----L'environnement qui nous entoure et qui nous est cher -- celui de la Haute-Loire -- nous l'évoquons ici, de manière engagée, comme chaque dernier vendredi du mois, dans notre chronique Veine Verte. Cette tribune d'opinion n'a pas vocation à représenter l'avis de la rédaction.-----C’est la rentrée et la tentation était grande de parler ici de l’ouverture de la chasse et de rappeler que la destruction du renard, premier prédateur du rat-taupier, se poursuit en Haute-Loire (entre 4 000 et 5 000 abattus chaque année). Ou bien encore de revenir sur les Terres de Jim et le curieux message qu’elles adressent aux générations futures, à l’heure du dérèglement climatique et des canicules à répétition, à l’heure où tout le monde sait qu’il faut réduire de toute urgence notre consommation d’énergies fossiles : qui a eu l’idée par exemple, de proposer des baptêmes en hélicoptère (110 litres de kérosène à l’heure), des spectacles de 4x4 et autres stock cars tintamarresques et polluantes, des expositions de robots agricoles qui contribueront à déshumaniser les campagnes, des démonstrations de Monster Trucks (des engins qui pèsent jusqu’à 20 tonnes et consomment jusqu’à 100 litres aux 100) ? Est-ce vraiment là l’image que l’on souhaite donner du plus beau métier du monde, celui de paysan ? Et, enfin, qui peut croire encore, en 2019, à rebours des connaissances scientifiques actuelles, aux vertus du labour mécanisé au point de le glorifier dans une « finale nationale » ? Sur ces sujets brûlants, chacun campe – et campera sans doute ad vitam aeternam – sur ses positions…
Plaidoyer pour la génuflexion
Un des meilleurs moyens de s’évader un peu de ce monde tout entier inféodé au Dieu Pétrole est de se plonger corps et âme dans le monde sauvage : pour peu que l’on daigne s’accroupir un instant, la flore altiligérienne nous donne à voir un monde magique, inépuisable, étourdissant.
Parmi les plantes qui nous environnent dans nos monts et merveilles de Haute-Loire, beaucoup sont comestibles (et souvent bien plus riches en nutriments que nos légumes cultivés, même s’il ne faut pas en abuser)… Outre les grands classiques comme le pissenlit, citons le mouron blanc, la bête noire de tant de jardiniers, qui fait de très bonnes salades au goût de noisette (tout comme une autre plante envahissante des jardins, le pourpier sauvage)…
Poursuivons la balade avec l’incontournable chénopode blanc, reconnaissable à ses feuilles en pattes d’oie (chénopode veut d’ailleurs dire « patte d’oie » en grec), ou le plantain lancéolé, omniprésent chez nous, dont la feuille comme le bouton (au surprenant goût de champignon) sont comestibles.
Une petite soif ? Pourquoi ne pas essayer le thé d’épilobe dont le goût évoque bel et bien… le thé (une bonne manière de "consommer local" !) ?
Retour au solide : le panais offre une racine généreuse au goût subtilement sucré, aussi bonne crue que cuite (et facile à cultiver au jardin)… c’était un incontournable au Moyen-Âge, avec la purée de glands !
Pimentons cette liste de quelques jeunes feuilles crues d’alliaire, à la feuille tout en rondeurs et au goût d’ail très prononcé, qui donneront du piquant à vos salades, ou de petite pimprenelle, qui évoque immanquablement le concombre.
Les jeunes pousses d’épicéa ou de sapin pectiné, finement hachées, ajouteront quant à elles des saveurs plus proches du citron.
Friandise bien connue des randonneurs à l’automne, voici maintenant le cynorrhodon (le « gratte-cul » des enfants), soit la baie de l’églantier sauvage qui, une fois blette, d’une pression délicate du bout des doigts, laisse échapper sa pulpe rouge-orangée à la saveur inimitable, et bourrée de vitamine C (en confiture, c’est très bien aussi… même si de patience il faut s’armer).
L’ortie à tout faire
Si, de toutes les plantes sauvages, il fallait n’en retenir qu’une, ce serait l’omniprésente ortie dioïque, la plus commune, l’amie précieuse des jardiniers, qui est à la fois comestible et médicinale (en cas d’anémie notamment) : riche en protéines, en vitamines, en sels minéraux, on en fait des tisanes, des pestos, des gratins, des quiches, des purées, des soupes bien sûr… on peut même s’en servir crue pour en saupoudrer les salades (finement hachée, vous l’aurez deviné).
Comme pour la faune sauvage, le meilleur moyen de protéger ce merveilleux patrimoine botanique, c’est d’abord de le connaître. « Mal nommer les choses, c’est ajouter à la misère du monde », disait Camus. D’après le Conservatoire botanique du Massif Central, 40 % de nos plantes sauvages seraient menacées du fait des activités humaines. Raison de plus pour partir à leur (re)découverte. Munissez-vous toujours d’un bon manuel (par exemple l’excellent « Plantes comestibles en Haute-Loire », de Guy Lalière, aux éditions Debaisieux) qui vous indiquera où et quand les ramasser, en ayant la main – et la chaussure – légère bien sûr, et en évitant les zones susceptibles d’avoir reçu des pesticides.
Ah, et au fait, c’est le moment d’emmener les enfants semer des noyaux partout pour avoir des arbres fruitiers dans quelques années (prune, noix, abricot, pêche de vigne… au choix !).
Oumpah-Pah
Précédemment dans Veine verte :
Requiem pour une poubelle (25 mai 2018)
Ode à nos paysages (28 juin 2018)
Oui-Oui et l'Éolienne magique (19 septembre 2018)
Retour à la case marché (22 octobre 2018)
Le chasseur de serpents (22/11/2018)
Un verger pour royaume (21/12/2018)
Zones humides au régime sec (19/01/2019)
Simple comme un reste au compost (20/02/2019)
Verdun dans les sous-bois (19/03/2019)
Le pèlerin sédentaire (26/04/2019)
Les amis de la faux (23/05/2019)
Le malabar des falaises (21/06/2019)