À l'initiative de la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) et de la DRAAF (Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt), ce webinaire de 3 heures a réuni près de 360 propriétaires forestiers, gestionnaires, agents de l'ONF, défenseurs de l'environnement, naturalistes et simples particuliers de la région AURA, autour d'une question : "Comment protéger les fonctions environnementales de la forêt ?"
5,5 millions de mètres cubes de bois récoltés chaque année
Jusqu'à une période récente, toutes les sociétés humaines fonctionnaient avec des énergies 100 % renouvelables : le vent, l'eau et le bois. Aujourd'hui encore, la production de bois émet moins de gaz à effet de serre que celle du verre, du ciment ou de l'acier, par exemple. Dans la région AURA, le volume de bois récolté se monte à 5,5 millions de mètres cubes par an, essentiellement des résineux (qui composent 39 % de la surface forestière régionale, grâce aux zones de montagne, contre 61 % de feuillus).
Un oasis pour 80% de la biodiversité terrestre
À côté de ces services productifs rendus aux humains, les forêts concentrent 80 % de la biodiversité terrestre et remplissent de multiples fonctions environnementales, dont la préservation et la purification des ressources en eau, ou encore l'atténuation des risques naturels, qu'il s'agisse des mouvements de sols ou des changements climatiques. On ne devient pas forestier sans avoir une sensibilité particulière pour le vivant et de nombreux acteurs, publics comme privés, se sont d'ores et déjà engagés dans le réseau régional FRENE, dont les adhérents acceptent de laisser certaines parcelles en évolution naturelle.
Des études pour informer les professionnels de la forêt
Pour aller plus loin, l'Etat et ses partenaires ont voulu formuler des préconisations aux gestionnaires et propriétaires en s'appuyant sur les conclusions de trois études :
- Une étude sur la prise en compte de la faune forestière, réalisée par la Ligue de protection des oiseaux
- Une étude sur l'enjeu "flore et habitats", conduite par les Conservatoires botaniques
- Une étude sur les ripisylves, menée par France nature environnement (FNE) AURA
L'objectif est de fournir aux gestionnaires et propriétaires forestiers des données concrètes sur la flore et la faune forestières, en particulier des relevés cartographiques, ainsi que des conseils de gestion.
"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible", met en garde le forestier Éric Dubois, en citant Saint-Exupéry
Ne pas toucher aux arbres morts
Les préconisations formulées sont très concrètes : laisser les arbres morts sur pied (le bois mort concentre 30 % de la biodiversité forestière) ainsi que les sujets âgés, laisser certains secteurs en évolution naturelle sans y toucher, préserver les sols en évitant de dessoucher et en limitant la circulation des engins, en pratiquant la sylviculture mélangée, en privilégiant les essences autochtones, etc.
La question des ripisylves, c'est-à-dire la végétation qui borde les cours d'eau (saules, aulnes, etc.), pose des défis particuliers. Elles jouent entre autres un rôle de premier ordre dans la filtration de l'eau (ce sont elles qui dénitrifient nos rivières) mais sont parfois grignotées par les cultures agricoles quand elles ne disparaissent pas dans les broyeurs des producteurs de bois-énergie. Leur protection est par ailleurs rendue délicate par les obligations d'entretien par des moyens mécaniques et donc néfastes : en cas de crue, des embâcles (enchevêtrements de bois) se forment contre les ouvrages d'art et peuvent en endommager la structure. La solution, pour les spécialistes de FNE, consiste ici à effectuer des opérations d'entretien les plus ciblées possibles.
"Les sécheresses à répétition (...) ouvrent des boulevards aux organismes pathogènes"
Éric Dubois, de l'Office national des forêts (ONF), insiste plus globalement sur le phénomène de dépérissement des forêts qui marque d'ores et déjà les paysages de la région AURA, quel que soit le mode de gestion des forêts d'ailleurs. "Les sécheresses à répétition entraînent des phénomènes de cavitation chez les résineux et ouvrent des boulevards aux organismes pathogènes, rappelle-t-il, comme le fameux scolyte de l'épicéa". À quoi s'ajoutent les tornades, de plus en plus fréquentes, et le risque croissant, même chez nous, de "méga-incendie", à l'image de ceux qui ont embrasé l'Australie (outre la destruction des forêts, ces feux de grande ampleur relarguent des quantités considérables de gaz dans l'atmosphère).
Une hécatombe à venir...
Si l'épicéa est menacé d'éradication, les spécialistes pointent également l'épée de Damoclès suspendue au-dessus du sapin pectiné (première espèce en volume de bois sur pied en AURA), qui pourrait sortir de sa niche climatique d'ici 70 ans et donc disparaître purement et simplement. Même chose pour le chêne pédonculé ou le chêne sessile, déjà menacé dans la forêt de Tronçais (Allier), avec une mortalité en hausse ces dernières années.
...mais des îlots d'avenir
Outre le "changement sociétal, national" que le forestier Eric Dubois appelle de ses vœux pour atténuer les effets du réchauffement, la solution envisagée à ce jour consiste à implanter des espèces méridionales. Certains tests sont d'ores et déjà en cours (notamment avec des chênes hybrides) dans ce que les forestiers appellent des "îlots d'avenir".
L'espoir vient déjà de la nouvelle génération de forestiers, beaucoup plus sensible à l'érosion de la biodiversité et aux enjeux climatiques. "La forêt mélangée est devenue la norme et ça paraît une évidence aujourd'hui, se félicite ainsi un intervenant. Ca ne l'était pas il y a encore quelques années même s'il faut encore gérer l'héritage des erreurs passées".
Oumpah-Pah