Des Iles sanguinaires de la Corse du Sud aux caps Blanc-Nez et gris-Nez dans le Pas-de-Calais, en passant par la Sainte-Victoire (Bouches-du-Rhône) ou le Pont du Gard, pas moins de 18 sites sont déjà labellisés, pour un total estimé à 33 millions de visiteurs environ.
Ce label "Grand Site de France", inscrit dans la loi, appartient à l'État, qui l'a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle en 2003. Il est géré par le Ministère en charge de l'Écologie. Sélectif et exigeant, il est la reconnaissance d'une gestion conforme aux principes du développement durable, conciliant préservation du paysage et de "l'esprit des lieux", qualité de l'accueil du public, participation des habitants et des partenaires à la vie du Grand Site.
----Le Mézenc fait l'objet d'un certain nombre de protections environnementales et paysagères (Espace Naturel Sensible, Natura 2000, Site classé, Réseau Départemetal Biodiversité...) mais également de projets de développement économique et touristique.-----Seulement huit kilomètres entre les deux sites montagneux aux nombreuses caractéristiques communes
L'Ardèche et la Haute-Loire partagent une histoire et une géographie commune symbolisées par deux sucs : le Mont Mézenc et le Mont Gerbier de Jonc. Le premier s'étend sur plus de 4 000 hectares et sept communes entre Ardèche et Haute-Loire. Il est à vol d'oiseau à huit kilomètres seulement du Mont Gerbier de Jonc, qui s'étend sur 45 hectares et deux communes. C'est ce périmètre qui est concerné par le potentiel label.
Plusieurs spécificités caractérisent ces deux sites montagneux et forgent l'identité des deux départements, avec un paysage volcanique atypique, un fil rouge, la Loire, mais aussi une montagne aux herbages particuliers permettant l'élevage du Fin Gras du Mézenc ou encore une architecture caractéristique, faite de toits de lauzes, de chaume ou de genêts.
Déjà plusieurs millions d'euros investis ces dernières années
Qu'est-ce que cette labellisation "Grand site" pourrait apporter aux territoires concernés ? "Ça nous ouvrirait bien des portes à tout niveau", juge Jean-Pierre Marcon, le Président du Département, "ce serait très important pour la communication et le développement économique, ce serait la porte ouverte à toutes les promotions", ajoute celui qui se déclare le sourire en coin un parfait symbole de cette alliance, puisque "conçu en Ardèche et né en Haute-Loire".
Il faut dire que des investissements, parfois même très lourds, ont été réalisés par les deux conseils départementaux ces dernières années. Côté Haute-Loire, rien que sur la station et le village des Estables, l'enveloppe consacrée est de l'ordre de plusieurs millions d'euros.
"Nous avons fait d'importants investissements sur le tourisme, place maintenant aux retours économiques"
"Différentes stations ont été équipées, en ski alpin comme en ski de fond", nous détaille le Président Marcon, "notamment Freycenet-la-Cuche ou à Saint-Front, avec par exemple des remontées mécaniques et il y a aussi l'aménagement du village des Estables, avec notamment la construction du village de vacances, qui est la propriété départementale et qui propose 400 lits".
Côté Ardèche, le Département a engagé depuis plusieurs années des acquisitions foncières et d'importants travaux de requalification du site du Mont Gerbier de Jonc, représentant plus de trois millions d'euros d'investissements. "Nous avons fait d'importants investissements sur le tourisme", reconnaît Laurent Ughetto, Président de l'Ardèche, "place maintenant aux retours économiques". Il faut bien sûr ne pas oublier les investissements privés pour clore l'adition.
Une labellisation centrée sur le tourisme et la démographie ?
Outre l'intérêt touristique manifeste, quels sont les autres visées de cette labellisation? Elle pourrait avoir des incidences sur différents pans de la société comme l'agriculture, l'économie, la démographie ?
"Une contrainte qui va devenir inévitablement une grande chance pour le département"
Les investissements escomptés auront donc principalement pour but d'activer le levier touristique, mais aussi de maintenir la démographie sur un territoire parfois déserté, en conservant une activité économique, et donc un service public. Enfin le troisième pilier est l'aspect environnemental, que l'on peut "décliner à l'infini", estime le chef de file de l'exécutif départemental.
Sans que ça ne représente trop de contraintes ? "Si, il y en aura toujours un peu", nous répond le Président du Département, "mais c'est une contrainte qui va devenir inévitablement une grande chance pour le département par rapport au reste du territoire national, qui ne peut pas offrir autant de richesses paysagères que nous pouvons en offrir".
De nombreuses interconnexions : du fin Gras au ski de fond, en passant par la Loire et le vélo
"La belle aventure du Fin Gras a permis d'accroître les interconnexions entre nos territoires", souligne Marie Agnès Petit, vice-présidente du Département en charge du tourisme, "avec un beau travail sur cette viande reconnue bien au-delà de nos frontières régionales, et même nationales". Il a tout de même fallu 10 ans de démarches pour obtenir l'AOP mais aujourd'hui, le succès est au rendez-vous avec 1 200 bovins commercialisés en AOP en 2018 et une distribution aux quatre coins de l'hexagone.
L'interconnexion entre les pistes de ski de fond existe déjà et l'idée serait de continuer à développer ce partenariat autour de la Loire, avec par exemple des parcours à vélo ou le GR3. Autre exemple de cette collaboration : l'association des élus du Mézenc, d'Ardèche et de Haute-Loire. "On l'a créée dans les années 2000", se remémore Philippe Delabre, maire de Saint-Front et Président de la communauté de communes Mézenc-Loire-Meygal. Des cartes touristiques communes existent également depuis plusieurs années. "Nous sommes aujourd'hui issus d'une même Région, il n'y a plus de barrières administratives, que les citoyens et les touristes ne connaissaient pas. Il est temps de réunir les deux massifs".
"On ouvre aujourd'hui un livre dont on va écrire la première page demain"
Reste que si la visioconférence de ce lundi matin marquait un premier pas, le chemin s'annonce encore bien long et parsemé d'embûches. "C'est aujourd'hui le baptême de notre entente", lance Jean-Pierre Marcon. Il va maintenant falloir bâtir ce dossier et il faudra compter bien cinq années environ avant la potentielle obtention du label. Ce dernier, bien loin des enjeux du label Unesco, n'apporte pas de fonds supplémentaires de l'État ou de l'Europe.
"Ce n'est pas qu'une question d'argent mais de volonté", conclut Jean-Pierre Marcon, "l'enjeu c'est de vraiement vendre ce projet là qui a besoin d'être vendu car il est très atypique par rapport aux différents sites que l'on retrouve dans ce label au niveau national".
Maxime Pitavy