Après avoir exposé les enjeux et les chiffres clés des élections à la chambre d'agriculture de Haute-Loire, Zoomdici vous propose les regards croisés des trois têtes de liste sur divers thèmes sélectionnés par la rédaction : crise des revenus des agriculteurs, Politique Agricole Commune (PAC) pour 2021-2027 ou encore l'image de l'agriculture et son association à la transition écologique, ainsi qu'un sujet libre (une proposition phare lors de cette campagne).
Comment remédier à la crise des revenus des agriculteurs ?
Stéphanie Mosnier, de la Coordination rurale : "Nous voulons un revenu juste, correspondant à notre travail et nous voulons pouvoir vivre de ce revenu, et non plus des aides. Il faut inverser la tendance pour que ce soit l’agriculteur qui fixe les prix. La PAC constitue une atteinte à la vocation nourricière de l’agriculture et à la souveraineté alimentaire. Cette politique ultralibérale empêche d’atteindre l’objectif d’assurer durablement une alimentation saine en quantité et qualité à nos concitoyens. Règles de marchés, libéralisation à outrance, concurrence déloyale, déséquilibre de forces entre l’amont et l’aval… seul critère de la compétitivité a légitimé la PAC depuis 1992 ! Il est urgent de sortir de ce système dans lequel les agriculteurs s’entretuent. Il est évident que pour dynamiser nos zones rurales et assurer la pérennité de l’agriculture familiale française et européenne, il nous faut des marchés européens régulés et protégés ! C’est un travail que la Coordination rurale mène au niveau national dans les interprofessions".
David Chamard, de la Confédération paysanne : "La Confédération paysanne défend un droit au revenu pour tous les agriculteurs. C’est une de nos priorités pour la Haute-Loire, car il n’y aura pas de paysans nombreux sans revenus décents. Depuis toujours, nous réclamons que les revenus des agricultrices et des agriculteurs proviennent de la vente de leur production. Il faut imposer une régulation des marchés pour garantir des prix rémunérateurs supérieurs aux coûts de production. La Chambre d’agriculture de Haute-Loire se doit de porter ces exigences au ministère. Dès notre élection, nous mettrons en place à la Chambre d’agriculture des services techniques qui développeront pour toutes les productions, l’autonomie fourragère et la sécurisation économique des exploitations. Par exemple, en production laitière, une commission sera créée avec l’objectif de valoriser notre lait altiligérien, principalement produit à l’herbe, afin d’assurer un prix minimum de 450€/Tonne".
Yannick Fialip de la FDSEA-JA : "Au niveau national, nous devons poursuivre nos efforts concernant la loi EGALIM notamment sur la construction du prix du producteur au consommateur en prenant en compte les coûts de production sur nos exploitations. Plus localement, nous continuerons à intensifier les différenciations sous signes de qualité issus de nos initiatives locales dont la qualité est incontestable mais également les produits vendus en circuits courts et en agriculture biologique… Nous voulons vivre dignement de notre métier en revendiquant une qualité des produits issus de toutes les agricultures répondant aux attentes plurielles des consommateurs".
* Comment redorer l'image de l'agriculture et comment l'associer à la transition écologique ?
Yannick Fialip de la FDSEA-JA : "Il convient de rappeler que 97 % des Français ont une bonne image de notre agriculture et ils nous soutiennent. Il est important de rappeler que l’agriculture s’est toujours adaptée aux demandes sociétales et que nous continuerons à le faire pour nos compatriotes. Concernant l’agriculture biologique notre département a aujourd’hui plus de 10 % de sa superficie agricole en bio mais attention à ne pas standardiser les produits BIO. Pour nous, le Bio c’est plus vert donc c’est plus cher ! ".
David Chamard, de la Confédération paysanne : "Produire pour vivre est notre slogan ! Notre métier est essentiel pour assurer une alimentation de qualité accessible à tous. Or, on veut nous imposer deux modèles : l’un pousse à produire toujours plus avec des prix trop bas dictés par l’agro-industrie, l’autre condamne l’élevage à disparaître. Nous proposons une alternative : l’agriculture de Haute-Loire à taille humaine, rémunératrice, créatrice d’emplois et respectueuse de l’environnement. Pour la transition écologique, nous défendrons en chambre d’agriculture un modèle agricole altiligérien autosuffisant avec des systèmes à base d’herbe, de céréales de montagne, en nous appuyant sur la diversité des productions du département et des filières locales. Dans la logique de notre projet, nous accompagnerons l’agriculture biologique ainsi que les productions d’énergies renouvelables à taille humaine".
Stéphanie Mosnier pour la Coordination rurale : "Les agriculteurs sont les premiers acteurs de la nature. Il faut faire comprendre aux gens que les agriculteurs n’ont rien à cacher sur leurs fermes et multiplier les visites de fermes pour montrer leurs bonnes pratiques notamment en matière de bien-être animal. L’utilisation des produits phytosanitaires homologués par l’État se fait à bon escient, quand cela est nécessaire. Les agriculteurs vont devoir également répondre de plus en plus aux attentes sociétales en se rapprochant du consommateur et en faisant le lien avec les territoires. La vente directe constitue une bonne transition écologique. Ce système permet ainsi d’éviter l’impact du transport et de restituer la richesse au territoire mais pour cela le consommateur doit réapprendre à s’approvisionner localement et se questionner sur ce qu’il consomme, cette proximité doit également s’opérer dans la restauration collective qui nourrit notamment nos enfants".
Quelles sont vos attentes concernant la nouvelle PAC (2021-2027) et quelles sont les orientations que vous escomptez ?
David Chamard, de la confédération paysanne : "On milite pour une répartition plus juste des aides publiques. Pour la future PAC, nous revendiquons un rééquilibrage : aujourd’hui, 80% des aides vont à 20% d’agri managers. Il faut une revalorisation importante des 52 premiers hectares avec une redistribution des aides par actif pour favoriser l'emploi et surtout arrêter la course à l'hectare. La PAC actuelle incite les agricultrices et les agriculteurs à agrandir leurs fermes sans fin, pour compenser les baisses de revenus, en créant des structures dans lesquelles la charge de travail augmente, structures qui deviennent non transmissibles avec des niveaux trop importants d'investissement et d'endettement. Nous devons changer d’orientation ! Nous nous battrons pour le maintien de l’ICHN [Indemnité compensatoire de handicaps naturels, Ndlr] : c’est une aide juste et plafonnée. Elle est importante pour notre zone de montagne et contribue, en Haute-Loire, à préserver l’élevage en milieux difficiles".
Yannick Fialip de la FDSEA-JA : "Bien entendu le maintien du budget et d’une PAC forte qui poursuive et continue à reconnaitre nos zones difficiles par l’ICHN et l’élevage à l’herbe. Outre la PAC nous devons poursuivre nos actions face aux importations distorsives que voudrait nous imposer l’Europe. Nous voulons bien faire des efforts sur nos méthodes de productions mais à ce moment-là nous devons avoir les mêmes exigences vis-à-vis de nos importations".
Stéphanie Mosnier pour la Coordination rurale : "La CR 43 souhaite qu’il y ait l’inscription d’une régulation des productions dans tous les domaines, une PAC forte qui remette les agriculteurs au centre de la PAC et non pour les lobbying. La CR milite pour que la PAC retrouve ses missions premières, plus que jamais d’actualité, à travers notamment la garantie d’un niveau de vie équitable pour les agriculteurs, avec des prix rémunérateurs pour leurs produits, qui enclenchera un cercle vertueux global (développement rationnel de la production, sécurité qualitative et quantitative des approvisionnements, équilibre des territoires, préservation de l’environnement). La PAC doit permettre d’obtenir des prix sur les produits et ne plus nous emmener sur le marché mondial, pour ce faire la CR propose que les marchés européens soient régulés et protégés par la mise en place de l’exception agriculturelle".
Donnez-nous une proposition phare pour cette campagne (sujet libre, non évoqué jusqu'alors)
Stéphanie Mosnier pour la Coordination rurale : "La CR43 souhaite rendre la Chambre d’agriculture à tous les agriculteurs, elle doit être la Maison de tous les agriculteurs sans distinction et sans syndicalisme. L’argent doit servir et revenir directement aux agriculteurs. La CR43 souhaite davantage de transparence concernant l'utilisation des fonds publics, des indemnités, sur les mandats des élus et une communication pour tous sous la forme d'un journal gratuit adressé aux agriculteurs de Haute-Loire comme le fait la Chambre du 63 (administrée par la CR et la Conf). L'idée d'un accès gratuit ou d’une participation modeste des agriculteurs à certains services délivrés par la Chambre (service juridique) serait nécessaire".
Yannick Fialip de la FDSEA-JA : "Il est indispensable de maintenir une chambre d’agriculture départementale proche de ses agriculteurs. Soyons convaincus qu’une agriculture départementale forte et progressiste se fait avec une Chambre d’agriculture de proximité qui accompagne. Nous poursuivrons notre communication positive sur le métier d’agriculteur contre ces attaques incessantes et infondées de certaines minorités. La Chambre d’agriculture doit être un paravent face à ces attaques en mettant en avant la qualité du travail des agriculteurs de notre département".
David Chamard, de laCconfédération paysanne : "Dès notre élection, la Confédération paysanne se battra pour instaurer un droit au repos pour les agricultrices et agriculteurs avec un service de remplacement gratuit (15 jours par an) reposant sur un système de cotisations mutualisées. Il existe déjà aujourd’hui un crédit d’impôts pour congé remplacement à hauteur de 50% pour les 14 premiers jours. Nous devons aller plus loin. La Chambre d’agriculture de Haute-Loire s’y emploiera. Les paysans ne sont pas une sous classe de la population mais un élément essentiel. Pour faire naître des vocations, donner l’envie aux jeunes, ce métier doit permettre de dégager du revenu et du temps libre pour ne plus être 365 jours par an sur nos exploitations. Il faut des paysannes et des paysans nombreux et heureux dans des campagnes vivantes ! ".
Propos recueillis par Maxime Pitavy