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Quand un calvaire devient un vrai calvaire pour des villageois

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 24/05/2024 à 12:30

C’est un chemin de croix que semblent traverser les opposants à l’érection d’un crucifix de 5 mètres de haut dans le paisible village de Larcenac, commune de Saint-Vincent en Haute-Loire. Après un premier article sur le sujet, l’histoire continue où l’évêque du Puy-en-Velay lui-même parait prompt à mettre un peu d’eau bénite dans son vin de messe.

C’est l’histoire d’une famille, composée d’un couple et de leurs cinq enfants. Mathieu et Séréna Bourdilleau habitent dans le beau village de Larcenac, « un petit coin de paradis, paisible et verdoyant, traversé par une seule petite rue hyper étroite qui se termine en impasse », dixit les opposants à leur projet.

Leur projet ? Celui de planter un calvaire de cinq mètres de haut pour deux de large, dans leur terrain privé de 7 000 m².

Pour les profanes, un calvaire est un monument chrétien. Il se présente, soit sous la forme d’une simple croix sans personne clouée dessus, soit avec le Christ agonisant. Pour la version all inclusive, Jésus est également accompagné de deux autres personnes tout autant mal en point, le Mauvais et le Bon Larron. Le mot « calvaire » provient de l'araméen Golgotha, lieu où le Fils de Dieu a été crucifié, selon les évangiles.

« Comme le coq sur son fumier »

Après le lancement d’une pétition pour s’ériger contre cette opération du Saint-Esprit, les opposants se réunissent le 30 avril 2024 afin de discuter de la chose et connaître les recours possibles pour l’annuler.

Mais, si depuis la loi de 1905 concernant la séparation de l'Église et de l'État, il n'est plus possible d'édifier un calvaire sur un emplacement public, il demeure tout à fait légal sur un domaine privé. D’ailleurs, comme l’écrit SOS Calvaires, entité qui aide la famille Bourdilleau en ce sens : « Gallus in suo sterquilinio plurimum potest ! » Traduction : « Comme le coq sur son fumier, le propriétaire privé est maître chez lui ». Il est donc libre d’édifier un calvaire sur son terrain.

Ce à quoi, les opposants, constitués de riverains religieux ou pas, répondent : « Une croix de cinq mètres de haut, ça représente quand même une sacrée intrusion du religieux dans l'espace public ». Avant d’ajouter : « C'est tout de même une manière assez violente, au moins symboliquement, d'imposer aux autres ses propres convictions ».

« Ce sera le point de départ d’une dynamique d’évangélisation sur notre territoire »

Ce que craignent le plus les opposants, c’est l’annonce faite par le coq en question. « Le calvaire aura pour objectif de poser un acte de foi visible et durable afin de bousculer les catholiques endormis, partage dans une vidéo Mathieu Bourdilleau. Ce sera le point de départ d’une dynamique d’évangélisation sur notre territoire. Il sera un point de ralliement pour nombre d’organisations et un point de repère et de prière pour les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques ».

L’évêque soutient la construction du calvaire

Motivés par la foi de ne pas en rester là, les opposants toquent à la porte de l’évêché pour confesser leurs tourments à Monseigneur Yves Baumgarten. Ils obtiennent une entrevue le 10 mai. « Nous avons été accueillis avec courtoisie, confient-ils. L’évêque a pris le temps de nous écouter. Nous lui avons remis la pétition avec 417 signatures ».

Ils se désolent alors : « L’évêque a réaffirmé son soutien au projet en le présentant comme conforme à la mission de l’Église. Il a également affirmé ne pas disposer du pouvoir de s’y opposer ».

Retour au temps des croisades

Face au représentant de Dieu, les opposants ont mentionné les propos inquiétants de l’association SOS Calvaires avec « des idées de croisade et d’étendard, lancées par son président, idées qui ne nous paraissent pas conformes aux valeurs portées par le christianisme ». Yves Baumgarten a répondu ne pas connaître l’idéologie portée par l’association.

« La question est de savoir comment l'évêque pourra s’opposer demain à l’organisation de camps, de séminaires ou de prières au pied de cette croix monumentale alors qu’aujourd’hui il se dit impuissant face à ce projet ». Les opposants

L’évêque contre l’idée d’un lieu de culte autour du calvaire

« En revanche, l’évêque a reconnu que la communication faite par Mathieu Bourdilleau était un peu maladroite », nuancent les opposants. Dans sa vidéo de communication, le propriétaire assure « avoir le soutien total de notre évêque. Monseigneur Baumgarten s’est déjà engagé à faire une action de grâce à l’église du village ».

Même le blog d’actualité Le Salon Beige, blog catholique pro-vie qui se bat contre l'euthanasie, l'avortement ou encore le mariage homosexuel, le communique aussi : « Mgr Baumgarten s’est engagé à venir célébrer une messe à l’église de Saint-Vincent et à bénir la croix. Il envisage aussi une procession avec la croix portée à dos d’hommes à travers le village, de l’église de Saint-Vincent au lieu d’implantation (1,6 km) ».

Or, d’après les échanges entre les opposants et Yves Baumgarten, ce dernier ne s’est en rien engagé à célébrer une messe à Saint-Vincent. D’autre part, le projet de procession en sa présence n’a pas non plus reçu son accord. Et enfin, il n’est pas question de créer un lieu de culte autour de cette croix privée.

L'absolution dans le camp des autorités publiques

De prochaines actions, notamment des réunions, sont prévues par les opposants afin que leurs prières soient entendues par les puissants. « La balle est dans le camp des autorités publiques à l’instar de la préfecture et la mairie, garantes toutes deux de la laïcité et de l’ordre public », terminent-ils en chœur.