Il est né dans la douleur. La douleur du moment, la douleur des termes "non essentiels" employés par l’État, la souffrance d’être là, à regarder la culture vivante contempler l’ombre de sa propre mort grandir jour après jour. Dans son cri de naissance, les voix des artistes et des intermittents du spectacle sont poussés par les autres, celles des intermittents du travail, des précaires, des intérimaires, des vacataires, des saisonniers. Tous ceux dont l’existence n’a d’horizon que le lendemain, sans savoir ce qu’il adviendra d’eux dans une semaine, dans un mois, dans une année. Pour défendre chaque élément au sein de cette grande famille, ils ont fondé une sorte de cocon constitué d’échanges, d’idées, de partages et de compétences. Le 18 janvier à 15 heures, le Collectif Intermittents et Précaires de la Haute-Loire a pris sa première respiration.
« Le CIP est là pour défendre nos métiers et l’utilité de nos métiers en partageant les compétences de chacun. Comme dit l’adage : « Seul on va plus vite, mais nombreux on va plus loin ». Hervé Marcillat, comédien de théâtre
Mutualiser les compétences et les informations
« Le CIP s’inscrit dans un mouvement national mais qui est une émanation locale altiligérienne, explique le comédien Lionel Ales. Il rassemble tous les gens qui subissent une discontinuité de leur emploi quelle que soit leur profession. » Il insiste sur le sens principal que revêt le CIP : « Ce collectif va servir à nous rassembler et nous entraider. C’est de la mutualisation d’informations. Nous souhaitons arriver à toucher les personnes idoines dans le cadre de problèmes spécifiques. Par exemple, si quelqu’un a des soucis administratifs avec Pôle emploi, il pourrait se faire aiguiller vers la personne compétente pour solutionner sa problématique ».
« Le mot maître est l’entraide. Nous ne voulons plus être invisibles et c’est ensemble que l’on peut changer les choses. Cette solidarité, il faut la mettre en œuvre. Car nous sommes une grande et vraie famille ». Lionel Ales
Pour les intermittents du travail mais pas que
« Le CIP recherche également des gens qui ne sont pas forcément concernés par ce côté précaire de l’intermittence, précise Hervé Marcillat. Si certains souhaitent participer à notre cause et possèdent des compétences comme, par exemple, du savoir juridique et législatif, nous les accueillons volontiers pour qu’ils puissent partager leur expertise ».
« C’est très encourageant de voir autant de monde réuni ! »
Les membres fondateurs du CIP 43 -- Lionel Ales, Lydie Dupuis, Ludovic Charrasse, Fabien Surrel et Hervé Marcillat -- se sont inspirés de structures similaires déjà présentes un peu partout à travers l’Hexagone. « Nous avons dû l’adapter à notre réalité et au département, souligne Lionel Ales. C’est une association de fait qui est différente d’une association loi 1901. Elle n’y a pas de structure juridique qui nous encadre. Tous les gens sont là parce qu’ils l’ont décidé. Il n’y pas d’adhésion et tout repose sur l’engagement de chacun ».
Sur les 165 intermittents du spectacle indemnisés que compte la Haute-Loire (101 artistes et 64 techniciens), quarante ont déjà rallié le mouvement dès son premier jour. « C’est très encourageant de voir autant de monde réuni !, confie le comédien. On espère très vite toucher tous ces gens qui ont des petits boulots, qui travaillent à la tâche ainsi que les vacataires. »
« Nous lançons un appel à tous les intermittents du travail. Rejoignez-nous ! C’est ensemble que nous changerons la situation de tous grâce aux savoir-faire et savoir-être de chacun ! » Lionel Ales
Infos pratiques :
Pour joindre ou rejoindre le CIP Haute-Loire, vous pouvez écrire à cette adresse ciphauteloire@gmail.com
Pour leur page Facebook, c’est ICI
La culture vivante en sursis
Pourquoi créer ce collectif maintenant ? « Cela s’est imposé car il y a de plus en plus d’inquiétudes pour notre avenir, déplore Lionel Ales. Les jours avancent et se teintent toujours plus en noir. En ce qui concerne les intermittents du spectacle, la date butoir du 31 août arrive. Cette date signifie la fin de nos indemnisations sans que nous ayons la possibilité de savoir si on va pouvoir remplir les conditions de renouvellement de nos droits. On ne sait pas si on va pouvoir le faire car on nous empêche de travailler ! »
Et si rien ne bouge au 31 août ? À cette question, le visage du comédien s’assombrit alors. « Ce sera un pan entier de l’économie liée à la culture qui s’écroulera. Les festivals en Haute-Loire ? Terminé. Les représentations des troupes et les concerts au théâtre du Puy-en-Velay et ailleurs ? Terminé. S’il n’y a plus de droits, le jeu et la technique sont mortes. La menace pèse pour tout le monde. »
Il termine en ces mots : « Oui, on peut vivre sans théâtre ou sans cinéma, et oui il y a des palliatifs comme la télévision. Mais rien ne remplace le vivant à mon sens. Il faut très vite retrouver et réinvestir tous ces lieux culturels. Il est urgent de redonner de la vie et du sens à tout ça parce que la culture, c’est notre bien commun ».