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Le confinement inscrit dans le marbre du quatrième pilier de l'islam

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

Depuis le 24 avril 2020, des millions de musulmans dans le monde entier suivent le Ramadan, ce jeûne d'un mois entrecoupé de prières et de lignes de conduite à tenir. "Lors d'un Ramadan classique, on se lève à l'aube aux alentours des 5 heures pour déjeuner aussitôt après, décrit Ilyas Nacif, 28 ans, éducateur aux Gouspins et résident au Puy-en-Velay. Ensuite, la communauté musulmane se retrouve à la Mosquée pour effectuer la prière de l'aube. Dans une journée, en plus de ne pas boire ni manger du lever au coucher du soleil, il y a 5 prières à faire. Et quand arrive le soir, on se retrouve avec la famille et les amis pour casser le jeûne. C'est vraiment un beau moment de partage, d'écoute et de solidarité car on se retrouve non seulement avec toutes les générations de la famille mais aussi avec les amis. D'autre part, des repas sont préparés et partagés avec des gens dans le besoin. Des portions sont même réservées aux détenus de confession musulmane".

----Les cinq piliers de l'islam constituent le fondement du mode de vie islamique
Ces piliers sont les suivants :
-La profession de foi
-La prière
-La zakat (soutien financier aux pauvres)
-Le jeûne du mois de Ramadan
-Et le pèlerinage à la Mecque une fois dans la vie pour ceux qui en ont les moyens-----Un Ramadan sans précédent
"1h30 après avoir cassé le jeûne du soir, tout le monde va à la mosquée du Puy pour la prière du soir, ajoute Ilyas Nacif. À ce moment-là, elle est presque pleine, accueillant environ 400 personnes en même temps !" Cette année, le confinement de chacun et la distanciation sociale obligatoire ont enfoui cette émulsion de générosité et de bienveillance sous la peur et l'incertitude de l'avenir. Et d'après la mémoire des plus âgés, c'est la première fois qu'un tel lieu de culte et de brassage ferme ainsi ses portes sacrées. "Il est certain que les prières collectives, guidées par l'Imam, manquent à tous énormément, confie Mohammed Boussikli, président de la Mosquée Ar-Rahma du Puy-en-Velay. Mais tout le monde a bien compris que nous devons nous plier aux recommandations du gouvernement. La Mosquée, c'est le rassemblement, les retrouvailles et les prêches. Et c'est vrai que ce Ramadan est inédit." D'après Mohammed Boussikli, il y a environ 4 000 personnes de confession musulmane dans le bassin ponot.

Les réseaux sociaux pour retransmettre les sourates du Coran
Le culte, la religion et la tradition ne sont pas ennemis des technologies modernes et des moyens de communications du 21ème siècle. "Tous les soirs, l'Imam se retrouve seul dans la Mosquée, apprend Mohammed Boussikli. Il récite les sourates du Coran tout en étant filmé et retranscrit en direct sur le Facebook live. Son intervention dure à peu près 30 minutes. Ainsi, qui que ce soit peut prier directement de son domicile avec lui. En temps normal, ses prêches durent plus longtemps car des centaines de personnes sont d'habitude derrière lui, guidées au rythme de sa voix." Si l'initiative tente de contourner les conséquences du confinement, elle interroge quant aux valeurs du Ramadan. "Il y a une population très solidaire et généreuse à Guitard, assure Abdel Hanine Benmammar, directeur du centre social de Guitard. Avec le confinement, cette particularité s'est très réduite. La vision qu'on a du Ramadan est surtout alimentaire. Pourtant, c'est principalement un mois spirituel, mois du partage et de l'hospitalité. Cette année, cette notion d'entraide et de bienveillance et cette volonté d'aller vers l'autre sont sacrément amoindries".

----L'Aïd pourra-t-il se tenir sans confinement ?
La fin du ramadan 2020 se termine le 24 mai. Normalement, si la date du 11 mai correspond à la fin du confinement même dans les lieux de cultes, la communauté musulmane pourra se retrouver alors durant 13 jours. "Tout dépend des annonces du gouvernement sur le sujet, indique Ilyas Nacif. Mais on espère vraiment que l'on pourra au moins honorer l'Aïd pour fêter la fin du Ramadan".-----"Est-ce que ca a un sens de faire le Ramadan aujourd'hui ?"
Abdel Hanine Benmammar se pose même la question de la raison d'être du Ramadan pour cette année si particulière. "Est-ce que ca a un sens de faire le Ramadan aujourd'hui sachant que les conditions ne permettent pas de remplir les missions principales qui sont la rencontre avec l'autre, le partage, la générosité et le recueillement collectif ? Au delà du partage alimentaire, le partage humain n'a pas lieu cette année. Et malgré le fait que nous ayons des outils internet et de communications à la pointe pour suivre les prières, la relation humaine est totalement absente." Un sentiment éprouvé également par Ilyas Nacif. "Ce qui fait la beauté et le charme du Ramadan tombe à l'eau. Que ce soit le casse du jeûne ou les prières, nous faisons tout à la maison en cercle très restreint, qu'avec simplement la famille vivant dans le foyer. Pendant un Ramadan classique, l'Iman nous pousse à être toujours meilleur qu'à l'accoutumée. Aujourd'hui, ses prêches sont là mais il manque l'effet de groupe et la force qu'il crée. C'est un peu la déprime, à vrai dire même si tout le monde s'y fait".

Des solutions pour assouvir l'indispensable générosité de l'instant
L'un des aspects forts du Ramadan est le fait que des familles invitent des personnes nécessiteuses pour partager les repas. "Ce sont beaucoup les enfants issus du Damie (Dispositif d'Accueil des Mineurs Isolés Étrangers, Ndlr) qui bénéficient de cette générosité, explique Abdel Hanine Benmammar. Cette année, même ça n'est pas possible." Néanmoins, afin d'accéder à cette condition de partage, Mohammed Boussikli a mis en place une alternative en adéquation avec les restrictions sanitaires. "Beaucoup de personnes m'appellent pour savoir comment faire pour les repas destinés aux gens démunis, souligne-t-il. Je leur ai proposées de verser entre 5 et 10 euros à l'épicerie-boucherie hallal qui jouxte la Mosquée. Les nécessiteux peuvent ainsi y venir se servir gratuitement." Comme les portes closes de la Mosquée durant un Ramadan, ce procédé est une première historique. Mais en dépit de cette aura plutôt sombre qui flotte dans l'air et les esprits, Abdel Hanine Benmammar y voit quand-même un élément positif. "Les familles se retrouvent intimement, sans élément extérieur, sans filtre. Cet aspect intrafamilial va leur permettre d'avoir le temps de se connaitre et de se découvrir d'avantage".

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