Violences dans les quartiers populaires, Gilets jaunes éborgnés au Puy-en-Velay et ailleurs, humiliations de lycéens à Mantes-la-Jolie, charges policières démesurées, armées, face à des manifestants de tout âge…Les exemples ne cessent de s'additionner, empilés par les centaines de bouches échaudées par l'affaire George Floyd. "Nous aussi nous avons des cas similaires en France, insiste Nathalie Rumberger, secrétaire de la FSU. Comme Zyed, 17 ans, et Bouna, 15 ans, morts dans un transformateur électrique [en 2005, Ndlr], poursuivis par la police et abandonnés par les agents sur place, à Clichy-sous-Bois. Nous sommes là pour dénoncer l'absence de punition lorsque ce genre de bavure grave est commise. Quand on se sert de la violence légitime pour tuer, il faut en payer le prix et être jugé. La police doit être exemplaire comme tous les fonctionnaires de France. Nous ne sommes pas en train de dire que tous les policiers sont racistes et violents, mais on ne peut pas légitimer et accepter les violences de cette ampleur".
"Les gens les redoutent, les fuient ou les affrontent car nous avons perdu confiance en eux"
FO, CGT, FSU, Solidaires, Attac, UCL, Réseau Lycéen et d'autres… les drapeaux de différentes couleurs flottent dans le vent au-dessus de la place du Breuil, celle-ci entourée d'une poignée de policiers ce mercredi 10 juin 2020 en début de soirée. "Ils se cachent parce qu'ils ont peur ou simplement honte des agissements de certains de leurs collègues, assure un participant recouvert d'un baudrier jaune fluo. Normalement, on devrait être rassuré à la vue d'un policier car c'est un gardien de la paix, dont le rôle est de nous protéger. Et bien ils font l'effet inverse. Les gens les redoutent, les fuient ou les affrontent car nous avons perdu confiance en eux et en cette police institutionnalisée. Je sais qu'il ne faut pas faire de généralités. Mais toutes ces violences, tous ces morts, tous ces flash-balls [Lanceurs de Balle de Défense, Ndlr] et ces grenades qui pètent à tout va, tout ça a tendance à mettre l'ensemble des agents de police dans le même panier".
La mort de George Floyd, amorce d'une colère généralisée
"Ce qui vient de se passer aux USA est symptomatique de la situation mondiale, souligne Benoit Bacl, du Parti Ouvrier Indépendant (POI). La jeunesse américaine, et plus largement les noirs, sont en train de secouer cet état de ségrégation. Et ce qu'il se passe Outre-mer entre en résonance dans tous les pays du monde. La jeunesse française entre à son tour en résonance avec les USA. Je pense que c'est notre place à tous d'être ici pour dénoncer les causes de ce séisme." Les têtes autour de lui approuvent ses paroles. Il continue : "Nous revendiquons la fin des violences policières et surtout que le Gouvernement admette qu'il a une grande responsabilité sur le problème. En France, un bouillonnement est devenu très actif depuis l'arrivée des Gilets jaunes. Ils ont été les symboles des violences policières gratuites dans notre pays. Et s'il y avait de nombreuses vidéos attestant de ces abus, il n'y a jamais eu de conséquences pour les policiers violents. Et le pire dans tout ça, c'est que cette violence partait du Gouvernement".
Aucune différence entre la police française et américaine
Parmi les manifestants, les jeunes sont de la partie, levant bien haut les drapeaux du Réseau Lycéen et de l'UCL (Union Communiste Libertaire). "Nous sommes là pour montrer que nous avons une police institutionnalisée et raciste qui fait des morts comme Adama Traoré ou Zyed et Bouna, intervient Robin Chalendard, de l'UCL. Il n'y a aucune différence entre la police américaine et française où elle contrôle systématiquement et en priorité les personnes de couleur. Nous demandons justice pour toutes les violences policières commises quotidiennement".
"La confiance repose sur l'exigence de l'exemplarité pour tous"
Le chef de file de l'opposition municipale de la gauche écologiste du Puy Laurent Johanny (Génération.s), présent dans le cortège, a tenu à s'exprimer en ces termes : "Dans les rassemblements qui fleurissent partout en France, il s'agit d'abord d'exprimer un hommage mais aussi notre révolte face à des actes violents illégitimes qui provoquent des morts, des mutilés, et contre lesquels les condamnations restent très rares. Ces derniers jours, les témoignages de policiers eux-mêmes se multiplient et nous apprennent qu'en paroles comme en actes, le racisme est malheureusement coutumier chez certains. Plus les réponses politiques tardent, plus le fossé se creuse entre les citoyens et notre police républicaine. Il faudra aussi avancer sur la revalorisation des carrières d'agents qui exercent leur profession avec courage, prises de risque, respect et abnégation. Mais la confiance repose sur l'exigence de l'exemplarité pour tous".
Nicolas Defay