circulation et deviennent des clandestins, partage Eric Durupt. Et ensuite ? Ils vont rejoindre les chemins de la délinquance ou faire du travail au noir étant donné qu’ils ne sont pas autorisés à travailler officiellement. Et ceux renvoyés chez eux, ils vont tout faire pour revenir. Ils vont à nouveau retraverser le désert, retraverser la Méditerranée jusqu’à mourir en mer. Cette vision est simplement insupportable »

Juste les choses de la vie

Patiemment, Eric Durupt et Véronique de Marconnay répondent aux mille questions des journalistes. Parfois, ils retiennent leurs larmes, parfois leurs poings se ferment. « Ce n’est pas qu’il veut s’intégrer, c’est qu’il est intégré !, partage le professeur d’histoire-géographie. Madama a tous les atouts pour vivre en France. Au-delà de Véronique et moi, il y a un éleveur d’animaux qui est prêt à le prendre en apprentissage. Il est entièrement satisfait de lui. Et Madama est pleinement épanoui. Il veut et il doit rester ici ».

« C’est notre enfant par le cœur, confie la prof' d'Anglais. Cela fait deux ans qu’on travaille à son intégration, son alphabétisation, son apprentissage. Nos liens affectifs sont forts bien évidemment. Ils sont forts de tous ces moments passés ensemble, de toutes ces petites choses du quotidien, les rires, les sourires, les blagues, les larmes quelquefois, les incompréhensions par instant, les choses de la vie tout simplement. En fait, ce sont juste les choses de la vie comme vous avec vos enfants ».

À mesure que le rassemblement grossissait ou s'étiolait, la mobilisation a pu compter jusqu'à environ 250 personnes. La préfecture, elle, en a compté 100 devant la mairie et 20 devant la préfecture.

Eric Durupt et l'équipe de Daniel Mermet. Photo par Nicolas Defay

 

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