Depuis la médiatisation de cette vache dévorée par une centaine vautours à Saugues le 1er juin 2020, d'innombrables commentaires ont été partagés sur le sujet via les réseaux sociaux. Outre le fait lui-même, c'est la version de l'éleveuse propriétaire de l'animal qui a partagé le plus les avis. D'après elle, la vache aurait été attaquée par une dizaine de charognards puis dépecée les jours suivants par toute un horde de vautours. Entre ceux qui pointent du doigt l'incapacité pour un tel oiseau de s'en prendre à un être encore vivant, et ceux qui admettent le cas possible, l'affaire n'a pas fini de faire couler de l'encre. D'autant plus qu'un agneau, à Torsiac vers Blesle, a semble-t-il échappé à une attaque de vautours samedi 13 juin.
"Les vautours ont commencé à le dévorer vivant"
"L'agneau qui venait de naître était encore tout mouillé, se débattant pour sortir de son placenta, lorsqu'il a été attaqué par sept vautours. Sa mère, apeurée, est partie en courant en le laissant là. Et l'agneau n'était certainement pas assez dégourdi pour se débattre. Les vautours ont alors commencé à le dévorer vivant. Ils ont eu le temps de lui arracher la queue, de lui entamer une grosse partie de l'oreille et de l'œil. Ils lui ont infligé des entailles un peu partout jusqu'au moment où l'éleveur et ses deux enfants sont arrivés avec des bâtons pour les faire fuir." Tel est le récit d'effroi partagé par Thierry Cubizolles, président de la FDSEA 43 (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles), organisateur d'une réunion chez l'éleveur à Torsiac, en présence des gens et des agriculteurs du secteur.
De nécrophage à prédateur ?
"Notre conférence de presse était intitulée 'Halte au carnage', car c'est un véritable carnage qui se produit en ce moment !, insiste Thierry Cubizolles. On a l'exemple à Thoras où ce sont trois brebis et un agneau qui ont été attaqués et dévorés le 14 juin. L'agriculteur admet que l'une d'entre elles était vieille et malade. Mais il assure qu'il n'avait pas quatre animaux morts au moment des faits. Que le vautour se tienne dans son rôle premier d’équarrisseur, ça s'entend. Mais lorsqu'il décide de s'attaquer à des animaux vivants, il devient un prédateur ingérable." Un autre cas a été enregistré le samedi 20 juin où les fameux charognards s'en seraient pris à une vache prête à vêler à Chanaleilles (à 20 km de Saugues). Selon le propriétaire de la bête, elle ne souffrait d'aucune faiblesse avant l'attaque des vautours.
----Présence des vautours en Haute-Loire :
-Saugues : Une vache dévorée le 1er juin par une centaine de charognards. L'éleveuse assure que sa bête était vivante au moment de l'attaque.
-Torsiac : Un agneau en train de naître, le 13 juin, se serait fait attaquer par sept vautours.
-Couteuges : Le 13 juin, une brebis apparemment morte se fait dévorer par les nécrophages.
-Thoras : Trois brebis et un agneau auraient été victimes d'une attaque de vautours les 14 juin. Aucun n'a survécu.
-Lubilhac : Le 17 juin, un mouton est retrouvé dépecé. Impossible de savoir si l'animal était vivant ou mort pendant le nourrissage des vautours.
-Chanaleilles : Le samedi 20 juin, une vache sans faiblesses particulières mais en train de vêler se serait fait tuer par des vautours et dévorer par la suite.-----Trois revendications de la FDSEA 43
"Les faits sont là !, déplore Thierry Cubizolles. Il n'y a qu'à regarder les photos de l'agneau de Torsiac pour se rendre compte non seulement de la violence de l'action mais également du fait qu'il a été attaqué encore vivant. Maintenant, l'agneau a deux semaines et se porte bien. Tous les stigmates qu'il a sur le corps témoignent du changement de comportement des vautours." En colère, les agriculteurs et les éleveurs veulent des explications et des prises de décisions de la part des services publics. "Ce que l'on veut c'est connaitre toute la vérité et savoir où l'on en est au niveau des effectifs de vautours dans le Massif central, appuie-t-il. Ensuite, nous souhaitons avoir la possibilité de faire des tirs d'effarouchement en tirant en l'air avec un fusil. Nous voulons aussi réguler les populations. Et nous allons nous battre pour qu'un fond d'indemnisation soit destiné aux éleveurs victimes de la perte d'un animal à cause des vautours".
"Il faut contrôler les naissances absolument"
Thierry Cubizolles s'inquiète du contrôle de la population des nécrophages en question. "En Lozère, le vautour a été réintroduit en 1981, indique-t-il. Les services de la préfecture ont dénombré pas moins de 600 couples dans ce département aujourd'hui, sans compter les spécimens solitaires impossibles à identifier clairement. Nous allons demander à notre préfecture la mise en place d'une régulation des populations. Pendant la première attaque à Saugues le 1er juin, des vautours étaient bagués. Cela veut dire que nous sommes en capacité d'identifier les animaux et leurs nids respectifs afin d'ôter un nombre prédéfini d'œufs. Il faut contrôler les naissances absolument." Pour faire remonter leurs directives, la FDSEA 43 a rendez-vous le jeudi 2 juillet avec les représentants de l'Etat.
Un combat entre plusieurs fronts opposés
Thierry Cubizolles rappelle que les agriculteurs ne sont pas contre la présence des vautours. Mais en nombre limité. "Il y a en toujours eu dans le département. En avoir cinquante d'un coup, tout le monde comprend que ce n'est pas naturel ! D'autant plus qu'un agneau ou une brebis ne suffit pas à nourrir une horde aussi dense. La solution des placettes des nourritures ne fonctionne pas. La preuve en est dans le parc naturel de Lozère où ils ont opté pour un dispositif de reproduction avec l'implantation de placettes de nourrissage. Résultat : des effectifs qui ne cessent d'augmenter. Si on les chasse de chez nous, ils iront ailleurs. Il ne faudrait pas qu'ils deviennent un fléau." Le responsable agricole connait le combat pour leur cause loin d'être gagné : "Le débat va être très difficile entre nous, l'Etat, et les associations de défense des animaux. Le tout n'est pas d'anéantir, loin de là, mais il faut réguler".
Une déception générale grandissante
Quant aux agriculteurs, ils apparaissent dépités par le phénomène de l'avis du président de la FDSEA 43. "Ils sont dégoûtés. Après le loup, ce sont les vautours. Maintenant, ils doivent appliquer une surveillance supplémentaire durant une période d'agnelage et de vêlage qui se fait à l'extérieur, sur l'herbe fraîche. Et ils en ont marre d'entendre le manque de considération par rapport à leur métier. Ils sont là pour nourrir les gens et ils se font pourtant attaquer de toute part sur tous les sujets. Durant le confinement, ils ont travaillé sans relâche pour assurer un approvisionnement de leurs produits dans les circuits courts et les marchés. Tout ça, pour une population qui ne cesse de les critiquer".
Nicolas Defay