"Contaminez votre lit, et vous suffoquerez une nuit dans vos propres détritus." Le chef indien Seattle, en 1854.
On savait les océans gavés de plastique. Un vendeur en poissonnerie me confiait récemment qu'il appartenait sans doute à la dernière génération de poissonniers. On sait depuis peu que la banquise elle-même est truffée de nanoparticules. Que dire de nos sols et de nos rivières, pollués par des résidus de plastique pour des générations ? Le fait est que nous vivons dans une société de l'ultra-pollution, où la quasi-totalité de nos gestes quotidiens souillent l'environnement d'une manière ou d'une autre. Nous vivons à crédit écologique en permanence. Nous sommes fin mai, et en cinq mois nous avons déjà consommé les ressources que la planète peut nous offrir en un an, en lui léguant au passage des montagnes faramineuses de déchets.
Entre enfouissement et décharges sauvages
En Haute-Loire comme partout ailleurs, le problème des ordures ménagères est un casse-tête récurrent. Souvenons-nous de l'homérique combat des habitants du Devès contre le projet du centre d'enfouissement de Cayres au début des années 2010. Ou de la lutte plus discrète contre le CET (centre d'enfouissement technique) de Chastel-Ligou, soigneusement caché au fin fond des bois du Monastier-sur-Gazeille. Sans oublier le projet d'extension de la décharge de Perpézoux, à Monistrol-sur-Loire, contre lequel des habitants sont actuellement vent debout.
Songeons aussi à toutes ces décharges "à l'ancienne" qui disparaissent mystérieusement sous la terre et qu'un glissement de terrain vient remettre au jour quelques années plus tard, comme à Costaros. Ou que la Loire vient rappeler à notre bon souvenir, comme à Nant, commune de Vorey. Ajoutons-y les mini-décharges sauvages plus ou moins noyées dans la végétation qui continuent de polluer les ravins du département.
Reste une question. Comment lutter contre les projets de décharge si l'on continue à polluer comme on le fait ? Le tri existe depuis des lustres mais n'a jamais tenu ses promesses et ne les tiendra sans doute jamais. Tous ces emballages sont polluants à fabriquer, parfois mal triés et très énergivores à recycler. Malgré la vogue médiatique du moment qui pourrait nous faire croire que l'on va vers le mieux, le constat est là : chaque année, chaque Français produit (à son insu bien sûr) environ 590 kilos de déchets, dont 200 seulement sont recyclés. C'est beaucoup. Mais il y a pire. Si l'on inclut les déchets liés aux process de fabrication des produits que nous consommons, ce sont près de 14 tonnes de déchets que chaque Français produit chaque année. Stop… ou encore ?
Sobriété heureuse
Nous autres, Altiligériens, avons conscience de vivre dans un environnement d'exception et avons à cœur de le protéger. Or la solution est là, à portée de main, et elle consiste tout simplement à ne plus produire de déchet, ou quasiment plus ! Utopique ? Absolument pas ! Ce qui est utopique, c'est de penser que nous pouvons continuer à sacrifier notre environnement et celui de nos enfants sur l'autel de la croissance, du sacro-saint "développement", de l'économie, de l'emploi, de la modernité…
Aujourd'hui, des centaines d'Altiligériens, des milliers peut-être, vivent déjà le "zéro déchet" au quotidien. Ils pratiquent la "sobriété heureuse" chère à un illustre voisin, le philosophe-paysan ardéchois Pierre Rabhi. En d'autres termes, ils ne consomment que le strict nécessaire, fini les emballages, les gadgets, la mode jetable et les babioles en tous genres qui terminent à la poubelle au bout de quelques mois ! Quand ils ont vraiment besoin de quelque chose, ils l'achètent d'occasion, c'est-à-dire moins cher et sans emballage.
Pour les courses, fini le supermarché et ses pruneaux d'Agen du Chili, ses concombres blisterisés, ses miels de synthèse et ses cookies suremballés. Retour à la case qualité : les adeptes du "zéro déchet" font les marchés de producteurs avec leurs petits sacs en tissu et vont chez le boucher, le fromager ou la crémière du coin avec leurs boîtes en verre. Fini les papiers d'emballage, le cellophane et les barquettes en plastique… et rassurez-vous, rares sont les commerçants qui tiquent ! Pour les pâtes, le café, les herbes, l'huile, le vin, les biscuits, la farine, le sucre, etc., il suffit d'aller dans des boutiques qui proposent tous ces produits en vrac – elles sont de plus en plus nombreuses.
Pour tout le reste aussi, de la brosse à dents au papier cuisson en passant par la lessive, les produits de beauté, le liquide vaisselle et les bonbons, il existe des alternatives "zéro déchet", souvent plus économiques, plus écologiques, en un mot salutaires. Vous pouvez dire adieu à votre poubelle hebdomadaire…
La solution est là. Elle est toute simple. Elle a tout pour plaire, pour l'environnement, pour l'emploi local, pour le petit commerce, pour le lien social, pour nos paysages enfin. La balle est dans le camp des municipalités, des diverses instances du département, et bien sûr des écoles primaires… à elles de faire la promotion active de ces pratiques, de sensibiliser la population tous azimuts. C'est leur rôle, c'est leur devoir. Car l'avenir est à l'évidence au "zéro déchet", et la Haute-Loire a tout pour être pilote sur le sujet !
Oumpah-Pah