"Qui va pousser le fauteuil lundi ?" : la question, un brin provocatrice, interpelle. Avec le transfert d'une accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) du collège Lafayette vers le collège Jules Vallès, les manifestants s'inquiètent quant aux conditions d'encadrement pour les élèves porteurs de handicap dans le collège ponot.
Il y a une dizaine de jours déjà, les AESH se sont mobilisés au Puy comme un peu partout en France pour dénoncer une précarisation galopante et "une situation devenue insupportable". Ils demandaient un vrai statut et un vrai salaire, alors que Zoomdici avait rencontré une AESH qui se formait à ses frais et sur son temps libre pour faire face aux différents handicaps des enfants qu'elle accompagne.
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Besoin d'aide pour se déplacer, sortir son cahier, aller aux toilettes, couper sa viande...
S'il s'agit d'un maillon essentiel dans l'inclusion des élèves, les AESH sont encore en nombre restreint. De quoi ébranler les ambitions d'une école inclusive que le gouvernement place pourtant parmi ses priorités. Car une présence permanente est parfois nécessaire ; "on accueille des élèves en situation de handicap moteur, qui n'ont pas d'autonomie pour tous les actes de la vie quotidienne", explique Hassen Chamakh, enseignant en ULIS au collège Lafayette et du syndicat SNuipp FSU.
Il énumère toutes les incapacités de ces élèves, "comme se déplacer, aller aux toilettes... mais même ranger des documents dans son classeur ou sortir son cahier du cartable ou encore couper sa viande au self... c'est un accompagnement permanent qu'ils nécessitent". Pour lui, le retrait de ce poste d'AESH au collège Lafayette va "impacter les élèves en ULIS mais aussi les autres élèves accompagnés" car les emplois du temps des AESH qui restent vont être modifiés "et par moment, on aura des élèves qui ne sont pas accompagnés".
Des élèves handicapés abandonnés à leur sort ?
Jointe par téléphone, l'inspectrice d'académie Marie-Hélène Aubry s'en défend. "Ils ont les heures qui leur ont été notifiées par la Mdph (ndlr : Maison départementale des personnes handicapées)", répond-elle, "il y avait un surplus au collège Lafayette alors que c'était l'inverse à Jules Vallès".
C'était donc pour elle logique d'opérer ce transfert, surtout que l'Inspection d'académie "travaille dans une envelope budgétaire et qu'on cherche la meilleure adéquation". Plutôt rassurante, elle assure que "la situation n'est pas figée" et plusieurs réunions sont prévues dans les jours à venir.
Un discours qui ne passe qu'à moitié du côté des syndicats. "Est-ce quon accompagne trop les élèves ? Ce n'est pas notre sentiment", répond Agnès Chichereau, déléguée Force Ouvrière, "la réalité du terrain, c'est que les AESH font souvent plus que la notification de la Mdph donc la question, c'est peut être plutôt de se demander si la notification est suffisante".
"La déprécarisation des AESH"
Marie-Hélène Aubry prend le contrepied des revendications des AESH en affirmant que le gouvernement oeuvre au contraire à "la déprécarisation des AESH", avec des contrats de trois ans (renouvelables une fois) qui conduisnet normalement à un CDI (contrat à durée indéterminée) tout en rappelant que depuis le 1er septembre, "on affecte des AESH sur des établissements pour réduire le temps d'attente des enfants notifiés par la Mdph". Elle reconnaît toutefois que les salaires sont "pas lourds", avec environ 700 € par mois, mais qu'ils correspondent au plafonnement de 24 heures hebdomadaires. Et "souvent, elles complètent avec un autre emploi, à temps partiel aussi, dans une école par exemple".
"On m'avait dit qu'il n'irait pas au collège. Grâce à l'aide d'une AESH, aujourd'hui il ambitionne des études supérieures"
Fannie Lemaire est la maman d'un enfant porteur d'un handicap (dyslexie, dyspraxie, dysorthographie, etc.) en 3ème au collège Lafayette. Il est en inclusion dans toutes les matières, en plus de l'ULIS, ce qui signifie qu'il a toujours une AESH avec lui. "S'il n'en a pas, il ne peut pas suivre, mon fils ne peut pas écrire de façon autonome ni lire plus de trois lignes, sinon son regard s'effondre", nous confie sa maman.
Sans AESH, son seul accès à la scolarité se ferait par un ordinateur. Pour le moment, les seules deux matières où il n'a pas d'accompagnement sont des matières où il a environ 5 de moyenne, alors que pour toutes les autres disciplines, il oscille en tre 15 et 18 de moyenne. "En primaire, on m'avait dit qu'il n'irait pas au collège mon fils. Il est aujourd'hui en fin de 3ème, il n'a jamais redoublé et il ambitionne des études supérieures, et aujourd'hui il y croit", témoigne-telle, convaincue de la précieuse nécessité d'une AESH aux côtés de son fils.
De fausses économies "mais bon, ce n'est pas le même porte-monnaie"
"L'école n'est pas une marchandise" et "avant de penser à nos euros, pensez à nos enfants" sont autant de slogans que l'on pouvait entendre ce vendredi midi. "On sacrifie des enfants alors que c'est maintenant qu'ils en ont besoin", poursuit Fannie Lemaire, "au lieu de mettre tous les moyens maintenant pour bien construire demain, on fait des économies de bout de chandelle aujourd'hui".
Ayant une fine connaissance de l'éducation spécialisée pour y travailler, elle conclut : "si on n'avait pas mis les moyens en amont, aujourd'hui mon fils serait en éducation spécialisée et le prix d'une journée, c'est environ 700 à 800 €... mais bon, ce n'est pas le même porte-monnaie, ce n'est pas l'Education Nationale, c'est l'Etat, la Région ou le Département... enfin ça revient au même, ce sont nos impôts quoi".
Maxime Pitavy