Une réforme en profondeur du système éducatif qui fait l'unanimité... contre elle
" Les publicitaires avaient trouvé le slogan Le Choc des Images pour doper les ventes de l'hebdomadaire Paris Match. Les communicants et les cabinets de conseil chargés de vendre à l'opinion publique la réforme à venir dans l'éducation nationale s'en sont grassement inspiré. Le choc des savoirs c'est d'abord de la com, de l'image, une formule assez violente en fait, pour faire croire aux gens au retour de l'autorité. Mais concrètement, sur le terrain, tout le monde vous le dira, c'est juste un arbre qui cache la déforestation en cours". Un enseignant
Le "choc des savoirs" ? C'est le nom du plan présenté par Gabriel Attal pour réformer l'école, lorsqu'il était encore ministre de l'Education nationale. Défendu ensuite par Amélie Oudéa-Castéra, qui lui a brièvement succédé à la tête du ministère puis par l'actuelle ministre, Nicole Belloubet, il a trouvé, en mars dernier, une première concrétisation par la publication au Journal officiel des mesures budgétaires et règlementaires censées le mettre en application dès la rentrée prochaine.
Il prévoit notamment d'organiser les cours de français et de mathématiques en groupes de niveau tout au long du collège, d'expérimenter la tenue unique dans une centaine d'établissements, de faire du diplôme du brevet le sésame qui ouvrirait les portes du lycée aux collégiens, de reléguer ceux qui ne l'auraient pas obtenu dans une classe préparatoire à la classe de seconde, et d'axer les enseignements sur "les fondamentaux" tout en préconisant certaines méthodes pédagogiques ou en labélisant certains manuels.
Une réforme profonde donc. Mais largement rejetée par les acteurs de terrain qui lui reprochent principalement de mettre en place une "idéologie réactionnaire", de "caporaliser les enseignants" et de promouvoir "un séparatisme social d'ampleur et inédit".
" C'est avant tout une réforme idéologique...
" C'est une réforme idéologique qui vise à mettre en place une vision réactionnaire de l'éducation" Eric, enseignant
Pour Eric, enseignant en lycée, le choc des savoirs " est avant tout une réforme idéologique, une attaque frontale contre l'Ecole Publique qui vise à mettre en place, de l'école primaire au lycée, une vision réactionnaire de l'éducation ". Une dérive inquiétante pour Véronique de Marconnay, du syndicat Sud'Education pour qui " certaines mesures, et notamment le désir de généraliser l'uniforme à l'école participent d'une volonté plus globale d'enrégimenter la jeunesse" à laquelle participeraient également selon elle " la mise en place récente du SNU (Service National Universel NDLR) ou la multiplication des classes défense dans certains établissements scolaires".
... qui cherche à caporaliser les enseignants..
" Nous ne voulons pas devenir de simples exécutants "
Dans le premier degré, des manuels labellisés seront obligatoires pour l'apprentissage du français et des mathématiques. Conçue par Gabriel Attal comme "devant élever le niveau général des élèves car fondée sur des méthodes pédagogiques efficaces", la mesure est vécue par les enseignants altiligériens comme une marque de mépris à leur égard. Ils sont plusieurs à le dire : " Il s'agit d'une mise au pas de notre liberté pédagogique et d'une mise en cause de notre professionnalisme. Le Choc des savoirs constitue une réelle maltraitance pour notre métier, nous sommes des concepteurs et ne voulons pas devenir de simples exécutants. On veut caporaliser les enseignants, c'est juste honteux".
... tout en triant les élèves".
Mais la mesure la plus décriée par les enseignants altiligériens et par l'ensemble de leurs collègues, au niveau national, concerne le collège. Il s'agit de la mise en place, dès le mois de septembre, de groupes de niveaux en Français et en Maths. Elle est présentée par le gouvernement comme un moyen " d'adapter l'organisation des enseignements aux besoins de chaque élève" mais irrite l'ensemble des forces syndicales qui se retrouvent à l'unisson et vent debout pour la contester.
" Il s'agit d'une mesure qui promeut le chacun pour soi plutôt que la coopération et la solidarité " Louise Pommeret, FSU
Pour Louise Pommeret de la FSU, " il s'agit d'une mesure destinée à flatter un certain électorat et qui promeut le chacun pour soi plutôt que la coopération et la solidarité". Séparer les élèves en français et en maths, c'est s'en prendre à la vie de la classe qui " doit rester la norme, parce que c'est le seul endroit où se construit une réelle alchimie, à l'intérieur de laquelle chacun peut trouver sa place, et où l'on apprend l'entraide et la coopération". Pour Véronique de Marconnay de Sud, cette mesure n'est ni plus ni moins qu'une forme de "tri social qui au lieu de prévenir les difficultés scolaires ne fait que les sanctionner". Toutes les deux refusent en choeur cette atteinte à ce qui constitue l'essence de leur métier et de leur engagement : la lutte contre les inégalités.
Et maintenant ?
" On est prêt à organiser des trucs du genre collège mort " une parent d'élève
Les dernières mobilisations réussies du personnel et des parents d'élèves de certaines établissements du département ayant porté leurs fruits ont remis du baume au coeur des enseignants et de certains parents, également mobilisés. Tous refusent de baisser les bras face à cette réforme et envisagent d'éventuelles actions à venir : " On est prêt à organiser des trucs du genre collège mort si le gouvernement persiste. On soutient totalement le combat des personnels de l'éducation et ça ne fait que commencer " nous confie en fin de manifestation une maman d'élève.
Le syndicat UNSA, quant à lui, vient de déposer, d'après une de ses élues départementales, " un recours auprès du Conseil d'Etat relatif à la réforme ainsi qu'un référé pour demander la suspension immédiate de son arrêté de mise en oeuvre".
Affaire à suivre.